|
|
|
En Israël,
l'héritage politique d'Yitzhak Rabin est de plus en plus contesté, quinze ans
après son assassinat Combien seront-ils, samedi 23 octobre, sur la place Rabin de
Tel-Aviv, à célébrer le quinzième anniversaire de la mort de l'ancien premier
ministre travailliste ? Moins nombreux, à coup sûr, que cette foule de 200
000 personnes qui s'était rassemblée il y a cinq ans, alors que le « camp de
la paix » n'avait pas encore un moral en berne. De toute
façon, ce devrait être la dernière fois que la place Rabin accueille une
telle cérémonie : trop peu de monde, conséquence d'une sorte d'apathie
nationale... Tel est le constat de plusieurs éditorialistes et des
responsables du Yitzhak Rabin Center, décidés à trouver à l'avenir un lieu de
rassemblement plus modeste. En
Israël, des places et des rues portent le nom du signataire des accords de
paix d'Oslo (1993), mais son « héritage » est de plus en plus contesté, ou
récupéré. Certes, beaucoup d'Israéliens continuent de penser que si le Prix
Nobel de la paix 1994 (avec Shimon Pérès et Yasser Arafat) n'était pas tombé
(le 4 novembre 1995) sous les balles d'Yigal Amir, militant juif d'extrême
droite, la paix aurait été signée, mais rien n'est moins sûr. Dans le
cadre de ce devoir de mémoire, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a
profité de l'occasion pour répondre à ceux qui l'accusent de torpiller le
processus de paix avec les Palestiniens. Yitzhak Rabin, a-t-il rappelé, était
à la fois hostile à la création d'un véritable Etat palestinien, à la
division de Jérusalem, à l'évacuation des colons et à l'abandon de la vallée
du Jourdain. Lui, Benyamin Nétanyahou, chef du parti de droite Likoud, a
imposé un moratoire de dix mois sur la colonisation et donné son accord à un
Etat palestinien « démilitarisé ». CQFD : politiquement, il a doublé Yitzhak
Rabin sur sa gauche. L'icône
a pâli La
démonstration emporte moyennement la conviction, mais il est vrai qu'au sein
même du Parti travailliste, l'icône de Yitzhak Rabin a pâli. La députée Einat Wilf a proposé de
décrocher son portrait de la salle de réunion du Labour, expliquant que si
Ben Gourion, père de l'indépendance de l'Etat
d'Israël, se définit « par ce qu'il a fait », M. Rabin, lui, se
définit par « ce qu'il aurait pu faire ». Pour enrayer son déclin,
a-t-elle noté, le Parti travailliste a besoin d'un électrochoc, qui passe par
l'arrêt d'un deuil de quinze ans. Mais le
malaise paraît plus profond : depuis plusieurs années, rares sont les
manifestations sur la place Rabin de Tel-Aviv. Le militantisme politique,
estiment plusieurs observateurs, est en déshérence, la société civile
israélienne n'a plus le ressort pour se mobiliser, notamment pour la paix et
les droits de l'homme. Faute de faire recette, Yitzhak Rabin aura au moins
servi, post mortem, de révélateur à un certain déficit démocratique. Laurent Zecchini (Jérusalem,
correspondant) |