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Article paru le 15 Février 2011 – Page 22 Le Palestinien Elias Sanbar nous offre une belle leçon d’histoire
Au moment où les révolutions secouent le monde arabe, une foule
nombreuse s’est retrouvée samedi à la Maison de la Poésie dans le cadre des
rencontres des Amis de l’Humanité, pour écouter et discuter avec
l’intellectuel palestinien Elias Sanbar. Bel hasard de programmation :
samedi,
au
lendemain de la démission du président égyptien Hosni Moubarak et, après la
révolution en Tunisie, la deuxième saison du cycle de conférences « Figures
d’Humanité » organisée par les Amis de l’Humanité en partenariat avec la
Maison de la Poésie, avait pour invité le Palestinien Elias Sanbar. Applaudi dès son entrée, l’écrivain, poète,
historien et ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, est arrivé
souriant, costume gris et lunettes rondes. Partant de la célèbre citation de
Jaurès « l’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine », Elias Sanbar insiste sur la nécessité de parler de figures
d’humanité au pluriel et dénonce la notion d’absolu qui traverse, selon les
époques, l’histoire de la Palestine : on détruit un pays
pour une vérité absolue (celle de la Genèse), on le remplace par un État juif
pour un bien absolu face à un mal absolu (le nazisme)… Durant plus d’une
heure, de façon pédagogique et avec une pointe d’humour, sans une once de
moralisme, Elias Sanbar retrace l’histoire de la
destruction d’une figure d’humanité, qui a commencé bien avant le sionisme :
au milieu du XIXe siècle, avec l’église britannique qui voulut infirmer
les thèses de Darwin en Terre sainte, en Palestine (voir texte ci-dessous).
Sauf que « le livre ne correspondant pas au lieu, on inventa un lieu qui
entrait dans le livre ! » se
moque-t-il. C’est ainsi que s’installe l’idée du déplacement de cette
population. Les Palestiniens sont perçus comme un peuple intrus et la
Palestine une terre pour laquelle il faut trouver une rédemption, explique
l’historien. Puis s’y ajoute le sionisme. « Ce n’est pas un projet
colonial classique, c’est un projet de remplacement. » Une destruction
qui s’étend jusqu’aux noms : le mot Palestine
n’existe pas. On appelle les Palestiniens des Arabes d’Israël, des réfugiés
arabes… « Ils deviennent des absents sans nom. » « J’ai
vécu cette fabrication d’invisibilité et de l’absence », raconte Elias Sanbar. Progressant dans l’histoire, l’écrivain conclut
sur les événements en Tunisie et en Égypte : « En Palestine
on était ivre de joie. C’est une grande leçon. D’ici à quelques mois,
il
est probable que le paysage arabe soit différent. »
Les
questions fusent dans la salle. Chacun s’interroge sur l’avenir de la
Palestine, sa liberté, la société à venir… En attendant, Elias Sanbar annonce qu’il prépare l’entrée de la Palestine à
l’ONU en septembre. « Nous n’allons pas proclamer l’État de Palestine,
il
est proclamé, nous essayons d’obtenir la reconnaissance du plus grand nombre
de pays. » |