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Nicole Dreyfus, avocate des
militants du FLN, est décédée Nicole Dreyfus, avocate des
militants du FLN, est décédée Par Hassane Zerrouky
http://www.humanite.fr/Nicole-Dreyfus-avocate-des-militants-du-FLN-est-decedee Cette femme menue, qui a défendu des militants nationalistes et communistes algériens, était redoutée par les juges et les procureurs. Dans cette Algérie en guerre, en dépit des menaces de mort, elle n’a jamais cédé à la peur. Nicole Dreyfus est décédée jeudi soir dans un hôpital parisien. Elle avait quatre-vingt-six ans. Avocate, elle s’est distinguée par un engagement exceptionnel pour la cause de l’Algérie en guerre en assurant la défense des militants nationalistes et communistes algériens. C’est ainsi qu’en 1956, alors âgée de trente-deux ans, elle a fait partie du collectif de défense du Front de libération nationale (FLN). Cette année-là, en pleine « bataille d’Alger », alors que les paras du général Massu pratiquaient une « torture de masse » selon l’expression d’Henri Alleg, faisant disparaître des milliers de personnes – 25 000 morts et disparus en 1956-1957 –, Nicole Dreyfus se rendait à Alger pour assurer la défense de deux jeunes femmes, Baya Hocine et Djhor Akrou, membres de l’ALN (Armée de libération nationale), âgées de seize ans, accusées de terrorisme. Elles avaient été condamnées à mort « la veille de Noël […] en dépit de leur âge et en dépit de leur sexe », déclarait-elle dans un entretien à l’Humanité du 15 novembre 2000, avant que leur peine ne soit commuée en prison à perpétuité. Elle a surtout défendu des femmes comme Zohra Drif, dirigeante du FLN pendant la bataille d’Alger, la communiste Jacqueline Guerroudj, toutes deux condamnées à mort en premier appel. Safia Baaziz, devenue avocate, et plus tard sa collaboratrice. Et tant d’autres militantes nationalistes et communistes algériennes. Menacée de mort par l’extrême droite, Nicole Dreyfus n’a jamais cédé à la peur. Nicole Dreyfus puisait la force de son engagement dans l’histoire de sa famille. Très attachée à son origine alsacienne, raconte Henri Alleg, lointaine cousine du capitaine Dreyfus, elle a été marquée par le racisme antisémite. Et de ce passé fait d’engagement pour l’indépendance algérienne qu’elle évoquait à chaque fois qu’elle y était invitée, un ami commun, ancien cadre du FLN, a vainement essayé de la persuader de le raconter par écrit pour les générations actuelles et à venir. C’était en juillet dernier, deux mois après son retour d’Algérie où elle avait participé à un colloque sur les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma. Elle n’en voyait pas l’utilité. « Ce n’est pas mon genre. Je n’ai fait que ce je devais faire comme l’ont fait d’autres avant moi dans d’autres circonstances tout aussi tragiques », répondait-elle. En 2000, Nicole Dreyfus s’engage de nouveau en signant avec onze autres personnalités françaises (Henri Alleg, Germaine Tillion, Josette Audin, Simone de Bollardière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Noël Favrelière, Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Vernant et Laurent Schwartz) l’appel lancé le 31 octobre 2000, à l’initiative de l’Humanité, demandant au président Jacques Chirac et au premier ministre Lionel Jospin de condamner la torture pendant la guerre d’Algérie. Cet appel « a eu l’immense mérite de réveiller dans notre peuple ce qui était refoulé. Il a remis à l’ordre du jour des faits anciens, qui dormaient dans la conscience commune, en éveillant des réactions très salutaires. Il a constitué un véritable point d’ancrage pour l’indispensable travail de mémoire », assurait-elle dans les colonnes de l’Humanité. L’ANC sud-africaine, la défense des progressistes grecs sous la dictature des colonels, la Palestine et l’Irak sous occupation américaine ont fait aussi partie de son engagement.
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En 1956, elle avait
notamment assuré la défense, à Alger, de deux jeunes femmes, Baya Hocine et
Djhor Akrou, accusées d'actes de terrorisme, puis celle de Zohra Drif,
dirigeante du FLN pendant la bataille d'Alger, en 1957, ce qui lui vaudra
d'être menacée de mort. Contrairement à l'avocat Jacques Vergès, elle reste
fidèle à la ligne du PCF et ne prône pas une défense de rupture qui conteste
la légitimité des tribunaux appelés à juger les accusés. "Nos routes
se sont séparées mais j'avais beaucoup de respect et d'affection pour
elle", nous a confié Me Vergès.
A cet engagement initial,
Nicole Dreyfus est toujours restée fidèle. Avec d'autres avocats, elle mène
un combat judiciaire destiné à faire reconnaître l'imprescriptibilité des
crimes commis en Algérie. Elle défend notamment Josette Audin, l'épouse de
Maurice Audin - un universitaire communiste disparu à Alger, en juin 1957,
après être passé entre les mains des hommes du général Massu - qui tente en
vain d'obtenir l'ouverture d'une information judiciaire pour "crime
contre l'humanité", "enlèvement" et "séquestration"
de son mari. En novembre 2000, elle fait partie des douze signataires de "l'appel
pour condamner la torture lors de la guerre d'Algérie", aux côtés
d'Henri Alleg, ancien directeur d'Alger républicain et auteur du livre
La Question, Josette Audin, Germaine Tillion et plusieurs historiens.
Evoquant dans un entretien à L'Humanité, le 15 novembre 2000, les
obstacles juridiques - amnistie, prescription - qui lui avaient été opposés,
elle observait : "Je ne pense pas que l'on puisse aboutir sur le plan
pénal, c'est trop tard. Mais au fond, ce qui est important, c'est la
reconnaissance d'une condamnation sur le plan moral et politique de la
torture pendant la guerre d'Algérie."
Le militantisme politique
de Nicole Dreyfus l'a amenée à défendre des dirigeants de l'ANC en Afrique du
Sud, des responsables de l'opposition dans la Grèce des colonels et à
soutenir la cause palestinienne. Elle a aussi conduit de nombreuses missions
d'observation judiciaire dans des pays où les droits de l'homme étaient
bafoués, en sa qualité de secrétaire générale de l'Association française des
juristes démocrates (AJD). On la retrouve encore en défense de militants de
la CGT Renault, en 1987, ou des salariés de Manufrance, à Saint-Etienne, en
1992. Elle a également défendu le professeur Jacques Roux, ancien directeur
général de la santé, qui fut l'un des prévenus de l'affaire du sang
contaminé, en 1992 et 1993.
Sa carrière d'avocate
pénaliste au barreau de Paris est marquée par un épisode violent. En novembre
1983, le braqueur Lionel Cardon, qui vient de tuer un policier à moto pour
protéger sa fuite, se fait annoncer sous un faux nom au cabinet de Me
Dreyfus. Il la connaissait pour lui avoir été opposé lors d'un procès où elle
défendait une de ses victimes. L'avocate est prise en otage, ainsi qu'une
journaliste du Quotidien de Paris, Annette Kahn.
Restée seule avec lui après
la libération de la journaliste, Me Dreyfus empêche Lionel Cardon
de se suicider. Il est arrêté après un échange de tirs avec les policiers et
demande à son ex-otage d'assurer sa défense. "Ce que j'aurais fait,
avait dit Nicole Dreyfus, si ma qualité de témoin ne m'en empêchait."
Dates clés
26 mai
1924 Naissance à Mulhouse.
1956
Défend des Algériennes accusées de terrorisme.
1983
Prise en otage par un braqueur.
11 février 2010 Mort à Paris.