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L'UE prise en faute sur ses liens avec les colonies israéliennes Les Européens importent beaucoup plus des
implantations que des territoires palestiniens Par Laurent Zecchini La position
de principe de l'Union européenne (UE), réaffirmée à de multiples reprises
ces dernières décennies, est de considérer que les colonies israéliennes
implantées au sein des territoires palestiniens occupés sont "
illégales au regard du droit international ; elles constituent un obstacle à
l'instauration de la paix ; elles risquent de rendre impossible une solution
fondée sur la coexistence de deux Etats ". Seulement, en pratique,
l'UE fait l'inverse des intentions affichées dans cette profession de foi. Selon un
rapport de 22 organisations non gouvernementales (ONG), rendu public mardi 30
octobre, la valeur annuelle des produits qu'elle importe des colonies est
quinze fois supérieure à celle des produits qu'elle achète dans les
territoires palestiniens : 230 millions d'euros d'un côté, contre 15 millions
d'euros de l'autre. Ces chiffres ont été fournis par le gouvernement
israélien à la Banque mondiale. Ce rapport est intitulé " La paix au
rabais : comment l'UE renforce les colonies israéliennes illégales ". Préfacé par
Hans van den Broek, ancien commissaire européen aux
relations extérieures, il a été rédigé par des ONG de nombreux pays (France,
Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Danemark, Suède, Norvège, Pays-Bas,
Irlande), ainsi que par la Fédération internationale des ligues des droits de
l'homme (FIDH). Le rapport souligne que près de 4 millions de Palestiniens
vivent en Cisjordanie et à Gaza (4,2 millions, selon l'Autorité
palestinienne), ainsi que 500 000 colons israéliens, ce qui signifie que
l'UE " importe au moins 100 fois plus par colon que par
Palestinien ". Cette
situation semble d'autant plus paradoxale, estiment les auteurs, que tout en
condamnant régulièrement les colonies israéliennes, " elle
soutient leur viabilité en achetant leurs produits " et
favorise de facto leur croissance. *" Etant donné que la plupart
des marchandises provenant des colonies portent une étiquette susceptible
d'induire en erreur, qui indique "Fabriqué en Israël", de nombreux
consommateurs européens soutiennent également à leur insu l'entreprise de
colonisation ", ajoutent-ils, tout en rappelant que l'UE est le plus
important bailleur de fonds des Palestiniens. Elle a versé environ 5
milliards d'euros de 1994 à 2011 à l'Autorité palestinienne, dont 459 millions
d'euros en 2011. Parmi les
produits des colonies vendus en Europe figurent notamment des denrées
agricoles, comme les dattes, les raisins, les agrumes, les herbes, les vins,
ainsi que des produits manufacturés, comme les cosmétiques de la marque Ahava, des composants des machines à gazéifier SodaStream, les meubles de jardin Keter.
Le rapport cite plusieurs entreprises européennes, notamment françaises
(Veolia, Alstom), et allemandes (Heidelberg Cement, Deutsche Bahn),
impliquées dans l'économie des colonies. Les ONG
recommandent aux gouvernements européens de prendre plusieurs mesures, en
particulier de veiller à l'étiquetage correct de tous les produits des
colonies (y compris les produits manufacturés), comme l'ont fait, dans une
certaine mesure, le Royaume-Uni et le Danemark ; d'envisager l'interdiction
des importations des produits des colonies, comme le demande l'Irlande ;
d'exclure les produits des colonies de l'accès préférentiel aux marchés
européens, d'exclure les colonies des accords bilatéraux et des instruments
de coopération avec Israël, etc. Le premier
ministre palestinien, Salam Fayyad, demande depuis
longtemps à la communauté internationale de suivre l'exemple de l'Afrique du
Sud et du Danemark, et de boycotter les produits des colonies. Cependant, à
l'exception de la Grande-Bretagne, où une grande chaîne de distribution (Co-operative Group) a annoncé son intention de boycotter
les exportateurs agricoles israéliens qui vendent également les produits des
colonies, la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) ne connaît
qu'un succès relatif en Europe. Le rapporteur
des Nations unies sur les droits de l'homme en Palestine, Richard Falk, a
récemment appelé au boycottage des entreprises impliquées dans les colonies,
s'attirant les critiques tant des Etats-Unis, du Canada que d'Israël. Alors
que Washington a qualifié sa démarche d'" irresponsable et
inacceptable ", Ottawa lui a demandé de " se rétracter
ou de démissionner ". Pour sa part,
le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou,
qui arrive mercredi à Paris, ne cesse de souligner qu'un boycottage des
produits des colonies entraînerait une perte d'emploi pour les 25 000
Palestiniens qui y travaillent, " ce qui aggraverait la crise
économique que traverse l'Autorité palestinienne ". |