21 décembre 2011
La
colonisation juive en Cisjordanie et
à Jérusalem-Est progresse à plein régime
La colonie de Givat
Zeev, en Cisjordanie.REUTERS/BAZ RATNER
L'indifférence qui a accueilli la réunion,
le 13 décembre, du Quartet pour le Proche-Orient (Etats-Unis,
Union européenne, Nations unies et Russie) et son énième appel à la reprise
de négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, de même que les
réactions internationales convenues, lundi 19 décembre, à l'annonce de
nouveaux projets de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est illustrent
la faillite du processus de paix et la conviction croissante de la communauté
internationale qu'il est irréaliste d'envisager une quelconque percée dans un
proche avenir.
Pour l'essentiel, c'est le calendrier électoral, en
2012, des principaux partenaires du processus de paix (Etats-Unis,
Russie, France) qui nourrit ce pessimisme : ces échéances politiques,
auxquelles s'ajoutent le creusement de la récession économique et la
poursuite des bouleversements dans le monde arabe, risquent d'éclipser de
l'actualité le dossier israélo-palestinien. La perspective des élections
parlementaires en Israël, prévues pour le printemps 2013, n'incitera pas
davantage le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à faire des
concessions au lobby des colons, qui constitue la clientèle naturelle de son
parti, le Likoud (droite).
Alors que les efforts de Mahmoud Abbas, président de
l'Autorité palestinienne, pour faire entrer la Palestine aux Nations unies
semblent être dans une impasse, le temps perdu par la communauté
internationale ne l'est pas par Israël : la colonisation juive en Cisjordanie
et à Jérusalem-Est progresse inexorablement, éloignant chaque jour davantage
la viabilité de la solution à deux Etats, à
laquelle s'était officiellement rallié M. Nétanyahou en juin 2009.
L'annonce, le 18 décembre, par le ministère israélien
du logement, de la publication d'appels d'offres pour 1028 logements dans les
colonies de Har Homa et Givat
Zeev, à Jérusalem-Est, ainsi que dans la colonie ultraorthodoxe de Betar Illit, à 10 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem – trois
implantations situées au-delà de la "ligne
verte" (la ligne de
cessez-le-feu de 1949, considérée comme la base de négociations pour les
frontières du futur Etat palestinien) –, témoigne
de la politique israélienne visant à créer un continuum de colonisation entre
la Ville sainte et les blocs de colonies de Maale Adoumim, à l'est, et du Goush Etzion, au sud.
De même, la décision des autorités militaires, annoncée
le 11décembre, de donner leur feu vert à une extension de la colonie d'Efrat, au sud de Bethléem, ce qui aura pour effet
d'étendre celle-ci jusqu'aux limites de la cité de la Nativité,
participe-t-elle de la même stratégie. Le 1er novembre, Israël avait annoncé
la construction de 2000 logements, dont 1650 habitations à Jérusalem-Est, le
reste étant réparti entre Maalé Adoumim
et le Goush Etzion.
A chaque fois que des colonies sont envisagées dans des
zones qu'elles considèrent comme faisant partie de Jérusalem, les autorités
israéliennes avancent une double justification : ces territoires seront
intégrés à Israël quel que soit le résultat des négociations sur les
frontières avec les Palestiniens, et Israël a le droit légitime de construire
dans et autour de Jérusalem, qu'il considère comme sa capitale "éternelle et
indivisible". S'y ajoute une troisième explication : le pays
souffre d'un manque crucial de logements, comme l'a récemment montré la
révolte sociale des "indignés".
L'accélération de la construction ne constitue que l'un
des outils de la politique de colonisation : selon les chiffres publiés par
une vingtaine d'organisations de défense des droits de l'homme, plus de 500
habitations et structures palestiniennes ont été détruites depuis le début de
l'année en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, avec pour résultat le déplacement
forcé d'un millier de Palestiniens. Des chiffres multipliés par deux par
rapport à 2010. Ces ONG relèvent, d'autre part, une augmentation de 50 % des
actes de violence perpétrés par les colons en 2011.
Ces dernières semaines, plusieurs mosquées ont été
taguées, endommagées ou partiellement incendiées. Cette violence n'épargne
pas l'armée israélienne : deux bases militaires ont fait l'objet d'actes de
vandalisme de la part de colons extrémistes. Inquiet de cette évolution, le
gouvernement de M. Nétanyahou a annoncé plusieurs mesures, le 14 décembre,
parmi lesquelles la possibilité donnée à l'armée, et non à la seule police,
d'arrêter les colons extrémistes et de traduire ceux-ci devant des tribunaux
militaires.
La presse israélienne s'est montrée sceptique, estimant
que le gouvernement n'aura pas la volonté politique de mettre ce dispositif
en application. Le premier ministre israélien a estimé que rien ne prouvait
qu'il y eût un lien entre la politique de colonisation et la recrudescence de
violence du fait des colons, mais cette coïncidence est pour le moins
troublante…
Laurent Zecchini
|