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Rencontre
avec deux ex-prisonnières Par Jenny PRAGER
de l’AFPS Hier
j’ai rencontré à Naplouse deux jeunes ex- prisonnières. Avec l’aide d’un
traducteur, j ai pu réaliser l’interview suivant : F. (27
ans) et A. (42 ans) sont de
familles refugiées. Leurs familles vivent dans un camp de refugiés. Un camp
ou les conditions de vie sont très misérables, les familles très nombreuses
s’y entassent dans des logements exigus et insalubres. Elles ont été emprisonnées
pour actes de résistance. A. a été condamnée à 30 ans et F. à 15 ans. Elles
ont été libérées en décembre dernier dans le cadre de l’échange Shalit. A. avait fait 8 ans de prison, F. 6. Question
- Quelles étaient vos conditions de détention ? Réponse
d’A. -
Pendant ma détention j’ai été frappée sévèrement. Les soldats m’ont cassé 3
dents. Puis j’ai été malade. Des problèmes aux poumons, du diabète et de
l’hypertension. On ne m’a donné aucun traitement. Puis un cancer de l’utérus
a été diagnostiqué mais pendant 4 ans je n’ai pas été soignée. Au bout de 4
ans j’ai été opérée à l’hôpital, on m’a enlevé l’utérus, j’étais attachée au
lit et les conditions d’hygiène étaient très mauvaises. J’ai contracté une
maladie infectieuse, à la suite de quoi j’ai perdu toutes mes dents. Ma peine a alors été
réduite à 11 ans. Les médicaments me
provoquaient des hallucinations. J’étais très affaiblie, à ma sortie de
prison je pesais 41 kg, alors qu’à mon entrée je pesais 65 kg, j’étais
sportive et en bonne santé. Les israéliens ont une façon diabolique de
traiter les prisonniers. Ils ne respectent pas les conventions de Genève. Ils
nous tuent à petit feu pour qu’on dise que nous sommes morts naturellement. Réponse
de F. -
Par chance je n’ai pas été malade. Je n’ai eu à subir que les conditions
communes à tous les prisonniers. La mauvaise nourriture, les humiliations, le
froid, les fréquents changements de prison. Je suis restée 1 an et demi sans
une seule visite de ma famille, ensuite j’ai eu droit à une visite par an. La
dernière année seulement, mes parents ont pu venir me voir un peu plus
souvent, mais le déplacement n’était pas facile pour eux (transports
difficiles, autorisations a obtenir, etc.) Question
- Comment s’est passée votre libération ? Quelle est votre situation actuelle
? Réponse
- Nous
partageons maintenant l’appartement que tu vois (un appart confortable, sans
luxe mais assez spacieux et bien décoré, à l’orientale). Nous l’avons choisi
proche de l’hôpital pour permettre à A. de suivre ses traitements. L’Autorité
Palestinienne a payé le loyer pour un an, après nous ignorons ce qui se
passera. L’Autorité nous verse aussi
une pension de 1200 shekels chacune par mois (240 euros), mais on ne sait pas
jusqu’à quand et si ce montant sera maintenu. L’autorité paie aussi les soins
dentaires d’A. (pose d’implants). A. a aussi été aidée par l’AFPS 33, elle
remercie chaleureusement tous les amis de France qui l’ont soutenue. La réadaptation est
difficile psychologiquement. Nous sommes dans l’insécurité et l’angoisse de
l’avenir. Nous ne trouvons pas de travail car nous n’avons aucune formation.
F. a quitté l’école à 10 ans. Les employeurs éventuels ont peur de nous
embaucher car nous sommes des ex-prisonnières. Ils ont peur qu’on leur attire
des ennuis. Nos voisins aussi. Il n’y a plus la même solidarité qu’avant.
Plus le nombre d habitants des villes augmente,
moins les gens se connaissent et s’entraident. Question
- Continuez vous a avoir des activités politiques ? Comment voyez-vous
l’avenir de la Palestine ? Réponse
- Nous
avons dû signer un papier à notre sortie de prison, nous engageant à ne plus avoir
d’activité politique. Mais nous continuons à participer à des meetings, des
conférences, des manifestations. Nous essayons de promouvoir
autour de nous le boycott des produits israéliens, qui inondent le marché.
Actuellement la saison des patates et des pastèques arrive. L’Autorité
Palestinienne appelle les commerçants à ne pas en acheter. Mais il n y a
qu’une minorité de gens conscients de la nécessité de ce boycott, les
habitudes de consommation sont prises depuis trop longtemps. A notre sortie de prison
nous avons pu mesurer les progrès de la colonisation. C’est effrayant,
presque toutes les collines entre Ramallah et Naplouse sont occupées. Nous
sommes très pessimistes sur l’avenir de la Palestine. Nous attendons et
espérons la 3eme intifada. |