|
|
|
L’Humanité dimanche du 29 septembre 2011 PALESTINE : La nouvelle donne Par
Francis WURTZ Député honoraire du Parlement européen. Il
faut avoir eu l’occasion de mesurer sur le terrain le degré de frustration, d’humiliation,
de rage rentrée, ainsi que la profondeur des blessures nées des multiples
espoirs déçus et du sentiment d’abandon de la part des puissants de ce monde,
pour imaginer la fierté et la dignité qu’ont dû ressentir les Palestiniens en
suivant le discours – ovationné – de leur Président aux Nations Unies. Il
aura donc tenu bon, Mahmoud Abbas! On sait combien ont été fortes – et
menaçantes – les pressions américaines. Plus subtile mais très pernicieuse
fut la proposition de Sarkozy, saluée par Obama comme « complémentaire à
(son) action », puis reprise par le « Quartet » (USA, UE, ONU et Russie).
Elle visait, sinon à faire fléchir le leader palestinien, du moins à limiter
l’isolement des USA et de leurs alliés. L’attribution du statut d’ « Etat non
membre » par l’Assemblée générale présenterait, en effet, aux yeux des
dirigeants occidentaux, l’avantage d’éviter tout vote au Conseil de sécurité
(veto américain ou abstention européenne) qui les placerait en porte-à-faux
non seulement vis à vis des pays arabes en plein « printemps », mais à l’égard
de la grande majorité des nations du monde. En outre, le « compromis »
sarkozyste prétend obtenir des Palestiniens qu’ils renoncent aussi bien au
droit accordé à tout « Etat non membre » de l’ONU de saisir la Cour pénale
internationale qu’à leur exigence légitime d’un arrêt de la colonisation
avant toute nouvelle négociation avec Israël. Ajoutons surtout que ni l’hôte de
l’Elysée ni celui de la Maison Blanche n’ont dit à quel type de pression ils
seraient prêts à recourir pour arracher, en l’espace d’un an, au gouvernement
le plus ultra qu’ait jamais connu l’Etat hébreu un accord de paix conforme au
droit international! Or, sans remise en cause de l’impunité systématiquement
accordée à l’occupant par les Etats-Unis et l’Union européenne, il n’y a
aucune chance qu’une négociation entre Ramallah et Tel Aviv aboutisse à la
création d’un Etat palestinien digne de ce nom. La nouvelle donne que vient de créer l’initiative
palestinienne à l’ONU tient précisément à ceci: l’affirmation publique et
solennelle par Mahmoud Abbas qu’il ne se pliera plus à ce jeu de dupes.
Désormais, les anciens « parrains » du « processus de paix » sont placés devant
leurs responsabilités: ou ils mettront fin au régime de « deux poids, deux mesures
» ou ils auront à assumer devant les nations et les citoyens du monde leur complicité
directe avec un pouvoir qui viole structurellement tous les principes dont
ils se parent si volontiers. Ne
nous le cachons pas: c’est là un bras de fer à l’issue incertaine. Le
Président américain n’a pas hésité, à l’ONU, à ruiner l’image qu’il s’était
forgée au début de son mandat en tenant un discours digne de Nétanyahou. L’Union
européenne est-elle prête à se laisser entrainer dans ce fiasco? La France –
dont plus de 80% des citoyens se déclarent favorables au soutien de la
requête palestinienne – sortira-t-elle de son ambigüité, au côté d’autres
alliés européens potentiels, pour favoriser le nécessaire sursaut? Qui est attaché
au droit et à la paix est appelé à réagir! À
nouveau, la cause palestinienne est à sa place sur l’agenda politique
international: la première. |