Article paru le 18 Janvier 2010 – Page 24
Peut-on débattre du conflit israélo-palestinien ?
Par OLIVIER MAYER
Le Snes et
des syndicalistes de la FSU sont poursuivis pour avoir débattu en congrès
d’un boycott d’Israël.
Peut-on débattre de la position à
adopter face à la politique israélienne sans être poursuivi par la justice
française pour incitation à la haine raciale ? C’est une question qu’on
peut malheureusement se poser aujourd’hui. Des plaintes ont en effet été
déposées contre des syndicats de la FSU, le Snes notamment, et certains de leurs
adhérents. Leur crime ? Avoir défendu dans des contributions
personnelles ou voté des motions lors de congrès académiques ou nationaux,
appelant au boycott d’Israël.
L’association Avocats sans frontières,
présidée par Gilles-William Goldnadel, et l’association France-Israël ont
porté plainte après l’adoption par un congrès académique du Snes, celui de
Nice, d’une motion en ce sens intitulée : « Pour venir en aide au
peuple palestinien, le Snes doit s’engager dans le boycott d’Israël. »
Condamnant le massacre mené à Gaza en décembre 2008 et janvier 2009, la
motion souhaite que le Snes agisse pour organiser « le boycott effectif
d’Israël dans les transports, la distribution et le commerce, les
universités, les laboratoires… et contre toute initiative de soutien et de
propagande en sa faveur ». Cette position n’a pas été celle adoptée sur
le plan national par la majorité du Snes. Mais où y voit-on, qu’on le
soutienne ou non, une incitation à la haine raciale ou à
l’antisémitisme ? N’est-il pas normal que les défenseurs des droits des
peuples s’interrogent sur la façon de combattre l’occupation illégale des
territoires reconnus par la communauté internationale comme appartenant au
peuple palestinien et pour condamner les « crimes de guerre » menés
par l’armée israélienne à Gaza ? D’autant qu’on se souvient de
l’efficacité des campagnes de boycott des produits sud-africains pour mettre
fin au régime de l’apartheid. Le procureur de la République auprès du
tribunal de grande instance de Bobigny a pourtant ordonné que soit diligentée
une enquête à la suite de plaintes d’associations pro-israéliennes. La FSU
rappelle que « ses dernières prises de position prennent en compte les
éléments relevés dans le récent rapport Goldstone, approuvé par Conseil des
droits de l’homme de l’ONU, qui dénonce les crimes de guerre lors de la
guerre à Gaza l’hiver dernier ». À juste titre, la direction de la FSU
Elle « conteste qu’une procédure pénale puisse viser à sanctionner des
textes qui ne sont ni injurieux, ni insultants, ni porteurs de haine et qui
ont leur place dans le débat et non devant les juges ». Elle dénonce par
avance « toutes poursuites éventuelles », qu’elle juge
« injustifiées et extrêmement choquantes », et s’inquiète de l’abus
des accusations d’antisémitisme « qui prennent précisément le risque de
discréditer la lutte contre l’antisémistisme menée par de nombreuses
organisations ». Dont la FSU elle-même.
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