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Analyse Trois mois après la
guerre, qui se souvient de Gaza ? Trois mois après la fin de la guerre, le 18 janvier, la bande
de Gaza est retombée dans l'oubli. Pour les 1,5 million d'habitants, la
situation est exactement la même que celle qui prévalait au lendemain de
l'opération "Plomb durci". Les points de passage restent
hermétiquement fermés. La frontière avec l'Egypte est close. Chaque jour, les
autorités israéliennes permettent l'approvisionnement de produits de première
nécessité au moyen d'une centaine de camions ainsi que le transfert de
carburant pour que la population puisse survivre. Selon un rapport de l'ONU, "la qualité et la quantité
sont insuffisantes au regard des besoins. Le fioul industriel et le gaz pour
la cuisine ne représentent respectivement que 70 % et 25 % des besoins". Face aux protestations des Etats-Unis et de l'Union
européenne, Ehoud Olmert, alors premier ministre, avait décidé que certaines
denrées alimentaires - fromage, pommes de terre, jus de fruit, pâtes -
pourraient désormais être autorisées à franchir l'imperméable clôture de
sécurité. En raison de la dégradation de la situation, John Ging,
directeur de l'Unrwa, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, a
lancé, le 3 avril, un appel pour la réouverture des frontières, estimant que "les
quantités qu'Israël laisse entrer sont absolument et totalement
inadaptées". "Cela a un effet particulièrement dévastateur sur
l'état physique et l'état d'esprit de la population", avait-il
ajouté. Dans le compte rendu hebdomadaire de l'Office de l'ONU pour la
coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour la semaine du 8 au 14
avril, il est indiqué que 132 000 personnes n'ont toujours pas accès à l'eau
courante. Parmi elles, 100 000 ne peuvent s'approvisionner que tous les deux
ou trois jours et 32 000 n'ont aucun accès. Les diarrhées et les hépatites
virales ont considérablement augmenté au cours des quatorze premières
semaines de cette année. De surcroît, les matériaux de construction, le ciment, le fer,
les pièces détachées ne peuvent toujours pas pénétrer dans la bande de Gaza.
Ce qui signifie qu'après trois semaines de bombardements, les choses sont
restées en l'état, qu'aucune reconstruction n'a pu être entreprise, que les
sans-abri vivent toujours sous des tentes. Quatre mille maisons ont été
détruites et des milliers d'autres endommagées. On estime à environ 120 000
le nombre de personnes directement affectées par les destructions massives.
L'activité économique est totalement paralysée. Les Gazaouis attendent toujours que les choses bougent. Mais
depuis la conférence de Charm el-Cheikh, le 2 mars, au cours de laquelle 80
pays et organisations ont adopté un plan de reconstruction pour lequel 4,5
milliards de dollars d'aide ont été promis, rien ne s'est produit. "Nous
appelons à l'ouverture immédiate, totale et inconditionnelle de tous les
points de passage", avait pourtant enjoint le communiqué final de cette
conférence. Israël a posé deux conditions : la libération du caporal Gilad
Shalit, séquestré depuis le 25 juin 2006, et le refus que cette aide
internationale soit versée au Hamas qui détient le pouvoir dans la bande de
Gaza depuis la mi-juin 2007. Les tentatives de réconciliation entre le mouvement islamiste
et son rival du Fatah ont jusqu'à présent échoué en dépit des efforts du
médiateur égyptien. Une troisième réunion entre le Fatah et le Hamas pourrait
avoir lieu, fin avril, mais les positions des deux frères ennemis sont
toujours très éloignées l'une de l'autre et la constitution d'un gouvernement
d'unité nationale pouvant permettre la reconstruction et la préparation
d'élections législatives et présidentielle, au début de 2010, apparaît pour
le moment totalement illusoire. Les deux camps s'accusent mutuellement de
pourchasser, d'emprisonner et de torturer les militants. Ils se renvoient les
accusations d'intransigeance. Pendant ce temps, les Gazaouis se demandent jusqu'à quand va
se poursuivre leur descente aux enfers. Depuis la victoire du Hamas aux
élections du 25 janvier 2006 et l'imposition de sanctions par Israël et la
communauté internationale, le blocus n'a cessé de se renforcer et les
conditions de vie n'ont cessé de se dégrader. Il y a toujours des accrochages
meurtriers entre soldats israéliens et les membres des organisations armées.
Mais les tirs de roquettes en direction du sud d'Israël se sont
considérablement espacés. La situation s'est stabilisée. Après trois mois de vie clandestine, Ismaïl Haniyeh, premier
ministre du Hamas, a fait, vendredi 17 avril, sa première réapparition
publique. Le signe d'une normalisation ? Mais quelle normalisation ? Le jour
même de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 18 janvier, six chefs d'Etat
et de gouvernement européens dont Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon
Brown s'étaient retrouvés pour un dîner à la résidence de M. Olmert, à
Jérusalem, après un sommet improvisé à Charm el-Cheikh. M. Olmert les avait félicités pour "leur soutien
extraordinaire et leur préoccupation pour la sécurité d'Israël". Tout le
monde s'était réjoui de la fin des combats. Tout le monde avait souhaité une
nouvelle donne. On l'attend toujours. Michel Bôle-Richard Correspondant à Jérusalem |