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Liberté Hebdo • n ° 9 4 7 - d u 2 8 j a n v i e r a u 3 f é v r i e r 2 0 1
1 Israël
: plus que jamais aider le camp de la paix Par Bruno CADEZ Le journaliste
et pacifiste israélien Michel Warschawski était à
Lille dernièrement pour soutenir la campagne de boycott des produits
israéliens. «
Au bord de l’abîme »… Michel Warschawski préfère aller droit
au but. La situation actuelle en Israël est tellement assombrie par la
logique guerrière imposée par ses dirigeants - et sans que cette logique ne
soit massivement contestée dans ce pays, estime-t-il - que le journaliste et militant
pacifiste, est bien en peine d’indiquer quelques zones d’optimisme sur
lesquelles s’appuyer pour croire encore en la paix. De passage à Lille, il
était venu, à l’invitation de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Nord / Pas-de-Calais et de l’Union juive française pour la paix (UJFP),
soutenir l’opération de boycott des produits israéliens, et la demande de
sanction envers cet État qui viole impunément le droit international depuis
plusieurs décennies. «Nous sommes face à une dégradation politique qui
fait peur et qui pousse beaucoup à parler de fascisme » explique-t-il. Un
discours ouvertement raciste Exemples. En octobre dernier, le Premier ministre Benyamin
Netanyahu a demandé l’élaboration d’un projet de loi dit « d’allégeance »,
imposant au
non Juif désireux d’acquérir la nationalité israélienne, de reconnaître Israël
comme un « Etat juif et démocratique ». En
août dernier, une députée, Hanneen Zoabi, s’est vue retirer ses droits parlementaires par
une majorité de la Knesset, pour avoir participé à la flottille de la paix
victime quelques semaines auparavant d’un massacre de la part de l’armée
israélienne. Le
Parlement a également adopté une loi visant à enquêter sur l’origine des
fonds d’un certain nombre d’ONG. « Nous vivons dans une atmosphère raciste
et d’atteintes graves aux droits démocratiques » explique Michel Warschawski. « Aujourd’hui, un discours ouvertement raciste
est banalisé. C’est relativement nouveau. Car Israël a toujours voulu donner
une image de marque positive à l’extérieur. Aujourd’hui, c’est fini ». Pour
le journaliste, l’offensive contre Gaza en 2008-2009 a marqué un tournant
dans cette stratégie. « Israël s’est lâché. Tout est dit dans le propos de
la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tzipi
Livni, quand elle affirme
: “Nous avons montré que nous étions capables de péter les plombs”. Il n’est
plus question aujourd’hui de respecter les règles. Ce n’est pas un hasard si,
au lendemain de l’attaque contre Gaza, nous nous soyons retrouvés avec un
Parlement divisé entre la droite et l’extrême droite. L’agression contre la
flottille dela paix est également symptomatique du
fait que les dirigeants israéliens sont prêts à payer le prix de leur
politique en termes d’image. Au point de mettre en péril un élément
fondamental de la stratégie d’Israël et de l’OTAN qui est l’alliance avec la Turquie.
Ce qui est stupide ». Une
nouvelle guerre contre le Liban ? Le problème, c’est que face à cela, « la société israélienne
est unie. Il n’y a aucune opposition, ni parlementaire, ni dans la rue. ».
« Il est difficile de parler de camp de la paix aujourd’hui » explique
le journaliste, qui redoute une nouvelle guerre contre le Liban. « Nous ne
sommes plus du tout à l’époque des années 80 et 90. Le mouvement de la paix a
mobilisé des centaines de milliers de personnes pendant une décennie. Aujourd’hui,
nous représentons seulement quelques milliers de personnes ». La raison ?
Elle est double, si l’on en croit M. Warschawski. «
Je pense que le mouvement de la paix s’est suicidé le week-end du 15 août
2000 quand Ehud Barack est revenu de Camp David en
affirmant que les Palestiniens refusaient les offres, que nous n’avions plus
de partenaires, que les accords d’Oslo étaient un malentendu. Celui qui
venait être élu par le mouvement pour la paix, sur un programme de paix,
assumait un mensonge qui allait emporter ce mouvement ». D’autre part, « les
citoyens israéliens ne payent aucun prix à cette logique, que ce soit sur le plan
de la sécurité mais aussi économique. Notre pays a été moins atteint par la
crise financière que bien d’autres. Si vous vous rendez à Tel-Aviv, vous n’aurez
pas le sentiment d’être dans un pays en guerre. Or, en Israël, les gens
bougent quand la situation devient intenable. » D’où l’importance, selon
le journaliste, de se mobiliser en Europe pour imposer à nos autorités des
sanctions envers Israël. « L’Europe de Sarkozy et de Berlusconi est perçue
comme plus fiable que l’administration Obama. On
peut même parler de tournant » assure-t-il. |