Article
paru dans l'édition du 12 Octobre 2010
En Israël, l'allégeance à
un Etat juif sera exigée pour les candidats à la naturalisation
Par Laurent
Zecchini
Le
gouvernement israélien n'avait pas enregistré une telle division dans ses
rangs depuis qu'il a été formé par le premier ministre, Benyamin Nétanyahou,
en mars 2009. Le motif est l'adoption par le conseil des ministres, dimanche
10 octobre, d'un amendement obligeant toute personne non juive désireuse
d'obtenir la citoyenneté israélienne à prêter un serment d'allégeance "envers
l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique".
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M. Nétanyahou a précisé que seront concernés "tous
ceux qui veulent devenir des citoyens israéliens naturalisés". Dans
les faits, cela signifie que les juifs de l'étranger qui font leur aliya
(la "montée" en hébreu : ceux qui immigrent en Israël), de même que
les Arabes israéliens, n'auront pas à prêter serment. Cette mesure, qui a
reçu le soutien de vingt-deux ministres - huit votant contre, dont les cinq
ministres travaillistes -, visera essentiellement les futurs conjoints de
Palestiniens disposant de la citoyenneté israélienne.
Environ 25 000 Palestinien(ne)s mariés
à des Arabes israélien(ne)s et souhaitant obtenir la nationalité israélienne
seraient dans ce cas. Il est peu probable que la majorité d'entre eux
consentent à prêter un tel serment : les Palestiniens estiment qu'accepter de
considérer Israël comme un "Etat juif" reviendrait à
renoncer au "droit au retour" des réfugiés de la diaspora. Cette
disposition (qui devra être approuvée par la Knesset, le Parlement israélien)
devrait cependant avoir pour résultat de limiter la croissance de la
population arabe israélienne.
Miner le processus de paix Son
caractère à la fois symbolique et politique a provoqué la colère des élus de
la minorité arabe israélienne, qui représente 20 % de la population
israélienne. Alors que les négociations israélo-palestiniennes sont au point
mort, une telle mesure de défiance - qualifiée par les Arabes israéliens de "raciste,
discriminatoire et provocante", et dans laquelle Yitzhak Herzog,
ministre travailliste des affaires sociales, voit des "relents de
fascisme" -, ne peut qu'envenimer les choses entre les deux
communautés.
Plusieurs commentateurs s'interrogent
sur le but poursuivi dans cette affaire par M. Nétanyahou. Alors qu'Avigdor
Lieberman, ministre des affaires étrangères et patron du parti
ultranationaliste Israel Beitenou ("Israël, notre maison"), a
exprimé sa satisfaction pour une mesure qui reprend l'une de ses promesses
électorales, ce débat a placé le ministre de la défense, Ehoud Barak, chef de
file des travaillistes, dans une situation difficile : de plus en plus
critiqué par les quatre autres ministres de son parti, qui l'accusent d'"abandonner
les valeurs" de son parti, M. Barak est devenu le véritable bras
droit du premier ministre : or, pour la première fois, il vient de lui faire
défaut.
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