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Article paru dans l'édition du 11 mai 2010Israël devient membre de
l'OCDE, malgré la protestation des Palestiniens
Par Benjamin Barthe et Laurent Zecchini (à Jérusalem), avec
Alain Faujas Les autorités israéliennes n'ont pas boudé leur plaisir : sitôt
confirmée la nouvelle de l'admission d'Israël au sein de l'Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), lundi 10 mai, le ministre
des finances, Yuval
Steinitz, a salué une "victoire historique" qui confère
à l'Etat juif une "légitimité économique en tant que pays avancé et
développé". Le premier ministre, Benyamin
Nétanyahou, s'est félicité de cette décision d'une "importance
stratégique". Ces réactions contrastent
avec la discrétion qui a précédé la réunion, à Paris, du conseil des
ambassadeurs de l'OCDE : les responsables israéliens avaient reçu des
consignes pour ne donner aucun prétexte, par des déclarations intempestives,
à un veto de dernière minute de l'un des 31 Etats membres. Plusieurs pays -
Suisse, Norvège, Turquie et Irlande - avaient fait part de leurs timides
réticences à cette adhésion en manifestant une certaine compréhension
vis-à-vis des objections des Palestiniens. Pour ces derniers, en
acceptant une candidature israélienne fondée sur un ensemble de données
statistiques englobant les territoires occupés (Jérusalem-Est, colonies
juives de Cisjordanie, hauteurs du Golan), l'OCDE intègre un "Etat
occupant". Officiellement, les seuls critères économiques ont été
retenus. Comme d'autres pays, la France s'est placée sur ce terrain. Le
porte-parole du Quai
d'Orsay a souligné que Paris a "veillé à ce que le processus se
déroule de façon objective et porte sur les critères techniques fixés par
cette organisation de nature économique". "Une petite
Chine" Israël, de même que
l'Estonie et la Slovénie, qui deviendront membres à part entière le 27 mai,
contribuera "à renforcer le statut d'institution plurielle et
fédératrice de l'OCDE", a déclaré son secrétaire général, Angel Gurria.
La décision récompense les "efforts déjà engagés" par ces
pays pour "réformer leurs économies", en particulier pour
"combattre la corruption" et "protéger les droits de
propriété intellectuelle". Tout n'est pas pour autant
impeccable dans le dossier israélien. "En 2009, nous avons jugé
qu'Israël ne devait plus continuer ses interventions sur le marché des
changes pour acheter des dollars, déclare Peter Jarrett,
chef de division des affaires économiques. Maintenir un taux de change bas
est efficace pour contrer les forces récessives, mais Israël doit désormais
s'inquiéter de son taux d'inflation - 4 % en 2009 -, qui se situe toujours à
3,2 %, loin de la cible de 2 %. Il n'est pas logique qu'il continue
d'engranger d'énormes réserves de change dans la conjoncture actuelle : avec
64 milliards de dollars, Israël est une petite Chine." Pour l'Etat juif, qui avait
initié les démarches d'adhésion en 2007, c'est une victoire diplomatique et
politique au moment où son image est ternie par le rapport Goldstone (sur la
guerre de Gaza de l'hiver 2008) et la politique de colonisation. "Le
gouvernement peut agir comme il l'entend vis-à-vis de la communauté
internationale, qui lui mange dans la main ! C'est une défaite en rase
campagne pour l'Autorité palestinienne", dit un haut diplomate
européen, qui, comme certains observateurs, critique l'amateurisme avec
lequel les responsables palestiniens ont tenté de faire échec à cette
candidature. "Les Etats membres
récompensent Nétanyahou pour sa violation du droit international, a commenté Nabil Chaath,
principal négociateur palestinien. L'OCDE aurait au moins pu exiger une
levée du siège de Gaza et un arrêt de la colonisation en Cisjordanie."
Les Israéliens insistent, eux, sur le processus exigeant qui a établi la
conformité de leur pays aux critères de l'OCDE. Quant à la controverse sur
les statistiques, Nimrod Barkan,
ambassadeur israélien auprès de l'Unesco, rappelle qu'Israël s'est engagé "à
produire d'ici un an des statistiques séparées sur la part des colonies dans
l'économie israélienne". |