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Article paru dans
l'édition du 28 juillet 2010 La Cisjordanie profite de la coordination entre Israéliens et
Palestiniens
Le processus de négociations entre Israéliens et Palestiniens a beau être au point mort, la Cisjordanie est calme, plus calme qu'elle ne l'a jamais été depuis la signature des accords de paix d'Oslo, en 1993. Avec circonspection, les responsables de l'armée israélienne veulent croire qu'il s'agit d'un phénomène durable. La coopération sur le terrain entre les deux parties n'a jamais été aussi fructueuse, permettant d'envisager des mesures d'assouplissement. "Il s'agit d'une coordination et non d'une coopération", corrige sous couvert d'anonymat l'un des généraux en charge de la sécurité en Cisjordanie. Quatre facteurs ont permis, selon lui, d'obtenir ces résultats : Tsahal a atteint "une supériorité en matière de renseignement", tant sur le plan électromagnétique (observation et écoutes) que sur celui du renseignement humain. "Le Shabak (ou Shin Beth : service de sécurité intérieure) a recruté davantage de gens", indique notre interlocuteur. L'armée a, d'autre part, acquis une "liberté de mouvement" qu'elle n'avait pas pendant les dix-huit mois qui ont suivi le début de la seconde Intifada (2000). "Quand nous avons des soupçons sur des terroristes, nous pouvons pénétrer dans les villes et les maisons", explique-t-il. Les troisième et quatrième éléments sont "une très bonne coopération avec les Jordaniens" et une "bonne coordination avec les responsables palestiniens de la sécurité". Ce constat est confirmé, tant à Amman, en Jordanie, qu'à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne. Le général parle d'un "intérêt mutuel" avec les Palestiniens : "Ils ne font pas cela pour mes beaux yeux. En accentuant la répression contre le Hamas en Cisjordanie, le Fatah (principal parti de l'Autorité palestinienne, que préside Mahmoud Abbas) travaille pour lui, pas pour nous." Cette coordination avec les Palestiniens s'est concrétisée avec les visites de hauts responsables israéliens dans des villes palestiniennes : le chef du Shin Beth, Yuval Diskin, le patron du commandement central de l'armée, le général Avi Mizrahi, et son adjoint pour la Cisjordanie, le général Nitzan Alon, se sont récemment rendus à Jénine, Jéricho et Ramallah. Israël reconnaît, d'autre part, l'efficacité du "programme Dayton", du nom du général américain Keith Dayton, qui a pris en charge la formation des forces de sécurité palestiniennes en mars 2005. Ce programme vise à former, entraîner et équiper une "gendarmerie" palestinienne et à renforcer le ministère palestinien de l'intérieur. Le premier volet se déroule en Jordanie, où six bataillons d'environ 500 hommes chacun ont déjà été formés. Régulièrement, certains experts israéliens alertent sur le risque de voir ces troupes bien entraînées se retourner un jour, en cas de nouvelle Intifada, contre l'armée israélienne. "C'est un risque que nous assumons, tempère notre interlocuteur. Le programme Dayton est une bonne chose, mais ce n'est pas cela qui fait les bons soldats : ce qui fait la différence, c'est la motivation." Corollaire de la situation, l'économie de la Cisjordanie, grâce à la gestion réformatrice du premier ministre de l'Autorité palestinienne, Salam Fayyad, s'est nettement redressée, avec un taux de croissance économique qui devrait dépasser 9 % en 2010. Celle-ci est particulièrement visible à Ramallah où l'argent de la diaspora palestinienne, qui s'était replié dans les pays du Golfe et en Jordanie après la seconde Intifada, s'est réinvesti dans l'immobilier. Pour autant, si le processus de paix ne mène nulle part, le général ne doute pas que "les progrès économiques ne seront pas suffisants pour que la stabilisation se poursuive". Dans l'immédiat cependant, le gouvernement du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, est prêt à capitaliser sur cette amélioration. Sur l'avis favorable de l'armée, Israël - qui s'y refusait depuis cinq ans - accepterait finalement de livrer aux Palestiniens 50 véhicules blindés (non armés) fournis par la Russie, qui sont en attente en Jordanie. D'autres dispositions sont envisagées, qui participent de ces "mesures de confiance" destinées à inciter les Palestiniens à accepter d'ouvrir des négociations directes avec Israël. L'une d'entre elles consisterait à transférer graduellement le contrôle de la sécurité dans plusieurs villes à l'Autorité palestinienne, suivant le "modèle Jénine" amorcé en 2008. Une autre option serait d'autoriser les Israéliens à se rendre dans plusieurs villes qui sont sous contrôle de l'Autorité palestinienne (ce qui n'empêche pas Tsahal d'y faire des incursions), telles Jénine, Bethléem et Jéricho, où la situation est particulièrement calme. Un tel assouplissement favoriserait le tourisme, et permettrait d'améliorer la situation économique locale. Enfin, l'allègement des barrages routiers et postes de contrôle devrait se poursuivre : d'avril 2009 à mars 2010, leur nombre en "zone C" (entièrement sous contrôle israélien) est passé de 626 à 505, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). "Il faut un bon équilibre entre "mesures de confiance" et impératifs de sécurité, observe ce général, parce qu'en retirant un barrage vous modifiez l'atmosphère de sécurité dans toute une zone." Les chefs de Tsahal restent prudents. Ils savent
que la date du 26 septembre, qui marquera la fin du moratoire partiel de dix
mois de la colonisation en Cisjordanie, est cruciale. Si celle-ci reprend et que
l'échec du processus de négociations avec les Palestiniens est consommé, la
situation pourrait vite se détériorer. Et si le moratoire est prolongé, une
réaction de colère des colons est certaine. |