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L’UNRWA, la communauté internationale et les réfugiés palestiniens

 

Par Fadwa Nassar

3 août 2015

 

L’UNRWA (agence de l’ONU fondée en 1949 pour aider les réfugiés palestiniens dans l’attente de leur retour en Palestine) a récemment annoncé qu’elle arrêterait une partie de ses programmes dans plusieurs pays (Jordanie, Liban, Syrie et Palestine (Cisjordanie, Quds y compris et bande de Gaza)) si les pays donateurs ne s’empressaient pas de combler le déficit de l’agence. Elle a de même fait circuler les bruits, confirmés ou démentis par les uns et les autres, qu’elle reporterait de 4 mois la scolarisation de plusieurs milliers d’enfants et jeunes palestiniens, si elle ne recevait pas immédiatement 101 millions de dollars, provoquant ainsi une panique, non seulement au sein des réfugiés et des élèves de l’UNRWA, mais chez les responsables politiques, en Jordanie et en Palestine, et dans une moindre mesure au Liban, étant donné que ces derniers sont actuellement aux prises avec les déchets de la capitale.

 

La crise financière de l’UNRWA ne date pas d’aujourd’hui. Elle est principalement due à l’augmentation des charges que devrait assumer cette agence internationale, suite aux guerres menées par les sionistes depuis la fondation de l’entité coloniale : aux réfugiés expulsés de leur pays en 1948, se sont ajoutés les réfugiés expulsés en 1967 (même si l’UNRWA ne les prend pas directement en charge), de multiples camps de réfugiés ont été détruits (au Liban) et les réfugiés ont été déplacés, les multiples guerres terroristes menées contre la bande de Gaza, où vivent des centaines de milliers de réfugiés expulsés 1948 de leurs villages et villes, l’invasion de la Cisjordanie en 2002 et la destruction des infrastructures des camps. Cependant, les charges ont également augmenté suite aux guerres inter-arabes (les camps situés en Syrie que des milliers de réfugiés ont fuis et au Liban, la bataille de Nahr el-Bared en 2008, pour ne citer que les derniers développements).

 

Mais c’est sans prendre en compte la campagne systématique menée depuis les accords d’Oslo par le lobby sioniste aux Etats-Unis et au Canada (principaux donateurs de l’UNRWA) et par l’entité coloniale pour assécher le financement de l’UNRWA, jugée inutile, puisqu’il « n’y a pratiquement plus de réfugiés palestiniens ». La campagne contre le financement de l’UNRWA a repris de plus belle après la guerre terroriste menée contre la bande de Gaza en 2014, car pour ces sionistes haineux, « l’UNRWA est le Hamas », ou bien « la voix du Hamas au sein des Nations-Unies ». Les arguments avancés par ces voix négationnistes se résument à trois : - les réfugiés sont uniquement ceux qui ont été expulsés en 1948, et non leurs descendants, ce qui signifie qu’il n’existe pratiquement plus de réfugiés palestiniens. – Après la formation de l’Autorité palestinienne, les réfugiés ou ce qu’il en reste doivent être pris en charge par cette Autorité, que la communauté internationale devrait aider. C’est ce qu’a annoncé le Canada en 2009, voulant transférer sa part de financement à l’AP, et ceux qui ont acquis la nationalité des pays d’accueil (Jordanie) devraient dépendre de ce pays que la communauté internationale devrait aider. – c’est le maintien de l’UNRWA qui est la cause de la poursuite du conflit dans la région. Sans UNRWA, plus de problème de réfugiés à « caser ».

 

Il reste cependant une différence, minime, entre le lobby sioniste qui réclame la suppression de l’UNRWA et les autres donateurs, les Etats-Unis et l’Union européenne. Pour ces derniers, l’UNRWA doit être réformée avant d’être financée. Si les Etats-Unis approuvent une partie des arguments du lobby sioniste, ils préfèrent engager des « réformes profondes»,  comme le suggère un ancien responsable de l’UNRWA, James Lindsay dans « Reforming UNRWA » en 2012, consistant à s’aligner sur les positions politiques des Etats-Unis concernant le conflit arabo-sioniste et à redéfinir le statut de « réfugié » qui est, à son avis, extrêmement élastique. Pour lui, cesser de financer l’UNRWA risquerait d’ouvrir les portes à des financements « douteux », dont iraniens !!

 

Les réformes préconisées par l’Union européenne touchent au fonctionnement de cette agence et aux programmes scolaires dispensés dans ses écoles, en l’occurrence dans la bande de Gaza, puisque dans les autres pays, ces programmes sont alignés sur ceux des pays hôtes, c’est-à-dire qu’ils sont aussi « neutres » que possible concernant l’histoire de la Palestine et de la région, et de la lutte de libération nationale.

 

Au-delà de la question du financement de l’UNRWA, se pose l’alignement de cette agence sur la volonté de la « communauté internationale » et de l’entité coloniale sioniste, comme l’a si bien démontré le programme de reconstruction de la bande de Gaza, après la guerre terroriste de 2014, préparé par le coordinateur spécial de l’ONU pour « la paix au Moyen-Orient », Robert Serry. Cette reconstruction est bloquée par l’entité coloniale et la « communauté internationale » tant que les organisations palestiniennes de la résistance ne se soumettent pas, c’est-à-dire livrent leurs armes, cessent la construction de tunnels, acceptent l’entrée des forces sécuritaires de Mahmoud Abbas avec pour mission la « régularisation » de la situation de la bande de Gaza. 5 milliards de dollars devaient parvenir à la reconstruction, dont une partie non négligeable à l’UNRWA, promis à la conférence du Caire, conférence qui a enterré la victoire de la résistance sous les décombres et relevé l’entité sioniste en lui accordant le droit de contrôle sur la reconstruction et le renforcement du blocus. La résistance palestinienne a refusé d’entériner le plan Serry, qui équivaudrait à légaliser le droit de contrôle de l’entité sioniste.

 

Le problème de financement de l’UNRWA fait donc partie d’un ensemble de pressions, pressions sionistes quant à la présence même de cette agence, et pressions sur son fonctionnement jugé trop laxiste envers la résistance à Gaza, pressions sur sa manière de décompter les réfugiés, alors que l’UNRWA a fait d’énormes concessions à cet égard, puisqu’elle a rayé de ses listes plusieurs milliers de réfugiés palestiniens, il y a quelques années, et qu’elle a adopté des programmes réprimant toute expression « politique » de ses fonctionnaires,  qu’elle a introduit des cursus « droits de l’homme » et «résolution pacifique des conflits » dans ses programmes scolaires, qu’elle a modifié l’appelation de la Palestine en « Israël » dans sa cartographie, et qu’elle est devenue, comme l’accusent les réfugiés, un centre de formation d’une main d’œuvre au service des multinationales installées dans le Golfe et d’autres pays. L’UNRWA est également passée aux valeurs du néolibéralisme, tant dans ses programmes et son fonctionnement que dans sa vision générale.

 

Concernant la crise financière actuelle de cette agence onusienne, les réfugiés palestiniens refusent d’en faire les frais. Ils ne se sentent en aucune façon responsables de la plus grande crise financière jamais atteinte jusque là, au contraire, ils en sont les premières victimes. Bien que les programmes des organisations palestiniennes ne soient pas semblables quant à la position envers l’UNRWA, elles ont cependant affirmé toutes ensemble leur refus de payer le prix de la politique financière de cette agence. Depuis plus d’un mois, les manifestations et rassemblements couvrent la Jordanie, la Cisjordanie, Gaza et le Liban, où les réfugiés palestiniens affirment leur refus des plans de « restructuration », qui sont des plans d’alignement sur le diktat américano-sioniste d’abord. Beaucoup y voient des plans étudiés visant à les transférer vers des pays européens ou au Canada, ou vers des pays tiers avec le soutien financier des donateurs et la suppression de leurs droits en tant que réfugiés. Pour les réfugiés et leurs représentants, le maintien de l’UNRWA est symbolique, d’abord, car sa fondation a répondu à la présence de réfugiés palestiniens expulsés en 1948, l’UNRWA est donc le témoin vivant de la Nakba. Son maintien est ensuite nécessaire jusqu’au retour des réfugiés palestiniens dans leur terre et à leurs terres, non pas tant à cause de ses services accomplis, qui ne sont pas négligeables dans l’ensemble, mais surtout à cause du maintien de l’espoir du retour en Palestine, auquel contribue l’UNRWA tant que les réfugiés n’ont pas été dispersés aux quatre coins du monde, avec la perte de leur statut de réfugiés palestiniens.

 

C’est là l’enjeu de la crise financière de l’UNRWA, et c’est à cela que répondent les réfugiés. Ils ne tiennent pas tant à être « assistés » comme les accusent de nombreuses voix arabes, qui oublient à l’occasion que les réfugiés sont au cœur de la résistance armée, mais c’est leur droit au retour au pays, intact, qu’ils continuent à revendiquer.

 

 

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