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Article paru dans
l'édition du 6 Octobre 2010 La
Prix Nobel de la paix 1976 n'est pas bienvenue en Israël Par Laurent
Zecchini Si l'intention de
l'Irlandaise Mairead Maguire était d'attirer l'attention internationale sur
les méthodes employées par Israël pour signifier l'interdiction de son
territoire aux militants des droits de l'homme qu'il juge indésirables, aucun
doute : mission accomplie ! Mme Maguire, Prix Nobel de la paix
1976 pour son action en Irlande du Nord, devait quitter le centre de
détention de l'aéroport de Tel-Aviv, mardi 5 octobre, pour être fermement
reconduite dans un avion. Son appel devant la Cour suprême avait été repoussé
la veille. Quel "crime" a donc commis cette
pacifiste de 66 ans, connue dans le monde entier, pour mériter d'être
emprisonnée six jours durant ? "Tentative d'entrée illégale."
Lorsqu'elle arrive à l'aéroport Ben-Gourion, le 28 septembre, pour rejoindre
une délégation de militantes pour la paix, la police des frontières lui
intime l'ordre de repartir par le premier vol. Elle refuse, et commence une
résistance passive. Ses amis et avocats,
notamment ceux du centre Adalah de défense des droits de la minorité arabe en
Israël, saisissent la justice pour s'opposer à cette expulsion. Commence
alors un combat judiciaire, à vrai dire perdu d'avance. C'est que Mairead
Maguire, pacifiste de choc, est une récidiviste. Le 5 juin, elle était à bord
du Rachel-Corrie, ce bateau de militants pacifistes intercepté par les
commandos israéliens alors qu'il faisait route pour forcer le blocus de Gaza. L'équipée de Mme
Maguire avait tourné court : arrêtée avec les autres passagers, elle avait
été expulsée deux jours plus tard. Ce n'était pas un coup d'essai : en juin
2009, après avoir participé à une semblable odyssée, elle avait fait une
première expérience des prisons israéliennes. Depuis lors, elle est sous le
coup d'une interdiction d'entrée en Israël, valable dix ans. C'est du moins
ce qu'affirment les autorités israéliennes. Audience tendue Le 1er octobre,
devant la cour d'appel de Petah Tikva, puis lundi, face à Dorit Beinisch,
présidente de la Cour suprême, Mme Maguire a affirmé qu'elle
ignorait être victime d'un tel bannissement. "Cette prétendue
ignorance me paraît très artificielle", a rétorqué la présidente.
L'audience ne fut pas sereine, la lauréate du prix Nobel de la paix accusant
Israël d'être l'Etat "de l'apartheid et du nettoyage ethnique"
vis-à-vis du peuple palestinien. Les juges n'ont pas
apprécié et lui ont intimé l'ordre de cesser sa "propagande".
La presse israélienne s'est divisée : dans le quotidien populaire Maariv,
Ben-Dror Yemini a souligné que l'intéressée avait pris place "à trois
reprises à bord de bateaux de la haine pour soutenir le Hamas" et
qu'elle relevait du "vaste groupe d'antisémites qui se déguisent en
antisionistes". Dans le Haaretz, Gideon Lévy s'est insurgé : "Un
prix Nobel de la paix est enfermé dans une prison israélienne et personne ne
paraît y faire attention. Nous n'avons pas honte, nous ne sommes pas
offusqués, nous ne disons rien. C'est une situation qui ne peut se produire
qu'en Israël, en Corée du Nord, en Birmanie et en Iran !" Expulsion ou emprisonnement
: la seule consolation de Mairead Maguire est de ne pas être un cas isolé :
le linguiste américain Noam Chomsky, un clown espagnol, Ivan Prado,
l'intellectuel américain Norman Finkelstein, tous réputés à l'écoute de la
cause palestinienne, ont, dans le passé, subi un semblable oukase de l'Etat
juif. |