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Quand chaque Israélien doit
devenir ambassadeur
par Laurent Zecchini
L'image d'Israël à l'étranger ayant été flétrie par la guerre de Gaza,
et la presse internationale s'obstinant, faut-il comprendre, à présenter une
vision biaisée de l'Etat juif, Yuli Edelstein,
ministre israélien de la diplomatie publique et de la diaspora, s'est résolu
à répliquer par... la caricature. Le résultat est visible sur le site
officiel www.masbirim.gov.il. Avec un double message :
délégitimer les correspondants en poste en Israël, et demander à tous les
Israéliens de devenir les "ambassadeurs" de leur pays, grâce
à un viatique politique soigneusement orienté leur permettant d'"expliquer"
(masbirim) Israël. Le site ministériel diffuse
trois courtes vidéos satyriques : la première caricature un journaliste
britannique qui arpente le désert avec ce commentaire : "Le chameau
est un animal israélien typique utilisé par les Israéliens pour voyager d'un
endroit à l'autre, dans le désert où ils vivent." Dans le second
court-métrage, une présentatrice d'un journal télévisé français confond des
scènes de guerre, "des tirs et d'importantes explosions à
travers tout le pays", avec ce qui n'est qu'un feu d'artifice. Le
dernier clip présente une journaliste espagnole au milieu d'Israéliens réunis
autour d'un barbecue : "La plupart des maisons israéliennes n'ont pas
l'électricité ou le gaz, aussi utilise-t-on d'anciennes méthodes de
cuisson." Entre chaque vidéo, une voix insiste : "En
avez-vous assez de la manière dont on nous présente dans le monde ? Vous
pouvez changer cette image." Ce programme
gouvernemental, qui a bénéficié d'un budget de 1,5 million de dollars (1,1
million d'euros), prévoit également la formation de 70 groupes de travail qui
dispenseront une formation à tous ceux - sportifs, hommes d'affaires,
étudiants, conférenciers divers - qui peuvent devenir les
"ambassadeurs" d'Israël. Dans cette vision
officielle, les colonies dans les territoires palestiniens occupés, loin
d'être un obstacle à la paix, sont décrites comme "un renouveau des
anciennes colonies juives", et leur éventuelle évacuation comme une "violation
des droits de l'homme". Et l'Autorité palestinienne est présentée
comme "appelant à la destruction de l'Etat juif et à la guerre
sainte". La presse israélienne s'est
étonnée que l'argent public puisse financer une campagne aussi outrancière,
et Yariv
Oppenheimer, secrétaire général de l'ONG israélienne Peace Now, a
souligné, comme plusieurs éditorialistes, que celle-ci ne peut que renforcer
une image négative d'Israël à travers le monde. |