Article paru
le 2 Juillet 2010 – Page 5
Après la flottille pour
Gaza, les « alters » continuent
Par Thomas Lemahieu
http://humanite.fr/02_07_2010-apr%C3%A8s-la-flottille-pour-gaza-les-%C2%AB-alters-%C2%BB-continuent-449062
À la suite des bains de sang perpétrés par l’armée israélienne,
certains participants au FSE s’interrogent sur l’opportunité de nouer une
alliance avec la Turquie.
Istanbul (Turquie), envoyé spécial.
Envoyer une «flottille de la liberté»
pour briser l’embargo sur la bande de Gaza. L’idée avait été émise en
septembre 2008, à Malmö (Suède), lors d’un Forum social européen (FSE) :
l’écrivain suédois Henning Mankell avait immédiatement promis d’y participer,
des militants de toute l’Europe et des eurodéputés allemands de Die Linke se
sont lancés dans l’aventure, et l’ONG turque Fondation d’assistance
humanitaire IHH s’est ensuite chargée de fournir la logistique et d’élargir
largement la flottille. C’est cette idée devenue action qui s’est terminée,
comme on le sait, dans un véritable bain de sang, le 31 mai :
neuf militants turcs ont été abattus par les soldats israéliens, la plupart
des corps ayant été criblés de balles selon des rapports d’autopsie qui ont
été rendus publics, il y a deux jours, en Turquie ;
et l’indignation internationale a été énorme, au point d’embarrasser des
États traditionnellement peu regardants.
Pour de nombreux militants des droits
des Palestiniens de toute l’Europe, rassemblés jusqu’à dimanche à Istanbul
(Turquie), à l’occasion du FSE, la boucherie sur le « Mavi Marmara » s’est
déroulée dans le cadre d’une « nouvelle donne » qui doit être prise en
compte. Selon José Luis Moraguès, représentant de la Campagne civile
internationale pour la protection du peuple palestinien (Ccipp), « sur fond
de fin de l’hégémonie des États-Unis, les puissances régionales comme la
Turquie et l’Iran prennent la parole. Ici, le pays change, et l’AKP mène une
politique étrangère exigeante sur son autonomie et ses alliances avec
différentes parties du monde ».
Militant dans une petite organisation
marxiste-léniniste turque, Kar Bereket occupe le terrain en l’absence des
militants turcs de l’IHH au FSE, et appelle dans une même veine « les forces
démocratiques à apprécier l’action de la Turquie », qui, « en dépit de son
alliance stratégique avec les États-Unis et Israël, est en train de changer
de position ». Mais, au sein de ce FSE, certains se montrent beaucoup plus
sceptiques sur la réalité du « tournant » dans la politique extérieure
turque. « En fait, le gouvernement néolibéral et conservateur utilise cette
crise avec Israël pour consolider sa base électorale en interne, et il se
fiche pas mal des Palestiniens », considère, par exemple, une féministe turque.
Président du centre d’information
alternative de Jérusalem, Michel Warchawski voit d’abord, lui, dans la crise
causée par le crime de l’armée israélienne, « un immense appel à tous les
acteurs de la société civile » : « Le prix payé ici est
énorme, rappelle-t-il. Mais cela prouve que les initiatives des mouvements
sociaux, de la société civile, peuvent bouleverser le monde. Même des États
comme la Turquie, qui ont un compte à régler avec Israël, hésitent encore à
prendre des sanctions, c’est tout le sens de la campagne
Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS)… »
|