Article paru dans l'édition du 23 avril 2011
La perspective
de la reconnaissance d'un Etat palestinien pousse Israéliens et Américains à
reprendre l'initiative
Le président de l'Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas, attendait surtout des encouragements de sa
rencontre, jeudi 21 avril, avec Nicolas Sarkozy. Il n'espérait pas, du moins
à ce stade, que la France donne l'exemple à l'Union européenne (UE) en
s'engageant à reconnaître un Etat palestinien en septembre, lorsqu'une
résolution en ce sens sera soumise à l'Assemblée générale de l'ONU.
Pourtant, en dépit du net
rapprochement qui s'est opéré avec Israël depuis 2007, Paris multiplie les
signaux positifs en faveur de l'initiative palestinienne. "C'est une question à
laquelle nous réfléchissons", avait confirmé, il y a quelques jours,
Alain Juppé, ministre des affaires étrangères.
Cette volonté française est
suscitée par le blocage du processus de paix israélo-palestinien depuis
septembre 2010 et par les risques accrus d'un tel statu quo dans un
environnement déstabilisé par les révoltes populaires.
A cette analyse se greffe le
souci plus politique de l'Elysée d'obtenir un succès diplomatique dans cette
région : M. Sarkozy cherche depuis des mois à reprendre l'initiative, que ce
soit par l'Union pour la Méditerranée, en accueillant, en juin à Paris, une
conférence des donateurs pour la Palestine qui serait assortie d'une
conférence internationale sur le processus de paix, ou par le Quartet sur le
Proche-Orient (Etats-Unis, Nations unies, UE et Russie), lequel est paralysé
par le veto de fait des Américains.
Car si Etats-Unis partagent
le constat selon lequel une initiative est urgente, ils sont en désaccord sur
la méthode : Washington est fermement opposé à la démarche "unilatérale" des Palestiniens pour obtenir la
reconnaissance de leur Etat devant l'ONU, estimant que celui-ci doit être
l'aboutissement de négociations avec Israël.
Cette stratégie palestinienne
inquiète à la fois le président américain Barack Obama et le premier ministre
israélien, Benyamin Nétanyahou. A Washington, comme à Jérusalem, on réfléchit
donc à des initiatives diplomatiques, certes officiellement destinées à
relancer les pourparlers israélo-palestiniens, mais surtout à tuer dans
l'oeuf la démarche onusienne de Mahmoud Abbas.
Car, de façon croissante, les
Palestiniens reçoivent le soutien, sous forme de satisfecit, des institutions
internationales : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et
l'ONU ont confirmé qu'un Etat palestinien, s'il était reconnu demain par la
communauté internationale, serait viable. Les Palestiniens, a souligné le Quai
d'Orsay, sont "plus que
jamais prêts à établir un Etat et à le gérer d'une façon crédible et
pacifique".
OCCUPATION ILLÉGALE
M. Nétanyahou s'exprimera
devant le Congrès américain le 22 mai ou le 24. Il devrait faire des
propositions pour tenter de convaincre qu'Israël est prêt à des gestes
significatifs en faveur de la paix. Son second objectif semble bien être de
prendre de court le discours sur le Proche-Orient que prépare M. Obama, dont
Mme Clinton a
confirmé l'intention. L'administration américaine est inquiète du
pourrissement du processus de paix dans un Proche-Orient en pleine ébullition
: si rien n'est fait, estime-t-on à Washington, le phénomène de contagion
pourrait bien gagner les territoires palestiniens.
Bien que la Maison Blanche se
soit refusée à reconnaître l'existence d'un "plan" américain, le New York Times évoque l'élaboration d'un canevas
qui serait basé sur des termes de référence prévoyant un Etat palestinien sur
la base des frontières de 1967, avec garanties de sécurité pour Israël, Jérusalem
comme capitale des deux Etats et abandon par les Palestiniens du droit au
retour des réfugiés.
Si elle se confirmait, une
telle initiative serait une mauvaise nouvelle pour M. Nétanyahou. Parmi
divers scénarios, celui selon lequel M. Nétanyahou pourrait annoncer un
retrait partiel de Cisjordanie est souvent évoqué : il s'agirait de
transformer certaines zones B (administrées par les Palestiniens mais où
Israël garde le contrôle sécuritaire) et C (sous contrôle israélien) en zones
A (sous contrôle palestinien).
Pour les Palestiniens, une
telle démarche représenterait une simple amélioration de l'occupation
israélienne et ne serait pas suffisante pour renoncer à une stratégie dont
ils espèrent qu'elle fera apparaître Israël comme un pays occupant illégalement
un autre Etat membre de l'ONU, la Palestine.
Laurent
Zecchini
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