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Reportage La Jordanie s'inquiète de la panne du Amman Envoyé spécial Le roi est inquiet. En
avril, Abdallah II avait averti que, faute d'avancée significative du
processus de paix israélo-palestinien avant la fin de l'été, le risque d'une
guerre régionale était réel. En ce début juillet, le souverain hachémite, à
en croire son entourage, n'a pas changé d'avis. Ce n'est pas la rencontre à
Washington, le 6 juillet, entre le président Barack Obama et le premier
ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pauvre en résultats concrets, qui
pourrait l'inciter à changer d'avis. Si le royaume jordanien est
en première ligne, ce n'est pas seulement parce que le mince cours d'eau du
Jourdain sépare son territoire de celui d'Israël : tout règlement de paix
aura une profonde incidence sur l'équilibre communautaire et politique de ce
petit pays de 6,2 millions d'habitants. Dès lors, tout pourrissement mine le
consensus fragile sur lequel règne le fils de feu le roi Hussein. Il y a
aujourd'hui beaucoup de lassitude, presque un fatalisme, en Jordanie, qui
fait écho au constat souvent entendu à Ramallah, en Cisjordanie : la
perspective d'un Etat palestinien indépendant est aujourd'hui presque
mort-née. "Israël continue
sa politique du "fait accompli" sur le terrain
(la colonisation), et nous sommes proches du point où la solution de deux
Etats deviendra impossible, estime-t-on au palais. Or cette situation
affaiblit la crédibilité des régimes modérés, aux yeux de la "rue
arabe", ce qui fait le lit des extrémistes." Apparemment, il
n'y a aujourd'hui guère de raison de s'alarmer : le royaume est stable, et la
situation sécuritaire en Cisjordanie est sous contrôle. Le passage de la frontière,
au pont Allenby, reste un marathon éprouvant pour les familles
palestiniennes, mais les deux pays sont étonnamment perméables, dépendants et
solidaires. "Les liens émotionnels, familiaux, avec la Cisjordanie
sont étroits, constants", constate l'ambassadeur d'un pays proche. "Quand
il y a un mort en Cisjordanie, confirme Nawaf Tell, directeur du Centre
jordanien des études stratégiques, il y a de grandes chances que des
Palestiniens d'Amman reçoivent un faire-part." Bien des Palestiniens
de Cisjordanie, à commencer par les responsables de l'Autorité palestinienne,
possèdent une maison dans la capitale jordanienne. La "question
palestinienne" est donc sensible, potentiellement explosive, et c'est
pour cela que, officiellement, elle ne se pose pas. Le pourcentage des
Jordaniens d'origine palestinienne, par opposition aux
"Transjordaniens" ou Jordaniens "de souche", relève peu
ou prou du secret d'Etat. La politique du diwan royal (le cabinet du
roi) est d'en rester à cette statistique officielle de 2002 : les Jordaniens
d'origine palestinienne seraient 43 %. Tous les sociologues et experts indépendants
estiment cependant qu'il faut relever la barre d'au moins 7 %. "Nous ne devons
pas dire que nous sommes plus de la moitié de la population jordanienne,
explique un haut responsable né sur la rive occidentale du Jourdain, parce
que nous sommes tous des Jordaniens. Mais c'est vrai que les
"Palestiniens" représentent au moins la moitié de la
population." En 2008, le royaume hachémite comptait plus de 1,9
million de réfugiés palestiniens, inscrits comme tels auprès de l'Agence des
Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Outre les illégaux, il
faut ajouter à ce chiffre quelque 240 000 Palestiniens (et leurs descendants)
qui ont été déplacés par la guerre de 1967. D'autres groupes, venus de
Cisjordanie après les deux Intifada, ont trouvé refuge sur la rive orientale
du fleuve. Mais il y a des limites, politiques, à cette hospitalité. Le roi
Abdallah II sait que nombre de responsables israéliens caressent le rêve
d'inciter, ou de forcer, le plus grand nombre possible de Palestiniens de
Cisjordanie à franchir le fleuve. Il n'ignore pas que les partis israéliens
de droite et d'extrême droite, dénoncent l'inanité du processus de paix, "puisque
les Palestiniens ont déjà leur Etat, la Jordanie"... En 1988, la Jordanie a rompu
tous les liens légaux et administratifs qui la liaient à la Cisjordanie.
Amman n'accorde plus aujourd'hui aucune citoyenneté jordanienne aux
Palestiniens. Au contraire : selon les organisations humanitaires, plus de 3
000 Jordaniens d'origine palestinienne ont perdu celle-ci depuis 2004. Les
campagnes sur le thème "la Jordanie, c'est la Jordanie, la Palestine,
c'est la Palestine" sont récurrentes. Un système complexe de
passeports et de cartes d'identité vertes et jaunes, de permis de résidence
et de laissez-passer est en vigueur, en fonction des statuts, et certains
réfugiés sont tolérés sans pour autant disposer de document officiel : c'est
le cas des quelque 300 000 réfugiés en provenance de Gaza, véritables
apatrides qui vivent en grand nombre près de Jerash, au nord d'Amman. Le régime jordanien est très
attentif à la question du "droit au retour", principe cardinal de
la cause palestinienne. En Jordanie comme en Palestine, chacun sait qu'il
s'agit désormais d'un vœu pieux : un règlement de paix israélo-palestinien ne
prévoira rien d'autre qu'un retour symbolique des réfugiés palestiniens. "Il
y a une différence entre reconnaître un droit au retour et l'exercer",
observe un habitué du diwan. Pas question pour autant d'abandonner
cette revendication, qui peut servir de monnaie d'échange dans les
négociations avec Israël : "Les Israéliens auraient alors beau jeu
d'expliquer que la question des réfugiés est réglée, en Jordanie",
ajoute-t-il. Le régime hachémite surveille
avec une certaine anxiété l'évolution du processus de paix. Le roi craint
qu'une nouvelle explosion de violence en Cisjordanie, nourrie de la
frustration face à une absence totale de perspective, se traduirait par un
nouvel afflux de réfugiés. "Sans compter, estime ce haut
responsable du royaume qui demande l'anonymat, que les Israéliens
pourraient en profiter pour expulser plusieurs milliers de Palestiniens de
Cisjordanie. Après tout, ils l'ont fait en 1948 et en 1967..." Laurent Zecchini Un
bateau affrété par la Libye se dirige vers Gaza La marine israélienne était de nouveau en
alerte, lundi 12 juillet, après avoir reçu confirmation que le cargo Amalthea,
battant pavillon moldave mais affrété par une association libyenne, avait
quitté, samedi, un port grec à destination de Gaza. Le navire transporterait
quelque 2 000 tonnes d'aide humanitaire ainsi qu'une quinzaine de militants
déterminés à forcer le blocus maritime de Gaza. L'Amalthea a été
affrété par une fondation dirigée par Seif Al-Islam, fils du président
libyen, Mouammar Kadhafi. Israël a réaffirmé son intention de ne pas laisser
le navire arriver jusqu'à Gaza. - (Corresp.) |