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Audition M. Hael Al Fahoum, chef de la mission de Palestine en France. Compte rendu
de la Commission des affaires étrangères Mercredi 18 mai
2011 - Séance de 9 h 30 - Compte rendu n° 61 - Session ordinaire de 2010-2011 Présidence de M.
Axel Poniatowski La séance est
ouverte à neuf heures trente. M. le
président Axel Poniatowski. Je
souhaite la bienvenue à M. Hael Al Fahoum, que nous entendrons pour la première fois. Le
Gouvernement français ayant relevé en juin dernier le niveau de la
représentation de l’Autorité palestinienne, ce qui me semble approprié, c’est
aussi la première fois que nous recevons un chef de la mission de Palestine
en France. Vous êtes
biochimiste, monsieur l’ambassadeur, et vous avez notamment étudié à Paris,
mais vous avez consacré toute votre carrière professionnelle à la diplomatie,
notamment en France au début des années 1980. Après avoir été délégué général
de la Palestine en Allemagne pendant cinq ans, vous êtes de retour à Paris. Notre
commission reçoit régulièrement le représentant de l’Autorité palestinienne
et celui de l’Etat hébreu. Nous avons entendu M. Yossi
Gal, ambassadeur d’Israël en France, le 6 avril dernier, et nous avions prévu
de vous recevoir la semaine suivante mais l’intervention militaire en Libye
nous a obligés à remettre cette réunion. Ce report s’est avéré une bonne
chose, un pas important, attendu depuis longtemps, ayant été franchi depuis
lors : le Fatah et le Hamas ont conclu un accord de réconciliation dont
la signature a eu lieu le 4 mai au Caire. Cet accord,
qui a immédiatement suscité des réactions négatives en Israël, ouvre pour les
Palestiniens une nouvelle phase, qui devrait conduire à la tenue d’élections
présidentielle et législatives au printemps 2012. Mais il suscite aussi de
nombreuses questions, qu’il s’agisse de la constitution d’un gouvernement
intérimaire ou de l’impact de l’accord sur le processus de paix. On sait
aussi que l’Autorité palestinienne demandera en septembre à l’Assemblée
générale des Nations Unies de reconnaître un Etat palestinien souverain, dans
ses frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Nous
entendrons avec grand intérêt votre analyse de la situation. M. Hael Al Fahoum, chef de la mission de Palestine en France.
C’est pour moi un plaisir et un insigne honneur de m’adresser à vous, honneur
qui rejaillit sur mon pays, la Palestine, et sur le peuple palestinien qui
résiste depuis plus d’un demi-siècle avec ténacité et une remarquable
créativité à une agression multiforme et continue, aux déplacements, à
l’occupation, à la colonisation et à la dépossession. Je ne ferai pas
l’historique de notre tragédie et de notre résistance, que vous connaissez
parfaitement : elles font partie de notre histoire et de notre mémoire
partagées. Je vous inviterai plutôt à une réflexion commune sur l’avenir de
notre région, et plus particulièrement des rives orientales et méridionales
de la Méditerranée que nous avons en partage avec l’Europe et plus particulièrement
avec la France. Les peuples
arabes sont en train d’écrire l’histoire. En se soulevant, ils disent
qu’aucun diktat ne peut entraver le désir de liberté, que l’usage de la force
brutale ne pourra jamais réprimer les aspirations des populations opprimées à
la dignité, et finalement que la volonté de résister est supérieure à toutes
les tentatives de destruction. Les événements considérables qui agitent
aujourd’hui le monde arabe démontrent qu’il n’est pas possible d’ignorer les
appels des populations oppressées, de prétendre régler le problème en
détournant le regard. J’appellerai votre attention sur la
situation palestinienne, en analysant les raisons du blocage actuel et les
conditions du progrès sur la voie d’une paix juste et durable, cette paix
tant désirée mais constamment différée dont l’absence mine la stabilité de la
région et dont la réalisation contribuerait à une transformation constructive
de l’ensemble des relations internationales. Sur le
terrain, la descente aux enfers de notre peuple se prolonge. L’occupation
militaire de la Cisjordanie, avec son cortège de violences et de
destructions, de brutalités, d’enlèvements et d’exécutions extrajudiciaires
avec leur lot de « dommages collatéraux », se poursuit. La
colonisation continue de grignoter le territoire palestinien, peau de chagrin
que le Mur morcelle plus encore en dépit d’une réprobation quasi-universelle.
La Bande de Gaza reste soumise à un blocus cruel et dévastateur, auquel le
récent « allégement » ne met nullement un terme. À Jérusalem-Est,
les expulsions et expropriations des Palestiniens, qui procèdent de
l’intention israélienne délibérée et non dissimulée de vider la ville de sa
population arabe pour se l’approprier intégralement et exclusivement, rendent
la vie quotidienne de plus en plus difficile, annonçant un avenir sombre. D’évidence,
le gouvernement israélien ne veut pas parvenir avec nous à un accord de paix
suffisamment juste et équitable et exprimant une volonté réelle de
réconciliation pour être durable. Le discours israélien officiel, qui a pour
arrière-plan une politique de colonisation accrue et accélérée, se résume
pour l’essentiel à faire porter à l’OLP et à l’Autorité palestinienne la
responsabilité du blocage, parce qu’elles refusent de s’autodétruire et d’accepter
le diktat de l’occupant. Nous n’avons
cessé de proclamer depuis plus de deux ans que la poursuite de la
colonisation est incompatible avec toute tentative d’engager des négociations
fructueuses puisque, en violation du processus engagé à Madrid il y a bientôt
vingt ans, cette politique systématique vise à faire disparaître le
territoire qui constitue l’objet même des négociations. L’actuelle
administration américaine, héritière du rôle de médiateur assumé depuis deux
décennies par ses prédécesseurs, avait soutenu notre point de vue avec éclat
dès son intronisation. Mais elle a, hélas, fini par renoncer à exiger l’arrêt
de la colonisation, tout en continuant à la condamner car elle contredit le
droit international, les accords signés et les engagements pris et constitue
un évident obstacle à tout progrès vers la paix. De plus, les tentatives
faites par la Maison Blanche d’échanger des largesses financières et
militaires contre un moratoire de la colonisation, au demeurant partiel et
limité dans le temps, se sont heurtées à une fin de non-recevoir. Le veto
américain opposé à une résolution votée par les quatorze autres membres du
Conseil de sécurité, dont la France, et pourtant formulée dans le langage
même du président Obama, signifie de manière
évidente que les États-Unis ont, hélas, cédé face à l’obstination, pourtant
suicidaire à long terme, des dirigeants israéliens. Ce dernier épisode ayant
pratiquement sonné le glas du processus de paix dans son architecture
actuelle, nous sommes aujourd’hui requis d’engager une réflexion novatrice
sur les manières possibles de continuer à avancer malgré tout. Les contours
de l’unique solution possible à l’interminable conflit sont connus :
établir un État palestinien indépendant, démocratique, pacifique et viable dans
les territoires occupés en 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale ;
trouver une solution équitable au problème des réfugiés, fondée sur la
Résolution 194 votée en décembre 1948 mais toujours inappliquée ;
libérer tous les prisonniers politiques. Cette solution, faut-il le rappeler,
est en tout point conforme au droit international, aux termes de référence
des accords déjà signés et à la substance du Plan de paix arabe. Mais, alors
qu’elle fait l’objet d’un consensus international, la politique israélienne
vise à la rendre impraticable. Pourtant,
l’établissement de cet État n’est pas seulement une exigence
palestinienne : elle relève d’une nécessité absolue. L’administration
américaine n’y a-t-elle pas reconnu un impératif pour sa propre
sécurité ? N’est-il pas incongru que la communauté internationale reste
passive, voire complaisante, alors que ses propres intérêts sont
menacés ? Mesdames et
messieurs les représentants élus du peuple de France, gardiens des valeurs
fondatrices de la République, vous devez savoir que le peuple palestinien ne
nourrit aucun dessein agressif, négateur ou dominateur à l’égard de
quiconque. Nous avons exclu par principe tout recours à la violence et nous
souhaitons créer les conditions d’une réconciliation historique durable entre
les peuples israélien et palestinien. Le peuple palestinien qui, dans un
compromis historique, ne revendique pour territoire que 22% de sa patrie
originelle, n’aspire qu’à l’exercice de son droit fondamental à disposer de
lui-même. Nous voulons
la démocratie, la séparation des pouvoirs, la transparence des institutions.
La liberté, l’égalité et la fraternité sont les valeurs cardinales que nous
sommes fiers de partager avec vous. Notre peuple appelle de ses vœux
l’établissement de l’État de droit ; mais comme il n’y a pas d’État de
droit possible sans État tout court, dans notre cas, la réalisation de ce
souhait implique l’arrêt total et définitif de la colonisation et la fin
d’une occupation commencée en 1967. Un ensemble
de raisons géopolitiques font que l’Europe, au sein de laquelle la France a
toujours joué un rôle moteur, est la mieux placée pour prendre une initiative
et engager une action décisive permettant de remettre le processus politique
sur les rails et de ramener Israël à la table des négociations sur la base de
ces termes de référence. Pour ce qui
nous concerne, notre action doit suivre quatre axes principaux. Le premier est de construire l’économie et les
institutions de l’État palestinien – qui est aujourd’hui reconnu par
120 nations et qui dispose de représentations à divers niveaux dans
27 autres pays -, pour être prêts à assumer nos responsabilités dans
tous les domaines, la période transitoire de deux ans prévue par les accords
déjà conclus venant à son terme en septembre 2011. En ce domaine, la
coopération des États membres de l’Union européenne en général, de la France
surtout, est capitale. Nous avons besoin d’approfondir le partenariat,
l’action intergouvernementale commune et le dialogue paritaire. Nous devons
aussi reconstituer l’unité territoriale et juridictionnelle de la Cisjordanie
et de la Bande de Gaza et permettre la tenue de nouvelles élections
législatives et présidentielles, notamment grâce à l’accord politique signé
le 4 mai entre le Fatah et le Hamas. Cet accord ouvre la voie à la formation d’un
gouvernement provisoire de technocrates indépendants, qui aura pour
responsabilités premières de préparer les élections présidentielles et
législatives et celles du Conseil national palestinien, de réunifier les
institutions palestiniennes entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza, et de
traiter de la reconstruction de la Bande de Gaza, en dépit du blocus. Là
encore, la France et l’Europe peuvent jouer un rôle décisif en œuvrant pour
que soit mis un terme au blocus imposé à Gaza, un blocus dont tout le monde
s’accorde à reconnaître qu’il a été parfaitement contre-productif. Il nous
reviendra encore de rechercher par tous les moyens à ramener le gouvernement
israélien à la table de négociation, non pas pour redessiner les frontières de
l’État palestinien mais pour définir les procédures et les mécanismes de la
coexistence pacifique entre les deux États, ce qui suppose de traiter de la
sécurité, de l’eau, des réfugiés bien sûr, et du sort des colonies
israéliennes disséminées sur le territoire palestinien. C’est la solution que
nous avons acceptée et à laquelle nous demeurons attachés ; il ne faut
pas laisser le désespoir s’emparer de notre peuple et la rendre caduque. Il nous
incombe enfin de poursuivre la résistance non-violente et la protestation
contre l’occupation et la colonisation, tout en organisant la solidarité
internationale avec cette mobilisation. La dernière
série de reconnaissances officielles de l’État palestinien dans ses
frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, inaugurée par le Brésil
qui a été suivi par une dizaine de pays d’Amérique latine, ouvre la voie à un
progrès véritable. Elle rétablit les termes de référence du processus de
paix, rendant la discussion sur
l’État et ses frontières obsolète et futile. L’intégralité du territoire
palestinien, dans ses frontières de 1967, est occupée : ce n’est pas un
territoire « disputé » qu’il conviendrait peut-être de soumettre à
un nouveau partage mais le lieu légitime, au regard du droit, de l’exercice
des droits inaliénables du peuple palestinien. Aussi ces reconnaissances ne
constituent-elles pas une alternative à la négociation : elles expriment
au contraire la volonté d’en permettre la reprise sur des bases
constructives. Elles envoient également au gouvernement israélien le signal
clair de la détermination de la communauté internationale à ne pas baisser
les bras, à ne pas épargner ses efforts pour contribuer à la paix. Nous sommes confiants que la France, ayant
constamment manifesté son engagement pratique en faveur de nos droits, depuis
Charles de Gaulle, continuera d’agir avec la constance que nous lui
connaissons pour les voir respecter. Son rôle moteur au sein de l’Union
européenne, son histoire inscrite dans le cadre méditerranéen et dans le
dialogue avec les pays arabes font de la France un partenaire privilégié et
incontournable dans les efforts déployés pour recomposer un authentique
processus de paix au Proche Orient. Dans cette continuité, la France a
récemment mené plusieurs démarches de front. Ainsi de la rencontre officielle
entre les Présidents Sarkozy et Abbas, précédée d’une rencontre entre les
premiers ministres, ou de la préparation de la Conférence internationale sur
la Palestine prévue en juin 2011 à Paris – dont j’espère qu’elle se tiendra
effectivement en dépit des multiples obstacles qui demeurent –, conçue comme
une véritable plateforme politique et économique pour notre État. La reconnaissance formelle de l’État de
Palestine est la pierre angulaire de cette stratégie. La France se doit de
jouer un rôle pionnier dans l’action pour la reconnaissance européenne de
l’État palestinien au cours des mois à venir. Il y va de notre intérêt
partagé, pour permettre à tous les enfants de cette région trop longtemps
martyrisée de sortir du cercle infernal de la violence et de la haine, et
d’envisager l’avenir avec espoir et confiance. M. le
président Axel Poniatowski. Monsieur
l’ambassadeur, je vous remercie, et je vous remercie aussi d’avoir accepté de
répondre aux questions des commissaires. M. François
Rochebloine. Comment les événements qui sont en train de modifier la vie
politique et sociale de nombreux pays du Moyen-Orient, dont votre puissant
voisin, l’Égypte, peuvent-ils affecter, positivement ou négativement, les relations
des pays considérés avec l’Autorité palestinienne ? Avez-vous noté une
évolution de l’attitude des autorités égyptiennes à l’égard des habitants de
la Bande de Gaza ? Le rééquilibrage en cours dans les autres pays de la
région modifie-il l’attitude du gouvernement israélien à l’égard de la
Palestine ? Si oui, comment ? Si non, pourquoi ? M. Jean-Paul
Lecoq. Les membres de notre
commission ont, pour l’essentiel, une vision partagée de l’avenir de l’État
palestinien et ils approuvent les objectifs de l’Autorité palestinienne. Mais
il n’y a pas d’avenir possible sans justice. À ce sujet, quelles suites
faudra-t-il donner aux conclusions du rapport Goldstone
consacré à l’opération israélienne « Plomb durci » ? Par ailleurs,
la solidarité à l’égard des Palestiniens se traduit en particulier, en
France, par le boycott des produits israéliens ; cette initiative vous
paraît-elle favorable ou défavorable à la population palestinienne ?
Enfin, quel est votre sentiment sur la deuxième flottille européenne, au sein
de laquelle il y aura un bateau français, qui appareillera en juin avec
l’objectif de faire lever le blocus de Gaza ? M. Jean-Luc
Reitzer. La
croissance économique a été particulièrement dynamique en Cisjordanie, et
même dans la Bande de Gaza, au cours des derniers mois : elle est
estimée à 15 % ; dans quels domaines en particulier ? Je sais,
pour avoir fait partie de la délégation qui a accompagné M. Christian Estrosi à l’inauguration de la première zone industrielle
franco-palestinienne, que la France a contribué à ce
développement. En ma qualité de député gaulliste, je
soutiens sans réserve la création d’un État palestinien. Cependant, la
première mission d’un État est d’assurer la sécurité de ses citoyens. Or, Juliano Mer-Khamis, directeur
du Théâtre de la liberté de Jénine, a été assassiné
en mars. Comment l’Autorité palestinienne compte-t-elle asseoir le respect du
droit et de la justice dans les territoires qu’elle administre ?
Peut-elle s’imposer face à des groupuscules armés qui font malheureusement
régner leur ordre dans certaines zones ? M. Didier
Mathus. L’accord
qui a été conclu entre l’Autorité palestinienne et le Hamas signifie-t-il que
le Fatah entérine l’idée d’un partage des territoires, ou envisage-t-il de
concourir aux élections pour regagner les faveurs de l’opinion à Gaza ?
Si, à l’automne prochain, l’État palestinien était reconnu, ce que je
souhaite ardemment, quelle viabilité aurait-il en Cisjordanie, espace
malheureusement largement mité et sans continuité territoriale ? M. Rudy
Salles. Un dialogue s’étant
engagé entre le Fatah et le Hamas, que pense l’Autorité palestinienne de la
réaction du Hamas au lendemain de la disparition de Ben Laden ? Que
dit l’accord passé entre les deux formations des obligations mises en avant
par le Quartet - l’arrêt des violences, la reconnaissance de l’État
d’Israël et celle des accords signés par l’Autorité palestinienne ? M.
Dominique Souchet. Vous avez
évoqué l’évolution préoccupante de la position américaine. À ce sujet,
comment interprétez-vous la démission de M. George Mitchell, envoyé spécial
des Etats-Unis au Moyen-Orient ? Symbolise-t-elle l’impasse dans laquelle
s’est mise la diplomatie américaine, avec l’abandon, par l’administration de
M. Obama, de l’exigence du gel des
colonisations comme préalable à la reprise des négociations, et le risque
pour les Américains de ne plus pouvoir parler avec l’Autorité palestinienne
dès lors qu’un accord est intervenu entre le Fatah et le Hamas ? Quelles
conséquences aura cette évolution ? Mme Élisabeth
Guigou. Quelle influence ont
et auront les révolutions en cours dans les pays arabes sur Israël d’une
part, sur l’attitude du Hamas d’autre part ? Au-delà d’une aide
économique qui existe depuis longtemps, qu’attendez-vous de l’Union
européenne sur le plan politique ? Comment peut-elle contribuer à la
reconnaissance de l’État palestinien ? Quelle analyse faites-vous de la
position des différents pays européens ? M. Daniel
Garrigue. Parce qu’il
rétablit l’unité, l’accord qui s’est fait entre le Fatah et le Hamas était un
préalable nécessaire à la reconnaissance d’un État palestinien. Mais comment
peut-il conduire à la reprise des pourparlers de paix si, comme j’ai cru le
comprendre, chaque formation garde sa liberté d’expression en matière de
politique étrangère ? M. Alain Juppé, ministre français des
affaires étrangères, a proposé de transformer la prochaine conférence des
donateurs prévue en juin à Paris en une conférence de relance du processus de
paix. Qu’attendez-vous de cette initiative ? La conférence devrait-elle
traiter du processus de paix en général ou de sujets précis ?
Devrait-elle être ouverte à toutes les composantes politiques
palestiniennes ? M. Jacques
Myard. Le
revirement soudain qui a conduit à la signature d’un accord entre le Fatah et
le Hamas n’a pas manqué de surprendre. Certains estiment que c’est la crainte
d’une contagion des mouvements en cours dans d’autres pays arabes qui a
poussé à la réconciliation ; est-ce votre sentiment ? Je serai très favorable à la création d’un
État palestinien viable, et je souhaite que si cette création a lieu, la
France reconnaisse le nouvel État même si les frontières n’en sont pas encore
exactement définies – après tout, celles de la France ne le sont pas non plus
; l’important, c’est qu’un État palestinien soit reconnu. Mais quelle est
maintenant la position du binôme Autorité palestinienne-Hamas sur la
reconnaissance de l’État d’Israël ? M. André
Schneider. La reconnaissance
internationale d’un État palestinien n’a de chance d’aboutir en septembre que
si les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne reprennent. Le
Premier ministre israélien a déjà fixé les objectifs à atteindre pour qu’il y
ait consensus. Selon vous, les négociations de paix vont-elles
reprendre prochainement et si oui, sous quelle forme ? Pensez-vous
que le Fatah et le Hamas sauront trouver un consensus acceptable, susceptible
d’entrer en application rapidement ? M. Jean-Marc
Roubaud. De nombreux pays
veulent contribuer à la résolution du conflit israélo-palestinien. Outre la France,
quels autres pays seraient susceptibles d’intervenir ? Pensez-vous que
la Turquie ait aussi un rôle à jouer ? Pour m’être rendu deux fois à
Ramallah à cinq ans d’intervalle, j’ai pu constater les extraordinaires
mutations intervenues ; j’ai noté aussi que la France ne fait pas partie
des premiers fournisseurs de la Palestine. Pourquoi, à votre avis ? M. Hael Al Fahoum. L’influence du Printemps arabe ne peut
être que bénéfique car, jusqu’à présent, la cause palestinienne a été
instrumentalisée par certains régimes, arabes ou autres, qui se sont saisis
de ce prétexte pour maintenir pendant des décennies leur pouvoir sur leur
population. Le mouvement de la rue arabe ne peut donc avoir que des retombées
positives pour la cause palestinienne, notamment en Égypte. Chacun aura noté
que, lors des soulèvements en Tunisie et en Égypte, aucun drapeau américain
ou israélien n’a été brûlé. On apercevait épisodiquement un drapeau
palestinien brandi ici ou là, mais c’est la semaine dernière seulement qu’un
million de personnes se sont rassemblées place Tahrir,
au Caire, pour soutenir la cause palestinienne. Cela s’explique : chaque
Arabe est blessé dans sa dignité par ce qui se passe en Palestine depuis
soixante-trois ans. Le Printemps arabe permettra l’établissement de relations
d’État à État, sur la base d’intérêts communs, entre la Palestine et
l’Égypte, la Tunisie et d’autres pays arabes. Le gouvernement
égyptien a joué un rôle très discret mais crucial dans la réconciliation
entre le Fatah et le Hamas, que les événements ont accélérée. La jeunesse
palestinienne a demandé avec insistance à ses dirigeants d’éradiquer le virus
de la division au sein de la société palestinienne, une division qui a nui
aux intérêts de l’ensemble des Palestiniens. Malheureusement,
les autorités israéliennes au plus haut niveau semblent frappées
d’aveuglement. Le gouvernement Netanyahou ne paraît pas avoir pris la mesure
des mutations géopolitiques fondamentales en cours dans la région. J’espère
qu’il se réveillera, et qu’il verra la réalité en face et se rendra compte
que le moment est idéal pour lancer un processus de paix réel et aboutir à la
réconciliation historique entre Israéliens et Palestiniens, sur la base de la
reconnaissance de deux États distincts - solution qui est la meilleure
garantie de sécurité pour l’État d’Israël pour les mille ans à venir. Si la
chance historique qui s’offre est saisie, comme elle doit l’être, les
énergies négatives actuellement à l’œuvre se mueront en une dynamique
constructive pour les deux peuples considérés, pour la région et pour la paix
et la stabilité internationales. J’espère donc que les autorités israéliennes
en finiront avec l’arrogance et s’impliqueront activement en faveur d’une
paix durable au lieu de chercher tous les prétextes pour accuser l’OLP d’être
à l’origine du blocage actuel. Le rapport Goldstone est entre les mains de l’ONU. Nos représentants
qui siègent dans les instances compétentes ont engagé les démarches
nécessaires pour que la réalité des faits soit exposée à tous, de manière que
les actes commis ne se reproduisent pas. L’Autorité
palestinienne soutient le boycott des produits provenant des colonies
israéliennes considérées comme illégales au regard du droit international.
Nous n’avons jamais appelé au boycott de l’État d’Israël ; en revanche,
nous demandons que l’aide illimitée accordée à Israël par ses alliés ne soit
pas utilisée pour détruire la société palestinienne et pour assassiner des
femmes, des enfants et des vieillards palestiniens car, dans ce cas, il y aurait
en quelque sorte complicité. Tout dépend donc des termes des accords passés
entre Israël et ses partenaires, qu’ils soient ou non européens. Nous ne
demandons pas la fin des partenariats avec Israël, mais un rééquilibrage qui
devrait se traduire par d’autres partenariats avec l’Autorité palestinienne. J’ai des
contacts réguliers avec les groupes qui manifestent leur solidarité au peuple
palestinien. Chacun est favorable à la levée du blocus de Gaza, qui a des
conséquences désastreuses pour ses 1 500 000 habitants. Il est
anormal que la communauté internationale ne réagisse pas, et nous soutenons
toute mobilisation contre le blocus avec d’autant plus de vigueur que nous
engageons la reconstruction de tout ce qu’a détruit l’armée israélienne à
Gaza. À cet effet, nous avons demandé l’aide du secteur privé palestinien et
arabe. Il faut savoir qu’actuellement, 60 % du budget de l’Autorité
palestinienne sont consacrés aux écoles, à l’Université et aux hôpitaux de la
Bande de Gaza. Vous aurez
noté que le Gouvernement de M. Salam Fayyad, qui
est lui-même un économiste distingué, a montré une très grande créativité.
C’est ainsi qu’après la première conférence des donateurs, nous avons réussi,
en dépit des obstacles dus à l’occupation israélienne et avec l’aide de la communauté
internationale, à dynamiser la croissance économique. Chacun comprendra
toutefois qu’elle ne peut être durable si l’occupation persiste. Pour assurer
la viabilité du futur État palestinien, la communauté internationale a un
rôle éminent à jouer. Aux partis arabo-palestiniens, elle doit faire
comprendre que la création de l’État palestinien mettra un terme à la spirale
de désespoir et de frustrations, ce qui permettra de se débarrasser des
groupuscules extrémistes qui cherchent à détruire le processus de paix. Plus
grand sera l’espoir que la situation s’améliore, plus facilement on
mobilisera l’opinion publique palestinienne et arabe. La communauté
internationale doit donc dire fermement à Israël que la seule solution viable
est celle des deux États : l’État de Palestine dans ses frontières de
1967 et l’État d’Israël. A la suite de quoi, une négociation devra s’ouvrir
pour définir les mécanismes permettant de résoudre les questions en suspens,
dont celle de la sécurité de toutes les parties. Quelle meilleure garantie y
a-t-il pour Israël que la normalisation de ses relations avec 48 pays
arabes ou musulmans ? Comme je vous l’ai dit, nous sommes ouverts à la
négociation sur de multiples sujets – l’eau, les réfugiés, les colonies
israéliennes – mais il ne s’agit pas de redessiner les frontières de l’État. Depuis mon
arrivée à Paris, j’ai multiplié les contacts institutionnels, avec l’objectif
de modifier la nature des relations franco-palestiniennes. Nous avons besoin
de la France comme partenaire stratégique, dans un intérêt commun. La
viabilité de l’État palestinien ne dépend pas seulement de ses ressources
naturelles ; elle dépend aussi de la qualité de ses ressources humaines,
qui est grande. Ce qui nous fait défaut, ce sont les transferts de technologie
dont bénéficie Israël et sans lesquels il ne pourrait continuer d’exister.
Aujourd’hui, 85 % des centres de recherche israéliens dépendent des
transferts de technologies depuis les pays occidentaux. La même
interdépendance doit valoir avec la Palestine ; on ne peut se limiter à
une coopération qui n’établit pas des relations suffisamment fortes, il faut
des partenariats. Nous avons besoin d’une implication directe de la France
dans les processus de reconstruction de nos institutions, de notre économie
et de notre recherche scientifique. M. François Fillon a été invité à se
rendre dans les territoires palestiniens. D’ici le début de l’été aura lieu
le premier séminaire intergouvernemental franco-palestinien ; j’espère qu’à
cette occasion un accord-cadre de partenariat entre les deux pays sera
conclu. La sécurité
est une question très complexe. Nous avons déjà fait des pas de géant dans le
rétablissement de la sécurité civile et d’un appareil judiciaire efficace.
Malheureusement, nous sommes empêchés d’aller au bout de notre démarche car
des infiltrations de l’armée israélienne ont lieu à chaque progrès réalisé.
Nous ne sommes donc pas complètement libres de mener à terme notre politique
sécuritaire et judiciaire, et le déplorable assassinat de Juliano
Mer-Khamis comme celui de Vittorio Arrigoni ont été des chocs terribles pour le Président
Abbas et pour toute la population. Nous mènerons à terme notre programme
visant à assurer la sécurité et le respect du droit pour tous sur notre
territoire. L’impact du
Printemps arabe sur l’accord intervenu entre le Hamas et le Fatah ne peut
être mésestimé. Oui, la jeunesse palestinienne a fait pression sur le Fatah,
sur le Hamas et sur le Président pour que l’union prévale. Cette jeunesse pleine
d’énergie souhaite que nous parvenions à avancer, ce qui me donne du courage
dans la poursuite d’une tâche difficile. Un
porte-parole du Hamas a fait savoir immédiatement que la déclaration de
M. Ismaël Haniyeh, après la mort de Ben Laden,
exprimait une position personnelle et non celle du Hamas. Pour notre part,
nous ne considérons pas Ben Laden comme un combattant de l’Islam ou un martyr
de la cause palestinienne ; au contraire, il a donné d’eux une très
mauvaise image. Il a été un élément destructeur, responsable du massacre de
nombreux musulmans et Arabes. Les extrémistes sont des virus dangereux qui
détruisent le corps arabe de l’intérieur ; il convient donc de créer les
anticorps qui permettront de s’en débarrasser. Nous n’avons absolument rien à
voir avec ce mouvement qui nuit à la juste cause palestinienne. Pour ce qui
est des relations entre l’Union européenne et la Palestine, le président
Sarkozy a dit la nécessité d’un changement de méthode. Soulignant l’absence
de progrès, il a souligné que l’Europe ne peut se satisfaire d’être seulement
un bailleur de fonds et qu’elle doit avoir un rôle politique innovateur,
conduisant à la conclusion d’un accord de paix qui renforcera la stabilité au
Proche-Orient, autour de la Méditerranée et dans le monde. La deuxième
conférence des donateurs avait originellement été conçue pour compléter les
promesses faites lors de la première conférence, et une réunion préparatoire
a eu lieu à Bruxelles. Mais quand ils se sont rencontrés, les présidents
Sarkozy et Abbas sont convenus que les problèmes en suspens n’étant pas
seulement d’ordre économique, la conférence devrait traiter de sujets plus
larges. Elle combinera donc des thèmes politiques et économiques, avec
l’objectif d’un progrès politique réel. Nous approuvons cette approche. Revenant sur
l’accord intervenu entre le Fatah et le Hamas, vous m’avez interrogé sur leur
position respective quant à la reconnaissance de l’État d’Israël. La
reconnaissance d’un État incombe à une entité politique et non à un parti, et
le Président Abbas a déclaré hier encore que tout gouvernement
palestinien respecterait les accords signés avec Israël et avec la communauté
internationale. Comme il est prévu par les accords d’Oslo, c’est l’OLP et
elle seule qui, pour la Palestine, est habilitée à négocier la paix. L’État
qui, à ce jour, ne respecte pas les accords signés, c’est l’État d’Israël,
qui refuse de nous reconnaître. Le Hamas n’est pas l’OLP - qui a reconnu
l’État d’Israël dans les frontières de 1967 - mais un parti politique palestinien.
Dois-je rappeler que certains partis politiques de la majorité israélienne ne
reconnaissent pas l’existence du peuple palestinien et que d’autres désignent
les Arabes comme des cafards à écraser ? Je rappelle
à nouveau que l’on traite, en cette matière, entre États et non entre partis
politiques. À ce jour, il n’y a pas d’État palestinien mais, dès 1988,
c’est-à-dire avant les accords d’Oslo, le Conseil national palestinien a
accepté, par souci de compromis, de reconnaître l’existence de l’État d’Israël
dans ses frontières de 1967, une concession considérable. Pour sa part,
M. Netanyahou s’emploie à multiplier les conditions. Pourquoi exige-t-il
maintenant de nous que nous reconnaissions Israël comme « l’État-nation
du peuple juif » ? S’il souhaite que son pays change de nom, qu’il
en fasse la demande à l’ONU, certainement pas à l’Autorité
palestinienne ! En réalité, le Premier ministre israélien invente
prétexte sur prétexte pour prétendre que l’Autorité palestinienne est à
l’origine du blocage des négociations. C’est très regrettable. Je suis
moi-même issu d’une famille musulmane, j’ai été élève d’une école chrétienne,
j’ai fait mes études supérieures dans une université juive et je considère
que ma religion est mon affaire privée, qui ne regarde que moi. Que
veut-on ? Préparer une guerre de religions dans la région ? Nous ne
pouvons accepter une telle évolution, qui devrait être tout aussi intolérable
à la France, pays laïc. La Turquie
joue en effet un rôle très important dans la région, mais nous ne serions pas
défavorables à l’intervention d’autres États. C’est pourquoi, lors de leur
rencontre, les présidents Sarkozy et Abbas ont évoqué l’idée d’un groupe de
pays « amis du processus de paix », dans lequel figureraient
l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine ou encore l’Inde. M. le président Axel Poniatowski. L’accord
entre le Fatah et le Hamas a pris tous les observateurs par surprise.
Pourriez-vous préciser les raisons qui ont poussé le Fatah et le Hamas à le
conclure à cet instant ? M. Hael Al Fahoum. La pression de la jeunesse
palestinienne, en Cisjordanie, à Gaza, dans les camps de réfugiés en Jordanie
et au Liban, a contraint les partis politiques à aller de l’avant, le Hamas
pouvant difficilement refuser l’offre faite par le président Mahmoud Abbas de
se rendre à Gaza. Des contacts entre les deux partis se sont alors engagés
très discrètement, sous l’égide de l’Égypte, et le Hamas a finalement accepté
de signer un accord. M. le président Axel Poniatowski. C’est
donc la révolution arabe qui a poussé à la conclusion d’un accord. M. Hael Al Fahoum. En effet. M. François Asensi. Confirmez-vous
la rumeur de l’entrée du Hamas au sein de l’OLP ? Une telle évolution
signifie-t-elle de facto la
reconnaissance de l’État d’Israël ou, du moins, les débuts d’un
processus de reconnaissance ? M. Jean-Michel Boucheron. On
peut multiplier les efforts diplomatiques pendant des siècles, ils resteront
vains si la volonté politique manque ou si l’évolution des rapports de forces
ne permet pas qu’ils aboutissent. L’Autorité palestinienne ayant, à très
juste titre, abandonné la lutte armée, il faut passer à autre chose. On sait
qu’aux frontières d’Israël des foules palestiniennes tentent de franchir les
barrages. Appelez-vous de vos vœux un mouvement semblable en Cisjordanie, qui
rendrait la situation intenable pour Israël et qui serait la seule manière de
faire que les choses avancent ? Soutiendriez-vous des manifestations
pacifiques de la jeunesse palestinienne ? M. Michel Vauzelle. Chacun
connaît la position américaine à l’égard d’Israël et son soutien à la
colonisation, et l’on voit que l’Union européenne souhaite un autre rôle que
celui du banquier réparant les dégâts commis dans les territoires
palestiniens. La Tunisie et l’Égypte sont actuellement plus préoccupées de
résoudre leurs problèmes internes que de la cause palestinienne. En Libye,
c’est la guerre, et en Syrie, la guerre civile. Dans ce contexte, quel appui
attendez-vous des pays arabes dits « modérés » ? L’avenir de la
Palestine ne repose-t-il que sur l’Europe et sur une autre partie de la
communauté internationale qui n’est pas immédiatement dépendante de
l’influence américaine ? M. Jean-Pierre Dufau. Le
rapprochement entre le Hamas et l’Autorité palestinienne a fait naître
l’espoir, mais existe-t-il une volonté réelle de reconnaître l’État d’Israël
dans des frontières sûres et de créer un État palestinien viable parce que
capable d’assurer sa survie politique, économique et sécuritaire ? Des
engagements fermes ont-ils été pris qui permettront la coexistence de deux
États souverains, seule solution pour parvenir à une paix durable ? M. Jean-Claude Guibal. Vous
avez dit souhaiter un partenariat entre la Palestine et l’Union européenne,
mais aussi avec la France. Vos préférences vont-elles à un partenariat au
niveau européen ou à des partenariats bilatéraux ? Par ailleurs,
privilégiez-vous les partenariats économiques ou les partenariats
stratégiques ? Comment faire pour que l’Europe, directement ou par le
truchement de certains de ses membres, participe au processus de paix ?
Enfin, faites-vous un préalable du statut de Jérusalem ? M. Hervé de Charette. Monsieur
le président, notre commission ne devrait-elle pas prendre position sur
la reconnaissance de la Palestine comme État palestinien ? À M. Hael Al Fahoum, je me dois de
dire que la période actuelle me paraît bien peu propice à une recherche
effective de la paix. Il faut, pour commencer, reconstituer l’unité
palestinienne ; le processus est en cours et c’est un progrès très
important. Mais il faut aussi que le Gouvernement israélien veuille la paix,
ce qui signifie pour Israël choisir la paix contre les territoires, et ce
n’est pas la position du Gouvernement actuel. Ensuite, les États-Unis doivent
vouloir s’engager puisque, d’une manière ou d’une autre, la paix sera imposée
par la communauté internationale. Or je ne pense pas que le Gouvernement
américain soit en mesure d’agir. Enfin, il faudrait que l’Union européenne
ait envie de s’imposer comme un partenaire nécessaire, mais elle est divisée.
Vous comprendrez mon scepticisme. M. le président Axel Poniatowski. Vous
pouvez si vous le souhaitez, monsieur de Charrette, déposer une résolution
relative à la reconnaissance de la Palestine comme État palestinien. M. Serge Janquin. Je
viens de plaider en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien devant
l’Assemblée de l’Union interparlementaire réunie à Panama. Cependant, il y a
loin de la coupe aux lèvres et je partage pour beaucoup le sentiment de M. de
Charette. Vous avez, à juste titre, fait une distinction entre États et
partis politiques. Malgré tout, la communauté internationale n’acceptera pas
d’aller plus loin si elle n’a pas la garantie que l’Autorité palestinienne
incarne l’unité nationale à ce sujet. Quelles concessions nouvelles le Hamas
est-il prêt à faire avant la conférence de Paris prévue en juin et en tout
cas avant septembre ? M. Étienne Pinte. Pourquoi
est-il presque aussi difficile de pénétrer à Gaza par l’Égypte que par
Israël ? D’autre part, comment envisagez-vous la coexistence entre un
État palestinien indépendant et les habitants des 140 colonies
israéliennes de Cisjordanie ? M. Hael Al Fahoum. Je suis d’accord avec l’analyse de M. de
Charette. Pour ce qui nous concerne, nous nous sommes engagés dans le
processus de réconciliation et le Hamas a commencé de s’aligner sur la
position de l’OLP : M. Khaled Mechaal n’a-t-il
pas évoqué un État palestinien dans les territoires occupés en 1967, avec
Jérusalem-Est comme capitale ? C’est une évolution notable pour un parti
qui, jusqu’alors, a toujours revendiqué de recouvrer la Palestine étendue de
la vallée du Jourdain jusqu’à la Méditerranée. Par cette déclaration, la
direction du Hamas fait sienne pour la première fois la position adoptée par
le Conseil national palestinien en 1988. La convergence des points de vue est
donc amorcée. Le gouvernement
israélien cherche tous les prétextes pour esquiver le processus de paix tout
en accusant les Palestiniens d’être les auteurs du blocage et,
malheureusement, l’administration américaine pratique le double langage en ne
soumettant le gouvernement israélien à aucune pression réelle pour l’obliger
à se plier à la volonté de la communauté internationale. S’agissant
de la reconnaissance de l’État d’Israël par le Hamas, je vous ai fait part
d’une évolution ; de plus, comme je l’ai indiqué, cette question relève
des États et non des formations politiques. En Israël, M. Avigdor
Lieberman et avec lui la majorité du Gouvernement israélien ne reconnaissent
même pas l’existence du peuple palestinien. Pour intégrer l’OLP, le Hamas
devra reprendre à son compte tous les engagements conclus par le Conseil
national palestinien – dont le principe de la coexistence de l’État
palestinien et de l’État d’Israël. Pour l’heure, le Hamas n’est pas encore
une composante de l’OLP ; de plus, il y aura des élections au Conseil
national palestinien dans un an. La
population palestinienne n’acceptera pas l’idée d’un État palestinien qui
n’aurait pas Jérusalem-Est pour capitale. Elle tiendrait pour aussi
inacceptable un État aux frontières provisoires. C’est pourquoi les
propositions de M. Netanyahou en ce sens ont été rejetées. On constate
actuellement une mutation positive au sein des mouvements de jeunesse du
Hamas. Le désespoir peut parfois avoir une incidence sur le discours d’un
parti politique ; si l’on voit qu’un mouvement s’amorce qui tend à
confirmer l’identité palestinienne par la création d’un État, les approches
politiques peuvent se modifier, même au sein de partis qui étaient considérés
jusqu’alors comme des partis négatifs dans la société palestinienne. C’est
pourquoi il faut passer aux actes. L’accumulation des frustrations et des
souffrances a été telle depuis soixante-trois ans qu’il faut du concret,
maintenant. Vous m’avez
interrogé sur ce que devrait être le rôle de l’Union européenne. À dire vrai,
je m’étonne que l’Union européenne, grande puissance économique, doive
demander l’autorisation de quiconque pour prendre une initiative concernant
le Proche Orient, alors même que les questions en suspens ont une incidence
directe sur sa propre sécurité – au point que la question peut être
considérée comme un problème interne à l’Union ! Si tous les efforts
sont conjugués, l’Europe parviendra à imposer sa vision au moment où des
forces se mobilisent dans le monde arabe mais aussi en Israël : Mme Livni n’a-t-elle pas dit hier tout le mal qu’elle pense
de la politique suivie par M. Nétanyahou,
qu’elle accuse d’isoler Israël sur la scène internationale ? Le
président Abbas a lui-même rencontré deux cents personnalités israéliennes de
tous bords, avec lesquelles il a eu des discussions très franches. Un terreau
existe pour la négociation ; il faut le labourer. La Palestine
a besoin de partenariats bilatéraux. Nous souhaitons créer un partenariat
expérimental avec la France, qui montrerait que la coopération peut être
autre qu’uniquement budgétaire. Nous avons besoin que des groupes privés
français, avec le soutien des autorités, s’engagent auprès de nous en tant
que partenaires stratégiques de leurs homologues palestiniens. Par ailleurs,
j’entretiens des contacts avec les ambassadeurs des pays arabes pour mettre
au point des partenariats triangulaires associant la France, la Palestine et
des pays arabes. Nous entendons ainsi préparer la normalisation qui interviendra
entre le monde arabe et l’État d’Israël lorsqu’un progrès politique réel aura
permis de mener à son terme le processus de paix. Enfin, le
Gouvernement égyptien a promis de faciliter les déplacements entre l’Égypte
et Gaza et a déjà pris des dispositions en ce sens ; peut-être
allons-nous demander le retour des observateurs européens aux frontières avec
l’Égypte. M. le président Axel Poniatowski. Je
vous remercie, monsieur l’ambassadeur, pour ces réponses précises. La séance est
levée à onze heures. _________ Membres présents ou excusés - Commission des affaires étrangère - Réunion du mercredi 18 mai 2011 à 9 h 30 Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. François Asensi, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Dino Cinieri, M. Philippe Cochet, M. Alain Cousin, M. Michel Delebarre, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Gaëtan Gorce, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Didier Julia, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Henriette Martinez, M. Didier Mathus, M. Jean-Claude Mignon, M. Renaud Muselier, M. Jacques Myard, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle, M. Éric Woerth Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Jacques Bascou, M. Jean-Louis Bianco, M. Alain Bocquet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, Mme Geneviève Colot, M. Jean Glavany, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Lecou, M. Henri Plagnol, M. Éric Raoult, M. Jacques Remiller Assistaient également à la réunion. -
M. Daniel Garrigue, M. Étienne Pinte |