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Vers la proclamation
unilatérale de l'Etat palestinien ?
par Yves Aubin de La Messuzière
La
question de la création de l'Etat palestinien est revenue au coeur du débat
israélo-palestinien, quand, dès sa prise de fonctions, Barack Obama a
fait pression sur Israël pour qu'il accepte le principe de la solution de
deux Etats. Benjamin Nétanyahou s'y est résolu, mais en posant des conditions
telles (contrôle des frontières, des espaces aériens et maritimes,
démilitarisation totale...) que l'Etat palestinien dans la conception
israélienne s'apparente à un véritable protectorat. Cette inflexion qui
s'ajoute au moratoire sur le gel de la colonisation permet d'écarter les
pressions américaines sur le gouvernement israélien, qui se reportent sur
l'Autorité palestinienne. Au cours de l'été 2009, le
premier ministre palestinien, Salam Fayyad,
annonce un plan structuré de mise en place progressive d'institutions dans la
perspective de la création d'un Etat palestinien viable à l'horizon 2011. Il
semble que cette annonce ait été faite en concertation étroite avec les
Etats-Unis. L'initiative à laquelle adhère Mahmoud Abbas,
sans s'exprimer toutefois sur celle-ci, soulève des critiques au sein du
mouvement palestinien, y compris de la part du Fatah qui pressent
l'effacement de son rôle historique. D'autres responsables palestiniens font
des déclarations parfois contradictoires sur l'objectif et le calendrier de
la création de l'Etat palestinien. Certains d'entre eux reviennent sur
l'option de l'Etat binational qui relève de l'utopie ou de la désespérance,
plus particulièrement dans la jeune génération. Les négociations de
proximité à venir sous l'égide américaine, que Mahmoud Abbas n'est pas en
mesure de refuser, n'ont aucune chance d'aboutir sur un statut final, comme
ce fut le cas dans le processus d'Annapolis. Il est donc vraisemblable que
l'option de la déclaration unilatérale de l'Etat palestinien redeviendra
d'actualité. Si tel est le cas, quelle sera l'attitude de la communauté
internationale, plus particulièrement celle de l'Union européenne, dans un
contexte différent de celui qui prévalait en 1988, quand le Conseil national
palestinien proclama la création d'un Etat palestinien ? A l'époque, près
d'une centaine de pays, dont quelques pays d'Europe centrale, avaient reconnu
cet Etat virtuel, qui n'avait pas d'assise territoriale. Selon la pratique
internationale, on ne peut opposer des obstacles juridiques à une telle
reconnaissance. Il existe en effet une jurisprudence qui s'appuie sur le
principe d'effectivité décliné en trois éléments : la présence d'une
population, le fonctionnement d'institutions qui exercent une autorité
effective, même si elle est limitée, et l'existence d'un territoire. Il n'est
pas nécessaire, pour que l'effectivité soit établie, que les frontières du
territoire soient définitivement fixées, comme le montre l'exemple du Kosovo,
qui pourrait être une référence en l'espèce. Si la reconnaissance d'un
Etat est un acte discrétionnaire de nature politique, il sera difficile pour
nombre de pays européens, et notamment pour la France très engagée dans le
renforcement des institutions palestiniennes , de refuser la reconnaissance.
On peut être assuré qu'une très large majorité des membres de l'assemblée
générale de l'ONU reconnaîtra l'Etat palestinien. Les Etats-Unis, engagés dans
un nouvel exercice de négociations, pourraient donner l'impression de
s'opposer à cette perspective. Mais iront-ils jusqu'à opposer un veto au
Conseil de sécurité, passage obligé pour l'admission d'un nouvel Etat à l'ONU
? La proclamation unilatérale
de l'Etat palestinien à l'échéance de 2011, qui participerait d'une
révolution conceptuelle, permettra de déclencher une nouvelle dynamique, un
réel processus se séparant de la méthode d'Oslo par l'inversion de la
perspective, les négociations devant suivre la création de l'Etat
palestinien. La dissidence de Gaza ne devrait pas être un obstacle,
l'histoire du mouvement palestinien étant faite davantage de conciliations
que de ruptures. Dans de récentes
déclarations, les dirigeants du Hamas évoquent un Etat palestinien dans les
frontières de 1967 et semblent davantage disposés à une réconciliation avec
l'Autorité palestinienne. Après la proclamation de l'Etat par une Autorité
palestinienne tirant sa légitimité de nouvelles élections, s'engageraient des
négociations d'Etat à Etat sous supervision internationale et s'appuyant sur
le corpus des résolutions de l'ONU. L'illégalité de l'occupation d'un Etat
indépendant et souverain en serait renforcée. L'Europe, sous l'impulsion
de la France, pourrait prendre une initiative en commençant par constater,
comme le relève un communiqué de la présidence de la conférence
internationale des donateurs pour l'Etat palestinien, en janvier 2010, que
les réformes entreprises par l'Autorité palestinienne en matière de
gouvernance, de finances publiques et de sécurité, préparent la mise en place
d'un Etat palestinien viable, indépendant et démocratique. Yves Aubin de La
Messuzière : Ancien directeur Afrique du
Nord et Moyen-Orient du Quai d'Orsay |