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Logo-LeMonde.jpg  Article paru dans l'édition du 02 novembre 2011

La Palestine franchit une étape vers la reconnaissance en entrant à l'Unesco

Les Palestiniens ont remporté une forte victoire symbolique dans leur quête de reconnaissance, à l'ONU, en tant qu'Etat. Lundi 31 octobre, à Paris, une large majorité (107 votes pour, 14 contre, et 52 abstentions) s'est dégagée, au sein de la conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), en faveur de "l'admission de la Palestine comme Etat membre". La Palestine est ainsi devenue le 195e membre de l'Unesco, trois jours après l'entrée du Soudan du Sud. Jusque-là membre observateur, elle pourra prétendre à des programmes de protection de sites patrimoniaux.

La surprise n'est pas tant venue du vote, dont l'ampleur était prévisible étant donné le soutien de nombreux pays du Sud à la démarche palestinienne. Elle n'est pas venue, non plus, de la réplique rapide des Etats-Unis, qui ont annoncé une suspension de leurs versements à l'Unesco (22 % du budget fixe).

Une législation datant des années 1990 et interdisant le financement de toute agence de l'ONU qui intégrerait la Palestine en l'absence d'un processus de paix, contraignait l'administration Obama à ce choix. Les Etats-Unis ne se retirent pas de l'Unesco, comme ils l'avaient fait en 1984 sous Ronald Reagan - avant d'y revenir en 2003. Mais c'est une cure d'austérité qui s'annonce pour l'organisation onusienne.

Le plus inattendu, lundi, est venu du positionnement de la France. Celle-ci a voté oui, alors que tout laissait penser qu'elle opterait pour l'abstention, comme cela avait été le cas au début du mois, lors d'un vote préalable du Comité exécutif de l'Unesco. Le porte-parole du Quai d'Orsay expliquait, le 28 octobre, que l'Unesco n'était "ni le lieu, ni le moment pour faire aboutir" l'initiative palestinienne.

"Les choses doivent se passer à New York", soulignait-il, en s'appuyant sur le discours de Nicolas Sarkozy à l'ONU, le 21 septembre, proposant que les Palestiniens privilégient une démarche auprès de l'Assemblée générale des Nations unies, afin d'y obtenir un statut d'Etat observateur non membre, semblable à celui du Vatican.

Lundi, le Quai d'Orsay paraissait inverser la logique. Il expliquait que, placée devant un vote devenu inéluctable, la France avait dû "prendre ses responsabilités et répondre sur le fond". Que s'est-il passé ? Un arbitrage de dernière minute de l'Elysée était intervenu, après des semaines de tentatives pour que les Palestiniens reportent ou atténuent leur effort auprès de l'Unesco. La France avait voulu gagner du temps pour éviter de se positionner avant le débat sur la question palestinienne, qui devrait être porté devant le Conseil de sécurité de l'ONU à la mi-novembre.

La diplomatie de Nicolas Sarkozy a, au final, décidé de faire un geste en direction de Mahmoud Abbas, à l'Unesco. A la fois pour conforter son message pacifique face au Hamas, et pour inciter le dirigeant palestinien à atténuer sa stratégie d'ensemble à l'ONU.

Scénario du pire

Paris fait le constat que le processus de paix est au point mort, qu'Israël n'a guère fait de gestes d'ouverture, et que les Etats-Unis sont quasiment absents du dossier. Le moment était venu de se montrer en phase avec des revendications palestiniennes.

Le diagnostic français est le suivant : si M. Abbas persiste à vouloir que le Conseil de sécurité (et non l'Assemblée générale) se prononce sur la reconnaissance de l'Etat palestinien, c'est la "catastrophe ferroviaire" diplomatique, tant redoutée, qui se produira, du fait de la menace de veto brandie par les Etats-Unis. Ce message avait été réitéré à M. Abbas par M. Sarkozy, à l'Elysée, le 14 octobre.

Car une grande question ne cesse d'inquiéter : que se passera-t-il au lendemain d'un échec palestinien au Conseil de sécurité ? Certains, côté français, anticipent un scénario du pire (risque de démission de M. Abbas, d'autodissolution de l'Autorité palestinienne, de "troisième Intifada"), constatant que la démarche palestinienne "va dans le mur". Mais rien n'indique que M. Abbas envisage de renoncer à la démarche, comme le souhaite M. Sarkozy. La Ligue arabe, réunie récemment à Doha (Qatar), n'a pas réussi à convaincre le dirigeant palestinien d'un tel infléchissement.

Le choix français a contrarié le gouvernement israélien, qui a exprimé sa "déception". A Paris, un communiqué du CRIF dénonçait une "position incohérente avec celle exprimée (par M. Sarkozy) à l'ONU".

La France pouvait en tout cas se sentir affranchie de tout souci d'"unité" européenne, car celle-ci était clairement absente à l'Unesco. Onze Etats de l'Union européenne se sont abstenus (dont le Royaume-Uni et l'Italie), cinq ont voté contre (dont l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède). Outre la France, dix autres ont voté pour (dont l'Espagne, la Grèce, la Belgique, l'Autriche, la Finlande).

Natalie Nougayrède

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