Article paru dans l'édition du 14 mai 2011
140 000 Palestiniens ont été privés de
leur droit de résidence, entre 1967 et 1994
Trois rapports émanant de sources différentes, rendus
publics entre le 10 et le 12 mai, ont pour point commun de souligner le
caractère systématique de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est. "Cela s'appelle du nettoyage ethnique" : le titre de
l'article de Gideon Levy, éditorialiste au journal Haaretz, est à l'unisson du commentaire de Saëb Erekat, négociateur
palestinien, qui parle de "crime de guerre".
Leur indignation vise les révélations de ce quotidien
selon lesquelles Israël a utilisé une procédure secrète, entre 1967 et 1994,
pour révoquer le droit de résidence de 140 000 Palestiniens. L'objectif était
de réduire la présence palestinienne en Cisjordanie et d'accentuer la
judaïsation de Jérusalem-Est. La méthode ? Les Palestiniens souhaitant se
rendre à l'étranger pour étudier ou travailler devaient passer par le pont
Allenby, à la frontière jordanienne, et y laisser leur carte d'identité.
En échange, ils recevaient un laissez-passer renouvelable,
pour une durée maximale de six années. Ceux qui ne revenaient pas à temps
perdaient leur droit de résidence. Le document obtenu par le Haaretz, qui provient du ministère
israélien de la justice, ne mentionnait pas que les intéressés étaient
avertis du risque.
Grâce à ce système, la population de la Cisjordanie a pu
être réduite de 14 %, indique le Haaretz. Les choses n'ont pas vraiment
changé : la loi israélienne permet à l'Etat de révoquer le "droit de
résidence" de tout Palestinien qui s'absente trop longtemps à
l'étranger. Quelque 130 000 d'entre eux entrent aujourd'hui dans la catégorie
des "Ne sont plus résidents".
Le deuxième rapport publié par le Bureau des Nations unies
pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) révèle que quelque 14
000 Palestiniens de la partie orientale de Jérusalem ont perdu leur droit de
résidence depuis 1967 (dont 4 500 en 2008). Pour revendiquer ce droit, tout
Palestinien doit prouver que le "centre
de sa vie" se situe dans les limites
municipales de Jérusalem.
BILAN ACCUSATEUR
Autrement dit, en séjournant de façon prolongée à
l'étranger - ou en Cisjordanie -, un Palestinien de Jérusalem-Est perd son
droit de résidence. OCHA souligne que 35 % de Jérusalem-Est ont été utilisés
pour servir les intérêts de la colonisation israélienne, alors que les 270
000 Palestiniens qui y vivent ne sont autorisés à construire que sur 13 % de
la zone municipale. Ce qui explique qu'ils construisent souvent dans
l'illégalité.
Une entreprise de colonisation semblable se déroule dans
la vallée du Jourdain. Un dernier rapport, de l'organisation israélienne B'tselem, dresse un bilan accusateur de la politique
menée par Israël pour accaparer les terres et, surtout, les ressources en
eau. 80 000 Palestiniens y habitent (dont 15 000 Bédouins) et 9 400 colons
israéliens.
Or ces derniers contrôlent 77,7 % des terres, qui sont
interdites aux Palestiniens. Ils pompent 45 millions de mètres cubes d'eau
par an, soit le tiers du total de toute l'eau disponible pour les 2,5
millions de Palestiniens de Cisjordanie. Aucun de ces trois rapports n'a fait
l'objet d'un commentaire de la part du gouvernement israélien.
Laurent Zecchini, correspondant
à Jérusalem
|