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LogoLeMonde      du 8 octobre 2012

A Jérusalem, les incursions de juifs religieux sur l'esplanade des Mosquées se multiplient

Par Laurent Zecchini

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/10/08/nouvelle-incursion-de-juifs-religieux-sur-l-esplanade-des-mosquees_1771922_3218.html

 

 Ils ont recommencé, dimanche 7 octobre : un petit groupe de juifs religieux, se mêlant aux touristes qui visitent l'esplanade des Mosquées, ont pénétré sur le Haram Al-Charif (le mont du Temple pour les juifs) et se sont couchés sur le sol pour y prier. La police est intervenue, arrêtant trois d'entre eux. Vendredi, à l'issue de la prière hebdomadaire à la mosquée Al-Aqsa, les policiers israéliens avaient utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants musulmans qui lançaient des pierres contre des juifs et des chrétiens aux cris de « Allah Akbar ».

Le 2 et le 4 octobre, d'autres incidents s'étaient produits sur l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam mais que des juifs radicaux veulent investir pour y reconstruire le "troisième temple". Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont Mosché Feiglin, chef de l'aile droite du Likoud, le parti du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Ce jour-là, le 2 octobre, 130 juifs extrémistes avaient pénétré sur l'esplanade, obligeant les forces de l'ordre à intervenir.

La multiplication de ces incidents est liée à Soukkot, la fête juive des cabanes (la commémoration de l'exode d'Egypte), qui a commencé le 30 septembre et s'est achevée lundi 8 octobre. Selon Azzam Al-Khatib, directeur du Waqf, l'Office des biens musulmans, "ces violences sont le résultat des appels de politiciens [israéliens] extrémistes". L'esplanade est un site à haut risque pour la coexistence entre juifs et musulmans à Jérusalem : c'est à la suite des affrontements sanglants qui s'y sont produits, en septembre 2000, qu'avait débuté la seconde Intifada.

La police israélienne interdit aux juifs d'y prier, mais pas de s'y rendre. La situation est loin d'être claire : en 2006, la Cour suprême avait statué que les prières juives devaient y être interdites en cas d'"indications concrètes" de troubles potentiels, mais le 3 octobre, le juge Malka Aviv, du tribunal de Jérusalem, a estimé que l'hostilité des musulmans n'est pas une raison suffisante pour justifier l'interdiction de la police. Les juifs, a-t-elle affirmé, doivent être autorisés à prier "d'une façon structurée" sur l'esplanade, dans une section qui leur serait désignée.

C'est là un jugement potentiellement lourd de conséquences, alors même que la plupart des grands rabbins d'Israël sont en faveur d'une interdiction de la prière sur le mont du Temple. Pour autant, le caractère équivoque de certaines de leurs positions est utilisé par une mouvance extrémiste et messianique qui regroupe des organisations comme les "Fidèles du mont du Temple", l'"Institut du Temple", situé dans la Vieille Ville de Jérusalem, le "Forum des femmes pour le Temple", les "Amis du Temple", le  "Mouvement pour l'établissement du Temple", etc.

 "IL EST ÉCRIT QUE LE 3E TEMPLE DESCENDRA DES CIEUX"  

Le rabbin du Kotel (le mur des Lamentations), Shmuel Rabinowitz, que nous avons rencontré il y a quelques jours, n'échappe pas à cette ambiguïté : il explique avoir lui-même placé une pancarte au bas de la passerelle des Maghrébins (Mughrabi bridge) qui relie l'esplanade du Kotel à celle des Mosquées, pour signifier qu'il est interdit aux juifs d'y monter. Cela pour des raisons d'impureté religieuse, et parce que le 3e Temple n'est pas encore reconstruit. Il le sera par Dieu, et non par les hommes, assure Shmuel Rabinowitz.

"Il est écrit que le 3e Temple descendra des Cieux. C'est pour cela que je leur dit [aux juifs extrémistes], Dieu n'a pas besoin de votre aide." Pour autant, Shmuel Rabinowitz "refuse la position des musulmans qui est d'interdire aux juifs d'y prier [sur le mont du Temple]. En quoi cela les dérangeraient-ils ? Au Kotel, nous permettons à tous les croyants de venir prier, parce que la maison de Dieu est celle de tous", assure-t-il.

C'est un discours que le muezzin d'Al-Aqsa, Naji Kazaz, comme la plupart des Arabes-israéliens de Jérusalem-Est, a du mal à entendre. Au cours d'une rencontre, la semaine dernière, dans sa maison de la Vieille Ville, il nous faisait part de ses certitudes : "La police tolère que des centaines de juifs montent sur le Haram, et de plus en plus de colons s'y rendent."

Naji Kazaz n'a aucun doute qu'"une partie des juifs veulent détruire Al-Aqsa" pour y reconstruire le Temple. Leur intention secrète, estime-t-il, est "de diviser la mosquée, comme la mosquée Ibrahimi à Hébron" (une synagogue occupe la plus grande partie du monument, site du tombeau des Patriarches).

De même, si les Israéliens veulent rénover la passerelle des Maghrébins, "c'est sans doute pour permettre à des véhicules israéliens de pénétrer sur le Haram". Al-Aqsa, assure Naji Kazaz, est perpétuellement en danger, et nous devons la défendre. Son meilleur protecteur, affrime-t-il, est Raëd Salah, chef de la branche radicale du Mouvement islamiste israélien (proche du Hamas), lequel est la bête noire des Israéliens...

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