Mardi
27 février à Hellemmes
Témoignages
de Mourad et Cherine
de« Youth against settlements » à Hébron
pour «L’ouverture de la rue Shuhada»
dans le cadre de la campagne « 2018 Justice pour la Palestine »
AFPS Nord-Pas de Calais
Lille 1 mars 2018
Ce mois de février, des activistes de « Youth Against
Settlements » se déplacent par petits groupes de Hébron en Europe
(Allemagne, Italie, Pays-Bas, Bruxelles, Suède, France, Suisse, Danemark,
Royaume-Uni) pour la campagne « Open Shuhada Street »
(« Ouvrez la Rue des Martyrs »).
En France, ce sont Mourad et Chirine qui nous ont rendu visite à Hellemmes
ce 27 février dans le cadre de notre campagne « 2018 Justice pour la
Palestine ». Nous connaissions déjà Mourad, jeune agronome
réfléchi et accueillant, venu au même endroit le 1er mars de
l’année dernière. Chirine, étudiante en langues et professeur d’arabe pour
les étrangers, nous a charmés par sa simplicité souriante et son aisance à
manier le français et l’anglais.
Cet échange avait été précédé par une distribution de tracts à
Wazemmes.
La séance a débuté par une interview de nos deux Palestiniens
hébronites par un journaliste de Liberté-Hebdo. Mourad a fait remonter son
engagement à la deuxième intifada, quand il a assisté à la mort d’un des ses
cousins, le crane éclaté par un tir des forces d’occupation israéliennes… Il
en est devenu absolument anti-violence et c’est son cousin Issa Amro qui l’a
formé au combat « non-violent ». Chirine, qui habite la zone H1
d’Hébron alors que Mourad est dans la zone H2, s’étonne de son ignorance,
pendant toute sa jeunesse, de ce qui se passait à Hébron (colonies, luttes,
difficultés…). C’est en étant étudiante qu’elle s’est déplacée dans la ville
et a pris conscience de la dure réalité. Elle invoque son père, commerçant de
la rue Shuhada, qui, interdit de se rendre dans son magasin depuis plus de 20
ans, reste muré dans sa tristesse et son mutisme.
C’est devant une assistance d’une quarantaine de personnes (dont un
nombre appréciable de jeunes et d’amis palestiniens de Lille) que Mireille a
introduit la soirée sans oublier d’insister sur la campagne BDS jusqu’à
l’application des droits du peuple palestinien.
Cartes à l’appui, Mourad nous a présenté sa ville, plusieurs fois
millénaire, peuplée de plus de 200.000 habitants, la ville la plus importante
de Cisjordanie en termes démographique et économique. Elle se distingue des
autres villes par rapport à la stratégie des colons qui ne se sont pas
seulement installés aux alentours, mais dans la ville même pour mieux se
l’approprier de l’intérieur en faisant de son cœur une zone fantôme. Suite au
massacre de 29 fidèles par un États-Unien dans la Mosquée el-Abrahimi en
1994, Israel a bouclé le quartier dont la rue Shuhada en expulsant 1.500
habitants et fermant 1.800 magasins ; de plus, ils ont divisé la Mosquée
pour permettre aux colons d'y faire leur synagogue. En 1997, le
« Protocole d’Hébron » a partagé la ville en secteur H1 à l’ouest
(175.000 Palestiniens, 80% de la ville) et secteur H2 à l’est comprenant la
vieille ville et lieux saints (40.000 Palestiniens et 850 colons dans 7
enclaves protégés par près de 2.000 soldats) et les colonies extérieures
(8.000 colons résident dans la colonie de Kiryat Arba).
Un documentaire, « Checkpoint 56 », nous a fait comprendre
les problèmes quotidiens (relevant de la persécution systématique) des
Palestiniens résidant dans la zone H2. Car cette zone a été complètement
isolée du reste de la ville par des murs, des grillages, des barrages et pour
entrer ou sortir il faut passer par des checkpoints.
Nous voyons un vieux monsieur obligé de passer par un tourniquet qui
le sépare de sa maison et de présenter sa carte à des soldats derrière une
vitre. Ceux-ci prétendent qu’il n’est pas inscrit dans le registre et lui
interdisent de rentrer chez lui… Mourad explique que les Israéliens
n’enregistrent pas les Palestiniens habitant H2 sous leur identité mais par
un numéro … Un tel est « 257 » un autre « 952 »… Un
Palestinien n’y habitant pas (n’étant pas enregistré) n’a pas le droit d’y
entrer : donc aucune visite de la famille ni des amis et pas
d’ambulance. Mourad nous raconte comment un homme est mort pour n’avoir pas
eu le droit de passer par le portillon d’un checkpoint et de se rendre à
l’hôpital, extérieur à H2.
Le film nous fait entendre le père de Hadil al-Hashlamon, une étudiante
de 18 ans tuée au checkpoint à coté de la rue Shuhada en septembre
2015 : les soldats lui ont tiré dessus et ont posé un couteau à côté de
son corps… Israel en a « profité » en bouclant une nouvelle zone de
H2, justement où se trouve le siège de l’association « Youth against
Settlements » ; les militants n’avaient plus le droit de s’y rendre
et s’étaient installés sur un terrain à l’extérieur…
Mourad et Chirine nous ont ensuite présenté les différentes activités
de leur association, les manifestations pacifiques contre l’occupation, les
revendications diverses pour leurs droits, les activités dirigées vers les
enfants (dont un gâteau partagé pour l’anniversaire de Ahd Tamimi en prison),
un jardin d’enfants…
Quelques questions furent posées. En ce qui concerne les
colons : ce sont en grande majorité des États-Uniens et des Français,
ils vivent dans les étages sans commerces, complètement coupés de la
population autochtone. Hébron ayant été inscrit au patrimoine mondial par
l’Unesco, ils ne peuvent pas détruire pour reconstruire donc ils construisent
des étages supplémentaires sur des vieux bâtiments. Actuellement ils
projettent de construire une 8ème enclave pour leurs comparses… On évoque la
campagne d’Amnesty International en faveur du cousin de Mourad : Issa
Amro contre lequel pas moins de 18 chefs d'accusation ont été retenus par le
tribunal militaire d'Ofer… Mourad et Chirine indiquent qu’ils n’ont pas
d’affiliation politique et qu’ils sont en relation constante avec les
diverses composantes du mouvement de Résistance en Palestine.
A cette occasion, l’AFPS 59/62
a tenu une table d’information avec signature de pétitions et documentation,
qui a permis de recueillir 2 nouvelles adhésions. Et le stand de produits
palestiniens (dont des céramiques de Hébron) a aussi eu du succès.
Une belle photo collective
est venue clore cette conférence
La soirée s’est terminé
par un repas militant et convivial sous forme d’auberge espagnole, laissant
ainsi les participants prolonger les échanges avec Chirine et Mourad et
discuter de leurs parcours personnels. Plusieurs des jeunes présents ont transmis leurs adresses Facebook à Chirine pour rester en
contact. Et enfin, nos amis palestiniens de Hébron et de Lille ont entonné en
chœur « Mawtini » l’hymne national palestinien.
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