Les
termes de l’accord
entre Israël et les prisonniers palestiniens
Pour Israël :
- Fin de
l'isolement carcéral
- Levée des sanctions
(interdiction d'études universitaires, arrêt de la fourniture de livres,
etc.)
- Autorisation
des visites pour les prisonniers originaires de Gaza
Pour les prisonniers palestiniens :
- Ne pas
recourir à des actes "terroristes" à l'intérieur des prisons,
notamment le recrutement, le soutien pratique, le financement et la
coordination des opérations
- Ne plus
mener de grève de la faim
édition du 17 mai 2012
A qui profite l'accord
conclu
entre les prisonniers palestiniens et Israël ?
Par
Audrey Garric et Aymeric Janier
C'est une concession
de taille pour Israël, la seconde en près de deux mois. Après la libération
de Khader Adnan, parvenu
à faire plier l'Etat juif au prix de 66 jours de
jeûne, un accord a été conclu lundi 14 mai entre l'administration
pénitentiaire israélienne et les représentants des quelque 1 600 prisonniers
palestiniens en grève de la faim depuis le 17 avril. Une transaction "considérable" mais à double
tranchant, selon la presse.
Les détenus, qui avaient cessé de s'alimenter dans l'espoir de
meilleures conditions de détention, ont obtenu gain de cause et mis fin à leur
mouvement. Négocié sous les auspices de l'Egypte et
de la Jordanie, l'accord répond à trois de leurs revendications, détaille le Guardian : la fin de l'isolement carcéral, la levée des sanctions
(interdiction d'études universitaires, arrêt de la fourniture de livres,
etc.) et l'autorisation des visites pour les prisonniers originaires de Gaza
- elles avaient été suspendues après la capture par trois groupes armés
palestiniens du soldat israélien Gilad Shalit en 2006.
Quant à la question de la détention administrative, un régime
d'exception qui permet de maintenir un suspect en prison sans jugement
pendant une période de six mois renouvelable indéfiniment, qui était au
centre des doléances des détenus, elle n'a pas été officiellement abrogée
puisque les 320 prisonniers concernés continueront à purger leur peine. Mais,
note The Independent, leur incarcération
ne sera pas prolongée, sauf en cas de nouveaux éléments à charge contre eux
présentés devant un juge militaire.
En contrepartie, les représentants des prisonniers
palestiniens se sont engagés à ne pas recourir à des actes "terroristes" à l'intérieur des prisons, notamment
le recrutement, le soutien pratique, le financement et la coordination des
opérations, ainsi qu'à ne plus mener de grève de la faim, explique The Washington Post.
RISQUE D'UNE FLAMBÉE DE VIOLENCE
L'accord intervient une semaine après le remaniement du
gouvernement de coalition israélien vers le centre, avec l'entrée du parti Kadima, qui avait laissé penser que le premier ministre
israélien, Benyamin Nétanyahou, serait plus ouvert à des pourparlers de paix
avec les Palestiniens.
Mais surtout, si Israël, d'ordinaire peu enclin à la
compromission ou à la résipiscence, a finalement cédé, c'est en raison de la
pression de l'Autorité palestinienne et de la communauté internationale,
préoccupées par le risque d'une flambée de violence si l'un des prisonniers
venait à mourir, explique le Wall Street Journal.
Deux d'entre eux, Bilal Diab et Thaer Halahla, qui avaient
cessé de s'alimenter depuis 77 jours, suscitaient particulièrement
l'inquiétude. Selon l'association israélienne Médecins pour les droits de
l'homme, les deux hommes étaient au dernier stade de leur survie, le Comité
international de la Croix-Rouge (CICR) évoquant de son côté un "danger
de mort imminent". Tony Blair, ancien premier ministre
britannique et envoyé du Quartet au Moyen-Orient, avait quant à lui prévenu
de "sérieuses implications pour la stabilité et la
sécurité sur le terrain", après que le mouvement islamiste
Hamas et le Djihad islamique avaient promis à Israël des représailles en cas
de décès d'un d'entre eux.
Par ce geste, Israël a
cherché à prévenir tout regain de tension à un moment délicat, précise The Daily Telegraph. Mardi, en effet,
avaient lieu, comme chaque année, les commémorations de la
Nakba (la "catastrophe", en arabe) - l'exode de 700 000
Palestiniens lié à la création de l'Etat d'Israël,
en 1948. En 2011, une douzaine de réfugiés palestiniens avaient été abattus
alors qu'ils tentaient de prendre d'assaut les frontières d'Israël. Cette
année, si le bilan est bien moins sanglant, l'accord avec Israël n'a pas
empêché des heurts lors des manifestations : une vingtaine de Palestiniens et
sept militaires israéliens ont été blessés au niveau de plusieurs barrages
israéliens près de Ramallah, en Cisjordanie, et à Jérusalem-Est.
ENCOURAGER LE JEÛNE
COMME "MÉTHODE DE RÉSISTANCE"
A qui profite cet engagement mutuel ? Chacun y trouve son
compte, estime Haaretz
Pour le quotidien
israélien, la réussite du côté israélien réside moins dans l'engagement des
détenus de cesser toute activité terroriste, auquel il ne croit guère, mais
dans la "neutralisation de la bombe à retardement que constituait 1
500 détenus en grève de la faim, devenus des symboles de la lutte du peuple
palestinien, le jour de la Nakba". Du côté palestinien, ce sont
l'Autorité palestinienne et le Djihad islamique (auquel appartiennent une
majorité de détenus) qui vont gagner en popularité auprès de l'opinion
publique, ajoute le journal, précisant que les "grands gagnants" restent
bien entendu les prisonniers.
L'Egypte, enfin, voit sa position de
médiateur renforcée. "Il s'agit d'une nouvelle Egypte qui joue un rôle constructif, tout comme elle l'a
fait avec la libération de Gilad Shalit," estime Yossi
Alpher, ancien responsable de la sécurité
israélienne et rédacteur en chef de ,
un forum israélo-palestinien, cité par le Wall Street Journal.
Le Jerusalem Post, lui, se montre circonspect
vis-à-vis de la décision israélienne, pointant le risque d'encourager le
jeûne comme "méthode de résistance",
alors que le modèle de Khader Adnan s'est
rapidement répandu au sein des membres du Djihad islamique et des détenus
palestiniens en général, entraînant la population civile avec eux.
Scepticisme partagé par Gulf News, pour qui
cette "concession tactique" ne doit pas éclipser le fait que "l'occupation
des terres palestiniennes se poursuit". "Cette
tactique de concessions mutuelles ne doit pas être confondue avec un
mouvement de fond sur l'importante question de l'élaboration d'un processus
de paix. Le gouvernement de Benyamin
Nétanyahou a toujours refusé d'entretenir des relations avec les
Palestiniens, et il n'y a aucune raison d'être aujourd'hui optimiste à ce
sujet", assure le journal.
Audrey Garric et Aymeric Janier
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