Article paru le 3 février 2010 – Page 22
Règlement de comptes ?
Par Charles Silvestre, Secrétaire des Amis de l’Humanité.
http://www.humanite.fr/2010-02-03_Idees-Tribune-libre-Histoire_Reglement-de-comptes
Pourquoi les
cinémas Utopia sont-ils poursuivis en justice ?
Sur la base d’un article signé
Yann
Moix, dans le Figaro du 18 août 2009, une « association culturelle juive
des Alpilles » poursuit en justice les cinémas Utopia pour des propos
publiés dans leur magazine qu’elle qualifie d’antisémites. Une audience est
prévue le lundi 15 février à Avignon.
Il se trouve que l’association des Amis
de l’Humanité dont je suis le secrétaire a été associée à la projection, en
avant-première, le 17 juillet 2009, à Avignon, du film d’Elia Suleiman, Le
temps qu’il reste, objet du texte en cause. La séance a été suivie d’une
discussion libre, ouverte au public, sans que la moindre épithète soit
prononcée contre qui que ce soit, en dépit de la cruauté de l’histoire vécue
par les Palestiniens.
Tous ceux, dont nous sommes, qui
suivent l’activité d’Utopia-Avignon savent que la programmation des films,
comme leur présentation, n’est inspirée par aucun racisme. La salle est
réputée, dans les milieux les plus divers, pour son ouverture d’esprit, la
qualité de ses choix et la diversité de ses invités.
Une chose est de discuter telle ou
telle formule, comme celles du magazine d’Utopia, voire de la désapprouver,
autre chose est d’appeler à prononcer des condamnations globales et
définitives visant à attribuer à l’autre partie des positions et une idéologie
moralement infamantes. L’article publié dans le Figaro rapproche les
responsables d’Utopia de Robert Brasillach, collaborateur, fusillé à la
Libération pour propagande en faveur des nazis. Cet excès même témoigne d’une
volonté de règlements de comptes politiques, ce qui relève du débat public et
non de la justice.
Comment ne pas rappeler, dans ces
conditions, la longue liste de ceux, mouvements, intellectuels, journalistes,
élus, artistes, syndicalistes, qui se sont vus cités en justice pour des
commentaires sur la politique israélienne, commentaires invariablement
qualifiés d’antisémites. L’antisémitisme, comme tout racisme, est un crime
sans nom. Mais on ne peut l’invoquer, s’agissant de faits sans commune mesure
avec un sujet aussi grave et une histoire aussi tragique, dans le but de
faire taire la critique du comportement de l’État israélien. Il serait
navrant qu’un lieu d’accueil, de débat, comme Utopia, soit incité à ne plus
jouer son rôle.
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