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Article paru dans l'édition du 23 avril 2010A Ramallah, des gratte-ciel pour contrer les restrictions
territoriales israéliennes
Par
Benjamin Barthe Les investisseurs immobiliers palestiniens ont
trouvé la parade aux restrictions israéliennes qui les empêchent de s'étendre
au-delà de certaines zones : bâtir à la verticale. Une poignée de tours
d'environ 100 mètres sont en cours de construction à Ramallah, le siège de
l'Autorité palestinienne, conférant à cette ville de 40 000 habitants de faux
airs de quartiers d'affaires à l'européenne. "Il
y a une mode du gratte-ciel, reconnaît Tawfik Boudeïri,
responsable de la planification urbaine au ministère des collectivités
locales. On est encore très loin du gigantisme en vigueur dans les Emirats
du Golfe. Mais, pour une ville comme Ramallah, habituée à des hauteurs
modestes, c'est un phénomène neuf, qui promet de s'accroître si la situation
politique ne se détériore pas." Le projet le
plus avancé, baptisé "Burj Falestine" ("tour Palestine"),
consiste en un immeuble de 23 étages, dont le squelette de verre et de béton
surplombe la rue Ersal, l'axe principal de l'agglomération formée par
Ramallah et sa ville jumelle Al-Bireh. A sa mise en service, prévue d'ici un
an, le bâtiment devrait abriter un cinéma multiplexe, un centre commercial,
des bureaux, une salle de mariage panoramique et, au sommet, extravagance
ultime, un restaurant rotatif. "Plus
besoin d'aller à Dubaï pour dîner dans le ciel", s'exclame Jamal Abou
Shukheidim, un ingénieur palestino-américain dont le père, qui fit fortune en
Californie dans le textile et la culture de l'avocat, est à l'origine de ce
projet d'environ 20 millions de dollars (15,1 millions d'euros). "Le
gouvernement est affamé d'investissements, ajoute Jamal. Il offre
toutes les facilités que l'on veut." EMBALLEMENT
ÉCONOMIQUE Un autre
chantier important porte sur la construction d'un hôtel de 22 étages, de la
chaîne américaine Days
Inn. Témoin de l'emballement économique qui touche la région de Ramallah,
il fut inauguré fin 2009 par Salam Fayyad,
l'énergique premier ministre palestinien, dont le programme, à base de
réforme des institutions et de relance des capacités productives, ambitionne
la création d'un Etat de fait, à l'été 2011. Non loin de
là, une immense fosse attend le début, toujours reporté, des travaux de
construction de l'immeuble du Palestinian
Agricultural Relief
Committee (PARC), une ONG agricole qui s'est taillé un véritable empire
en Cisjordanie. Les plans ont été conçus de telle sorte que la tour, dotée de
27 étages, atteigne 107 mètres, ce qui, compte tenu de l'altitude à cet
endroit, la ferait culminer à 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette folie
des grandeurs à la mode palestinienne est le produit du grand écart auquel
Ramallah est soumise : d'un côté, tenir son rang de capitale du régime
autonome de Cisjordanie et donc aménager des alternatives au vieux
centre-ville congestionné ; de l'autre, composer avec l'héritage des accords
d'Oslo, qui interdisent la construction dans les zones dites "C"
(contrôlées par Israël), qui entourent la ville et font donc flamber le prix
du foncier. "Pour
un dunum
(1 000 mètres carrés) dans un quartier huppé comme Masyoun, il faut
compter 1,5 million de dollars. Si l'Autorité palestinienne avait pu
urbaniser les villages périphériques de Ramallah, comme Abou Qash, Surda
ou Ein Arik,
nous n'en serions pas là", soupire Ossama Hamda,
l'ingénieur en chef de la municipalité, qui s'inquiète de l'impact de telles
constructions sur les infrastructures locales. L'aménagement
d'un de ces nouveaux centres, l'Ersal, devrait commencer dans les prochaines
semaines sur une colline boisée, en surplomb de la présidence palestinienne.
Budgété à 200 millions de dollars, apportés par le Palestinian
Investment Fund, le bras financier de l'OLP, et une holding saoudienne,
ce projet prévoit la construction d'un miniquartier comprenant appartements,
bureaux, galerie commerciale, restaurants et espaces verts. Les plans,
élaborés à l'étranger, envisageaient de planter en son coeur une tour fuselée
de 50 étages. Mais les architectes locaux ont jugé préférable de s'arrêter à
20. N'est pas Dubaï qui veut. |