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M. Nétanyahou multiplie les
conditions pour la création d'un Etat palestinien Par Sylvain Cypel Devant
un Congrès américain acquis à sa cause, le premier ministre israélien a
refusé la référence aux lignes de 1967 et a exigé que l'Autorité
palestinienne rompe avec les islamistes du Hamas. Depuis
plusieurs mois, des hommes politiques et des politologues israéliens
s'inquiètent d'un « isolement » croissant de l'Etat juif sur
la scène diplomatique. De ce risque, Benyamin Nétanyahou
a voulu faire un atout. Après la rebuffade publique de Barack
Obama, qui avait fait état de différends le 18 mai,
il entendait montrer, en s'expliquant devant le Congrès américain,
représentants et sénateurs réunis, mardi 24 mai, que quitte à être seul au
monde, l'appui des élus américains constituait à ses yeux un engagement
immensément plus important que celui de quiconque. Pari plus que réussi : en
une heure, celui que l'on surnomme « Bibi » a reçu 26 standing
ovations. La chaîne de télévision ABC a compté : le président Obama, lors de son discours sur l'état de l'Union devant
le même cénacle, n'avait eu droit qu'à 25 ovations debout. Jamais,
peut-être, le premier ministre israélien n'a dit de manière aussi dénuée
d'ambiguïté que « les Palestiniens partagent avec nous cette terre »(d'Israël) et
qu'eux aussi « méritent un Etat indépendant ». Pour une «
vraie » paix, il est prêt à des « compromis douloureux ».
Mais rarement, il aura énuméré avec autant d'exhaustivité ses innombrables préconditions qui ferment la porte non seulement à une
paix « finale et définitive », mais aussi à la simple ouverture
de négociations. Ainsi
Israël n'accepte pas le principe de négocier un accord « sur la base
» des frontières de juin 1967 (celles du droit international) avec
des échanges de territoires, comme le propose Barack
Obama, et « en aucun cas il n'y reviendra ».
La Cisjordanie : « Les juifs ne sont pas des occupants étrangers en
Judée et Samarie » et toute paix devra tenir compte des «
changements démographiques dramatiques intervenus depuis 1967 », soit des
600 000 Israéliens qui y ont été installés. Israël maintiendra sa
souveraineté sur Jérusalem, contrôlera pour longtemps la rive occidentale du
Jourdain ; enfin, la future Palestine sera démilitarisée. Et
M. Nétanyahou a répété qu'« Israël ne négociera
pas avec un gouvernement soutenu par des gens qui partagent la vision d'Al-Qaida ». Traduire : avec un président palestinien,
Mahmoud Abbas, réconcilié avec le mouvement islamiste Hamas. Mises
bout à bout, ces conditions - M. Nétanyahou le
sait, comme les Américains, les Européens et à peu près tout le reste du
monde - sont autant d'obstacles à la possibilité, pour les Palestiniens, de
jouir, un jour, d'un « Etat viable ». Comme l'a instantanément écrit
l'analyste de la revue Foreign
Policy Blake Hounshell : « Le
processus de paix est toujours mort. » L'objectif
du discours n'était sans doute pas de le ressusciter. D'ailleurs, en Israël,
le vice-premier ministre, Moshé Yaalon, expliquait,
la veille, que ce processus « dure depuis vingt ans et devrait durer
encore cent ans ». Et Ehoud Barak, le ministre
de la défense, avait donné son accord à la construction de 800 logements
supplémentaires dans 13 colonies. Reste
un objectif moins apparent. Pour David Makovsky, du
Washington Institute for Middle-East Policy, le numéro un israélien visait en
priorité à faire échec à la proposition de vote en faveur de la création d'un
Etat palestinien dans les frontières de 1967 que plusieurs Etats entendent
promouvoir en septembre à l'Assemblée générale des Nations unies. Il n'a
évoqué ce point qu'incidemment. Mais Israël, selon M. Makovsky, «
est inquiet des conséquences juridiques internationales qu'aurait un tel vote
», même s'il resterait symbolique. En
montrant que, malgré les dissensions, M. Obama, le
Congrès et lui-même sont d'accord pour y faire échec, qu'à l'issue de son
discours, Mitch McConnell, le leader républicain du Sénat, Harry Reid, son
homologue démocrate, et Nancy Pelosi,
l'ex-présidente démocrate de la Chambre, l'entourant, ont tous fait assaut de
compliments sur la qualité de ses propos - terrific («
super »), a dit le sénateur démocrate -, M. Nétanyahou
s'est aussi « adressé aux Arabes et aux Européens » pour les
convaincre de l'inanité de s'opposer à un tel front commun et empêcher M.
Abbas de conduire ce projet à son terme. |