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Article publié le mercredi 22 septembre 2010 Le livre du jour "Un enfant est mort", Autopsie d'une calomnie Il est des livres que l'on écrit pour se défendre contre la
diffamation, tenter de rétablir sa vérité et laver son honneur. Tel est
l'objet d'Un enfant est mort. C'est peu dire que Charles Enderlin,
correspondant permanent de France 2 à Jérusalem depuis 1981, a été meurtri
par la campagne de dénigrement qui le poursuit depuis dix ans à propos de
l'affaire du petit Mohammed Al-Dura. Peut-être aurait-il pu choisir le silence, afin de permettre
aux passions de s'apaiser, pour que s'éteigne cette polémique vipérine. Y
aurait-il gagné en sérénité ? Il ne le croit pas : "Avec ou sans ce
livre, cette campagne va continuer, parce que c'est mon travail, mes livres,
c'est moi, qu'ils visent." Rappel des faits : le 30 septembre 2000, au carrefour de
Netzarim, au centre de la bande de Gaza, un violent accrochage oppose de
jeunes Palestiniens à l'armée israélienne. La seconde Intifada a commencé
deux jours plus tôt. La caméra enregistre une scène dramatique : Jamal et son
fils âgé de 12 ans, Mohammed, sont pris au piège, au milieu des tirs. Le
père, atteint de plusieurs balles, est gravement blessé. Il tente de protéger
son fils, en l'entourant de ses bras. Les rafales crépitent, et bientôt
l'enfant ne bouge plus. C'est une mort en direct. Les tirs, commentera Charles
Enderlin, "sont venus de la position israélienne". Le 3
octobre, interrogé par la BBC, le général israélien Giora Eiland, chef des
opérations de l'armée, dressera un constat similaire, puis il se rétractera.
Le cameraman de France 2, Talal Abou Rahmeh, ne sait pas alors que ses images
vont faire le tour du monde, exacerber la tension israélo-palestinienne,
semer les germes d'une intense controverse, toujours vivace. Théorie du complot Pour l'opinion arabe et musulmane, Tsahal, l'armée
israélienne, a assassiné un enfant. Mais un puissant lobby pro-israélien
s'est mis en branle, visant à délégitimer le journaliste (il n'était pas
présent sur les lieux du tournage), et instrumentaliser une théorie du
complot : le film serait un "montage", une "mise en
scène", une "manipulation" et une "imposture". La campagne contre Charles Enderlin, en Israël et au sein de
la communauté juive de France, va devenir haineuse, insultante, parfois
menaçante. Talal Abou Rahmeh est qualifié de militant actif de l'Organisation
de libération de la Palestine (OLP), ce que les services secrets israéliens,
le Shin Beth, démentiront. France 2 renouvellera sa confiance à son
correspondant, dont la réputation professionnelle est indéniable, et la
profession journalistique lui apportera un très large soutien. Rien n'y fait.
La mécanique de la diffamation est en marche, elle ne s'arrêtera plus. Elle dispose d'avocats déterminés et influents. A sa tête,
Philippe Karsenty, pour qui l'affaire Al-Dura est devenue, depuis dix ans, un
véritable fonds de commerce. Il est rejoint par l'ancien journaliste Luc
Rosenzweig, l'ancien ambassadeur d'Israël à Paris, Elie Barnavi, Richard
Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de
France, l'écrivain Alain Finkielkraut, parmi d'autres. Le livre de Charles Enderlin n'est pas un règlement de
comptes, mais une démonstration : il décrit minutieusement, faits et
citations à l'appui, la trame et la progression d'une campagne de calomnies.
Si Un enfant est mort est d'abord le récit de l'acharnement contre un
journaliste, c'est aussi un livre sur le conflit israélo-palestinien, en ce
sens qu'il illustre l'intensité des haines dont celui-ci se nourrit. UN ENFANT EST MORT de Charles Enderlin. |