Article paru dans
l'édition du 2 juillet 2011 (page 18)
Demain, une Palestine indépendante ?
Les Palestiniens ont
annoncé leur intention de demander l’adhésion de leur Etat à l’ONU en
septembre. Il est déjà reconnu par près de 130 pays. La face du Moyen-Orient pourrait
en être changée.
Israël doit renoncer à
son intransigeance politique
Denis Bauchard Conseiller à l’Institut français des relations internationales
(IFRI)
Le Moyen-Orient change. Israël,
frappé de stupeur, se fige dans une attitude de repli. Il est clair que le « printemps
arabe » qui affecte tous ses voisins représente une nouvelle donne pour l’Etat
juif. Son opinion publique s’en inquiète, mais, du coté du gouvernement, l’immobilisme
prévaut. En effet, à l’ordre des régimes autocratiques succèdent des
mouvements qui, selon cette opinion, pourraient déboucher sur un chaos, voire
sur la formation de gouvernements contrôles par des mouvements islamistes
radicaux. Ces craintes sont sans doute excessives, mais il est probable que la
mise en place de gouvernements démocratiques conduira les pays arabes à
promouvoir des politiques plus fermes et plus exigeantes a l’égard d’Israël.
On sent déjà une
inflexion de la part des Egyptiens qui, par la voix du nouveau ministre des affaires
étrangères, entendent développer a l’égard d’Israël une politique étrangère
qui ne remet pas en cause la « paix froide » des accords de Camp
David, mais sera plus soucieuse de refléter les sentiments d’une population restée
fondamentalement hostile à Israël. S’agissant des Palestiniens, les
mouvements constates ont été pour l’instant limités, mais, à l’image des
autres peuples arabes, ils ne peuvent qu’affirmer plus vigoureusement leurs
aspirations démocratiques.
Dans ce contexte, le
premier enjeu est, pour les Palestiniens, d’affirmer leur unité. La
population a manifesté nettement son aspiration à mettre fin aux divisions et
aux affrontements entre les différents mouvements. L’évolution du Hamas,
inquiet de la situation en Syrie, et l’engagement efficace des nouvelles autorités
égyptiennes ont conduit à l’accord du Caire conclu le27 avril avec le Fatah.
Le processus de mise en œuvre est en cours avec le choix d’un premier ministre
qui serait Mohamed Mostafa, président du Fonds palestinien pour l’investissement.
Il reste encore a former un gouvernement chargé d’organiser les futures élections.
Le deuxième enjeu est
celui de la création d’un Etat palestinien viable, ayant tous les attributs
de la souveraineté. Comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque
mondiale l’ont reconnu, toutes les conditions techniques sont maintenant réunies
grâce notamment au succès de la politique menée par le premier ministre, Salam
Fayyad. Or le temps presse : sur le terrain, un
tel Etat est en train de « s’évaporer ». Si l’on additionne les
terres se trouvant entre le mur de séparation et la frontière de 1967, les
emprises des colonies et des routes réservées aux colons et la vallée du Jourdain
que l’armée israélienne veut conserver sous contrôle pour des raisons de sécurité,
cet Etat disposera d’un territoire réduit, avec une surface de l’ordre de 2500km²,
soit la moitie d’un département français moyen.
Faute de perspectives sérieuses
de négociations et malgré les réticences de son premier ministre, Mahmoud Abbas
s’est engage sur la voie de la reconnaissance d’un Etat palestinien. Le
Comite exécutif de l’OLP vient de trancher en décidant de saisir la prochaine
Assemblée générale des Nations unies d’une demande de reconnaissance de l’Etat
palestinien et de son adhésion comme membre de l’organisation. Cent treize Etats
l’ont déjà reconnu et il est probable que l’Assemblée générale se prononcera
a une large majorité, même si, en définitive, le Conseil de sécurité ne pourra
entériner cette adhésion en raison du veto américain.
Pour Israël, quels sont
les enjeux ? Il s’agit d’abord de préserver sa sécurité. Après la vague
d’attentats-suicides du début des années 2000, Israël vit maintenant en sécurité,
ponctuée de quelques rares cas de violence. Les tirs sporadiques à partir de
Gaza ont cessé. Cependant, la possibilité de nouvelles formes d’action existe,
par exemple des manifestations spontanées et massives, comme celles qu’ont connues
les pays arabes voisins.
Une première alerte a eu
lieu au moment de la célébration de la Nakba (« catastrophe »,
expulsion des Palestiniens en 1948) marquée par des mouvements d’une ampleur
nouvelle. Tsahal, d’abord prise au dépourvu, a réagi et se prépare à ce type
de manifestations, dont l’enchainement pourrait conduire à une troisième Intifada.
De même on ne peut exclure un « printemps arabe » lancé à
l’initiative des Arabes israéliens eux-mêmes.
L’enjeu est aussi
diplomatique. Il s’agit tout d’abord d’éviter dans la conjoncture trop
incertaine de s’engager dans de véritables négociations, comme en témoigne le
discours de M. Netanyahou au Congres. Celui-ci a affiché des bases de
discussion inacceptables pour l’Autorité palestinienne. Il s’agit d’une énumération
de refus : refus des frontières de 1967, du droit au retour, de l’arrêt
des constructions de colonies, du partage de Jérusalem comme capitale, etc.
Certes, M. Netanyahou se déclare favorable à la création d’un Etat
palestinien, mais les conditions de création de cet Etat sont telles qu’elles
le réduiraient a une sorte de bantoustan.
Réagissant vivement à
l’accord avec le Hamas, il a d’ailleurs exclu de négocier avec le
gouvernement qui pourrait en résulter. Ce discours signifie aussi un refus de
s’engager sur les bases proposées par le président Barack Obama, pourtant très
favorables à Israël. Il existe cependant un risque de tsunami diplomatique. Même
avec un veto américain au Conseil de sécurité, un vote de l’Assemblée générale,
a une forte majorité comprenant notamment des pays européens, ferait
apparaitre l’ampleur de l’isolement diplomatique d’Israël.
Enfin, l’enjeu est
politique. A l’évidence, le discours prononce devant le Congres a été pour M.
Netanyahou bénéfique en termes de politique intérieure. L’opposition a du mal
à se positionner. Les sondages marquent une nette augmentation de la popularité
du premier ministre.
L’enjeu ne serait-il pas
en définitive de laisser le fait accompli se poursuivre ? A cet égard,
en se référant à la «terre de nos ancêtres» et en faisant observer qu’«en
Judée-Samarie [la Cisjordanie], le peuple juif n’est pas un occupant »,
ce discours apparait comme exprimant la volonté de maintenir un contrôle sur
l’essentiel de la Cisjordanie. Ces propos restent dans la continuité de la
politique du fait accompli menée avec succès depuis de nombreuses années par Israël,
et qui a contribué à installer dans les territoires occupes plus de 400 000
colons depuis les accords d’Oslo.
Dans un Moyen-Orient en
effervescence, la raison voudrait qu’Israël exploite la « fenêtre d’opportunité »
et montre sa volonté de s’intégrer dans un Moyen-Orient qui aspire à la démocratie.
L’option choisie jusqu’a maintenant fait craindre que les perspectives de création
d’un Etat palestinien ne soient compromises. Il est pourtant sûr que seule la
création d’un tel Etat assurerait à terme la sécurité d’Israël. Ce constat
rend impérative une initiative de la communauté internationale avant qu’il ne
soit trop tard.
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