Article paru le 16 juillet – page9
Les « pratiques acceptées »
de l’armée israélienne
Proche-Orient
. Une association de soldats vétérans israéliens dénonce l’utilisation de
boucliers humains lors de l’offensive de Gaza.
Lentement, le vent tourne. Si, en 2002,
lors de l’offensive lancée en Cisjordanie, l’armée israélienne avait pu
échapper à ses responsabilités dans les massacres perpétrés, notamment dans
le camp de réfugiés de Jénine, il n’en est plus de même aujourd’hui.
L’offensive menée à Gaza du 27 décembre au 18 janvier avait soulevé un cri de
protestation à travers le monde. Si un quarteron de défenseurs acharnés
d’Israël avait applaudi aux bombes au phosphore blanc, aux tirs contre des
écoles de l’ONU ou aux destructions de maisons, la majorité des peuples
avaient exprimé leur émotion devant une attaque qui a fait plus de 1 400
morts et 5 000 blessés palestiniens. D’autant que la volonté israélienne
d’empêcher la presse internationale de pénétrer dans la bande de Gaza
indiquait clairement que cette armée, et ses chefs, ne tenait pas vraiment à
opérer devant des témoins qu’il serait difficile de contredire. Ce qui n’est
pas le cas lorsqu’il s’agit de paroles de Palestiniens que Tel-Aviv assimile
toujours à de la propagande, voire à de l’antisémitisme.
Parmi les nombreux murs dressés par
Israël, un est en train de se lézarder. Au lendemain de l’offensive, déjà,
des soldats avaient dénoncé des attitudes militaires contraires aux droits de
l’homme, s’apparentant à des crimes de guerre, voire des crimes contre
l’humanité. La branche israélienne de l’organisation Médecins pour les droits
de l’homme (Physicians for Human Rights) a accusé l’armée d’avoir violé le
droit international lors de l’offensive « Plomb durci » dans la
bande de Gaza, notamment en ce qui concerne la sécurité des blessés et des
équipes soignantes. Aujourd’hui, c’est une autre organisation non
gouvernementale, une association de soldats vétérans, Breaking the silence
(briser le silence), qui révèle les « pratiques acceptées » au sein
de l’armée israélienne. Il s’agit selon elle de « la destruction de
centaines de maisons et mosquées sans que cela n’ait d’objectif militaire,
l’emploi de phosphore en direction de zones habitées, la mort de victimes
innocentes tuées avec des armes légères, la destruction de propriétés privées
et (…) une atmosphère permissive dans la structure de commandement qui a
permis aux soldats d’agir sans contraintes morales ». Le document est
composé de témoignages anonymes de trente soldats engagés dans les combats
durant l’offensive israélienne à Gaza. « Les témoignages prouvent que la
manière immorale dont la guerre a été menée était due au système en place et
non aux soldats individuellement », a affirmé Mikhael Manekin, au nom de
l’ONG.
IsraëL refuse
toute commission d’enquête
Les soldats israéliens ont ainsi
utilisé des civils comme boucliers humains (« À chaque maison dont nous
nous approchions, on envoyait les voisins à l’intérieur », a expliqué
l’un d’eux) et reçu pour instruction de tirer sans se préoccuper des conséquences.
« On nous disait que la sécurité des soldats résidait dans leur
puissance de feu, a raconté un militaire. On faisait ainsi comprendre aux
soldats que leur vie était le plus important et qu’il n’y avait aucune raison
qu’un de nos soldats soit tué parce qu’on avait laissé à un civil le bénéfice
du doute. » L’armée israélienne a rejeté ces accusations, affirmant dans
un communiqué que, selon ses propres enquêtes, « il est clair que les
soldats des forces armées israéliennes ont opéré en accord avec les lois
internationales et les ordres qu’ils ont reçus, en dépit des combats
difficiles et complexes ». Le seul problème est que, comme toujours,
Israël refuse toute commission d’enquête internationale qui permettrait de
faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé dans la bande de Gaza. Une
attitude qui ne peut que jeter le doute sur les déclarations officielles
israéliennes, alors que les témoignages des soldats corroborent ceux
recueillis par les grandes ONG de défense des droits de l’homme.
Pierre Barbancey
http://www.humanite.fr/2009-07-16_International_Les-pratiques-acceptees-de-l-armee-israelienne
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