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Article paru dans l'édition du 20 mai 2010 page 7 Noam Chomsky en vedette après le refus d'Israël de le laisser entrer
en Cisjordanie Par Benjamin
Barthe (Ramallah, envoyé spécial) Le professeur
Noam Chomsky a finalement pénétré en Cisjordanie... mais par le truchement
d'une vidéoconférence. Les étudiants de l'université de Birzeit, près de
Ramallah, où le célèbre linguiste américain était invité, ont dû se
contenter, mardi 18 mai, d'un exposé audiovisuel, prononcé depuis Amman. Refoulé deux
jours plus tôt par les autorités israéliennes, Noam Chomsky avait renoncé à
tenter sa chance une seconde fois au point de passage du pont Allenby, entre
la Jordanie et la Cisjordanie. Interrogée sur cette mésaventure, l'icône de
la contre-culture outre-Atlantique, critique intraitable de la politique
d'Israël dans les territoires occupés, s'efforça d'en minimiser la portée. " Cela
n'a rien changé au cosmos, dit Chomsky. Israël se tire une balle
dans le pied. Mais ils ont fait pire avec d'autres personnes ",
faisant ainsi référence à l'ambassadeur turc en Israël humilié en janvier
devant les caméras par Danny Ayalon, le vice-ministre des affaires
étrangères. Plutôt qu'à ses trois heures d'attente au terminal du pont
Allenby, le professeur émérite du MIT (Massachusetts Institute of Technology)
a consacré l'essentiel de son intervention au rôle des Etats-Unis dans le
monde, pourfendant la diplomatie de Washington. Cette
sobriété détonne par rapport à la tempête médiatique suscitée par le refus
d'Israël de le laisser entrer en Cisjordanie. Sous le titre " Une
déclaration de guerre à l'intelligence ", l'éditorial du quotidien Haaretz
fustigeait ce mardi le comportement des autorités : " Israël se
comporte comme l'Afrique du Sud dans les années 1960, quand elle comprit
qu'elle devenait un paria mais pensait qu'elle pourrait résoudre le problème
au moyen d'une meilleure campagne de relations publiques. " " Action
stupide " A rebours des
explications embarrassées du porte-parole du gouvernement, Mark Regev, qui
évoquait un simple " malentendu ", un abus d'autorité de la
part d'un fonctionnaire subalterne, M. Chomsky indiqua à la chaîne de
télévision Al-Jazeera que son interrogateur s'était concerté par téléphone
avec un responsable du ministère de l'intérieur avant de lui rendre son
passeport barré du tampon " Entrée refusée ". Il raconta que
le fonctionnaire lui avait déclaré : " Israël n'aime pas ce que vous
dites. " Dans le
journal Yediot Ahronot, le chroniqueur judiciaire Boaz Okon
stigmatisait, lundi, une " action stupide dans une série de folies
aussi fréquentes que récentes. Mises bout à bout, elles représentent la fin
d'Israël comme Etat de droit, respectueux des libertés ou, à tout le moins,
elles placent un grand point d'interrogation sur cette notion ". En
avril, un clown espagnol avait été renvoyé vers Madrid après un
interrogatoire de six heures à l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, à l'issue
duquel il avait été accusé d'entretenir des relations avec un groupe
terroriste palestinien. Par le passé,
l'archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, l'intellectuel américain
Norman Finkelstein et l'enquêteur de l'ONU Richard Falk, tous ouvertement
hostiles à l'occupation des territoires palestiniens, ont eux aussi été
empêchés d'y accéder. Qu'en pense le premier ministre israélien Benyamin
Nétanyahou ? Lundi matin, il indiquait avoir pris connaissance des déboires
de Noam Chomsky par la presse. |