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Article paru le 13 Janvier 2010 – Page 23Un barrage politico-militaire contre la paix
Par
Keltoum
Staali
http://www.humanite.fr/popup_imprimer.html?id_article=2758680 Une réédition augmentée de
l’enquête-choc de René Backman sur le mur construit
par Israël en Palestine, et
visant à compromettre toute perspective d’État palestinien. Un mur en Palestine, de René Backman. Éditions
Gallimard, « Folio », 2009. 330 pages, 7,70 euros. « Nous aimons
tellement cette terre que nous l’enfermons. » Cette phrase tirée du film
Mur, de Simone Bitton, souligne le paradoxe qui caractérise cette région du
monde où les hommes se déchirent pour une terre à laquelle ils sont attachés
viscéralement. Sur ce territoire trois fois saint, trois fois sacré, un mur a
été érigé à partir de 2002, pour mettre fin aux attentats palestiniens, selon
la version officielle. Un ouvrage qui enferme les gens, « change même la
couleur de la lumière », efface brutalement, du jour au lendemain, le
bout de la rue, l’horizon, le soleil. Pour les Palestiniens, un mur
d’annexion. Pour les organisations israéliennes hostiles au projet, une
barrière de séparation. Pour d’autres, un mur d’apartheid. Derrière les
contorsions sémantiques, une réalité difficile à camoufler. Dans cette
nouvelle édition revue et augmentée de son livre*, fruit d’un travail fouillé
et très documenté, l’auteur, rédacteur en chef au Nouvel Observateur, nous
livre une enquête doublée d’une analyse sans complaisance, sur la genèse du
mur. Il décortique les ressorts complexes de cette mécanique
politico-militaire qui consiste en réalité à annexer de fait de nouveaux
territoires et rendre pour longtemps impossible la perspective d’un État
palestinien. « Comme nombre de mes amis israéliens et palestiniens, dit-il,
j’ai cru à la paix au moment de la signature des accords d’Oslo et j’ai été
témoin, avec eux, du naufrage du processus de paix, parce que je n’arrive pas
à croire que ce que le monde entier a vu s’écrouler hier avec joie, à Berlin,
puisse être une solution, demain à Jérusalem. » La construction bétonnée
complique considérablement la vie des Palestiniens et rend très difficile le
moindre déplacement. Le mur les a coupés de la possibilité de travailler,
mais aussi de l’aide médicale d’urgence. Dans les villages palestiniens, pas
d’hôpital, pas de maternité, pas de bloc chirurgical. En cas de problème, il
faut prendre contact avec les autorités israéliennes, obtenir les
autorisations nécessaires pour franchir les checkpoints et transporter le
patient en contournant Jérusalem, ce qui peut prendre des heures… L’ouvrage a
pourtant été déclaré illégal : l’Assemblée
générale des Nations unies a voté une résolution dans ce sens, en juillet
2004. Mais le Conseil de sécurité de l’ONU s’est bien gardé d’adopter une résolution
contraignante. Façon de dire, si besoin est, qu’Israël peut continuer à
ignorer le droit international en toute impunité. Un mur illégal. Pour
l’auteur, il s’agit bel et bien d’un barrage contre la paix. (*) Première édition chez Fayard, 2006. |