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Communiqué à la mémoire de Vittorio Arrigoni Par Élias Samouni, Strasbourg,
15 avril 2011. Aujourd’hui, 15 avril 2011, la grande
famille des défenseurs des droits humains à travers le monde est orpheline,
une fois de plus, une fois de trop comme à chaque fois : Vittorio Arrigoni, journaliste et militant pacifiste d’ISM vient
d’être lâchement assassiné à Gaza. Après Juliano
Mer-Khamis, le directeur israélo-palestinien du
Théâtre de la Liberté à Jénine. Après tant
d’autres, journalistes, syndicalistes, artistes, défenseurs des droits pour
la justice, citons pour rappel le dessinateur de presse et caricaturiste
palestinien Naji al-Ali, assassiné à Londres en 1987. Ces empêcheurs de tourner
en rond dont les seules armes sont un stylo, un carnet de notes ou de
dessins, un clavier pour animer un blog sur internet ou lancer une pétition,
une pièce de théâtre, un livre, une vidéo ou un film… et que les puissants de
ce monde surveillent comme le lait sur le feu ! Vittorio Arrigoni était (comme ça fait mal d’utiliser ce verbe au
passé !) de la race des tenaces, ceux qui ne lâchent pas le morceau
facilement. Voici ce qu’écrit à son sujet son ami et compagnon d’ISM, Alberto
Arce* : « Vittorio était arrivé à Gaza
en août 2008. Pendant plusieurs semaines, il a accompagné les pêcheurs
palestiniens sur lesquels tiraient les patrouilles israéliennes, les
empêchant de réaliser leur travail au large de la bande de Gaza. Vittorio a
été enlevé par une patrouille israélienne, menotté, emprisonné et expulsé
vers l’Italie. Son crime : filmer avec une caméra vidéo comment l’armée
israélienne, violant toutes les normes internationales, empêchait les
pêcheurs palestiniens de travailler en mer. À peine deux semaines plus tard,
Vittorio retournait à nouveau en bateau à Gaza. Une volonté tenace. La
droiture de celui qui est prêt à aller jusqu’au bout. Au nom de ses principes
et de ses convictions. Vittorio n’est pas un aventurier. Vittorio est un
combattant. Comme il n’y en a plus. Et en plus il écrit, et plutôt
bien… » Fin 2008, au moment de
l’opération Plomb durci menée contre Gaza par l’armée israélienne, Vittorio Arrigoni avait refusé de partir. Il s’en explique dans
son vibrant et insoutenable témoignage** écrit sur place : « Dans
la bande de Gaza, nous sommes tous devenus des cibles mobiles, sans la
moindre exception. Le consulat italien m’a contacté à l’instant :
demain, ils vont évacuer notre dernière ressortissante, une religieuse âgée
qui vit depuis vingt ans à proximité de l’église catholique de Gaza et qui
avait été totalement acceptée ici par les Palestiniens. Le consul me pria
amicalement de profiter de cette dernière occasion pour me joindre à la sœur
afin de fuir à mon tour cet enfer. Je le remerciai pour son offre généreuse,
mais je ne bougerai pas d’ici, je ne peux pas. » Et il conclut, en
parlant de ses compagnons d’ISM : « À travers l’affliction vécue
sur place, nous sommes tous, Italiens, Espagnols, Anglais ou Australiens
devenus entre-temps des Palestiniens. »... Alors, nous tous qui nous
reconnaissons comme appartenant à cette grande famille des défenseurs des
droits humains à travers le monde, empêcheurs de tourner en rond de
tous bords et toutes nationalités, il nous faut poursuivre le travail
de pionnier de Vittorio Arrigoni : tous à
nos stylos, carnets de notes et de dessins, claviers, pétitions, manifs,
pièces de théâtre, livres, vidéos, films ! Oui, aujourd'hui, Vittorio,
à tes côtés, nous sommes tous devenus des Palestiniens. ___________________________________________________________________________________________________________
* Alberto Arce écrit au sujet de Vittorio
Arrigoni en tant que témoin direct à Gaza
: « … après l’opération "Plomb durci", lorsqu’un rapport fut
publié, le rapport Goldstone, ce rapport que nos
gouvernements ont décidé d’ignorer et qui décrit les crimes de guerre
présumés commis dans la bande de Gaza, le témoignage de Vittorio sera encore
plus nécessaire que dans les chroniques tenues jour après jour. Le
témoignage de Vittorio a la légitimité du survivant. On se doit d’écouter
le survivant, que cela soit facile ou non, utile ou inutile. Vittorio est la
mémoire vivante d’un massacre. Vittorio est celui qui, un jour, debout à la
barre des témoins, contribuera à éviter un mémoricide.
Ses paroles pèseront lourd dans une procédure de jugement quand les auteurs
de ce massacre siégeront au banc des accusés et seront condamnés pour ce
qu’ils sont, de véritables criminels de guerre. C’est pour cela qu’il faut
survivre. À cela que nous servons, en tant que survivants. Parce que nous
nous porterons témoins devant le tribunal. C’est pour cela qu’il faut que
nous restions vivants, et que ces faits soient publiés. Contre le crime
du silence, contre la complicité, contre l’impunité… » Hélas, Vittorio Arrigoni ne sera plus là pour venir à la barre des
témoins, mais sa parole et son témoignage resteront à jamais vivants. À
travers ses écrits et articles largement diffusés. Et surtout son livre "Rester
humain à Gaza, décembre 2008-juillet 2009, journal d’un survivant" ** ___________________________________________________________________________________________________________ ** adaptation
française par SCRIBEST Publications sous le titre : |