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Une Via dolorosa palestinienne et politique
Article paru dans l'édition du 21 avril 2011 Sur les quelque 250
000 touristes présents en Israël pour les fêtes de Pâques, une minorité
s'échappera des circuits traditionnels. La grande majorité d'entre eux
entendront la version officielle, donc juive, de l'histoire d'Israël et du
conflit israélo-palestinien. Il en existe une autre, chrétienne,
palestinienne et politique. Une
quinzaine de pèlerins chrétiens ont emprunté, le 16 avril, le "chemin de
croix contemporain". Il ne suit pas la Via dolorosa et les quatorze
stations du Christ dans la Vieille Ville de Jérusalem, mais, physiquement et
par la pensée, les "lieux de
souffrance" des Palestiniens
sous l'occupation israélienne. Sabeel, le Centre oecuménique de la théologie de libération, en a créé le
tracé en 1998. En arabe, sabeel signifie "le
chemin". Cette
association chrétienne n'a qu'un rapport assez lointain avec l'inspiration
latino-américaine de la théologie de la libération. Encore que... Nora Carmi,
qui en a été longtemps l'une des chevilles ouvrières, explique que ce
programme s'adresse aux pèlerins qui veulent "connaître la
vérité basée sur leur foi". Surtout
américains, français et suédois, ils sont quelque 150 tous les mois à prier
avec Sabeel pour "une paix
juste, globale et durable en Palestine", et à suivre "un itinéraire
liturgique sur la "Via dolorosa" palestinienne". La première
station se situe sur une route dominant le village palestinien abandonné de
Lifta, proche de Jérusalem. "Neutralité" Il
s'agit de méditer sur la nakba ("la
catastrophe", en arabe), nom donné par les Palestiniens à leur exode
forcé de 1948. "Nous ouvrons
les yeux sur l'anéantissement radical causé par la création de l'Etat
d'Israël",
souligne un aide-mémoire de Sabeel. La deuxième
station emmène le groupe dans la colonie juive de Pisgat
Zeev, face au camp de réfugiés palestiniens de Shaufat. C'est
l'occasion de réciter une prière : "Dieu
compatissant, affermis la volonté de la communauté internationale de
travailler à leur rapatriement (celui des
réfugiés), à leur dédommagement, au nom de Celui qui
devint un réfugié, et qui vit et règne éternellement." La
quatrième station est celle des colonies juives en Cisjordanie, avant celle
des démolitions des maisons palestiniennes, à Jérusalem-Est. Le "chemin de
croix contemporain" s'arrête aux
check-points, au "Mur", à Gaza : autant de haltes pour réfléchir au
sort funeste de la nation palestinienne. Le
message de Sabeel rejoint celui du "document Kairos
de Palestine", publié par un groupe de leaders chrétiens de
Jérusalem. Il rappelle aux fidèles leur devoir de "résister au
mal" en les invitant "à participer
au boycott des produits israéliens". A
quelques jours de Pâques, le message de Sabeel se
veut évangélique. A condition de se souvenir qu'à Jérusalem, le mot
"neutralité" n'a pas de sens... p Laurent Zecchini (Jérusalem, correspondant) |