LUNDI
15 MAI 2023, 75 ans de Nakba
Par
Marie-Elise de l’AFPS 59/62
Il était une fois, 3.000 ans avant JC, une contrée
appelée «Canaan » dans la région du « Croissant fertile » à
la croisée des routes entre l’Anatolie, la Mésopotamie, l’Afrique et le
désert au sud. Une contrée déjà habitée depuis 9.500 ans ! Une contrée
à la géographie et au climat si variés qu’elle a produit une flore et une
faune exceptionnelles. Ceux qui y vivaient et se nourrissaient de ses
prodigalités ont acquis la conscience d’appartenir à cette terre. Il y
coulait « le lait et le miel » et le « Cantique des
Cantiques » résonnait dans ses collines. Par un lien sacré avec sa
terre, ce peuple a forgé des traditions et bâti des sanctuaires qu’il a
entretenus pendant des millénaires et la terre de Palestine est devenue la
« Terre sainte » d’un peuple duquel se sont levés « les
prophètes ».
Vu l’intérêt de la zone, le pays a connu des invasions
successives: Égyptiens, Grecs, Phéniciens, Assyriens, Babyloniens, Perses,
Romains… mais la Palestine sut rester fidèle à elle-même et son peuple a préservé
et entretenu ses traditions et sa culture à travers les siècles et les
siècles…
Vers la fin du 19ème siècle, des
individus venus des 4 coins du monde, jetèrent leur dévolu sur ce
territoire béni qu’ils convoitaient pour se l’approprier. Leur projet
devint « l’entreprise sioniste » dotée de moyens performants de
domination : la force militaire dont des milices, la force financière,
la force politique et diplomatique, l’aide des puissants du monde…
Le train de l’usurpation de la Palestine était lancé
sur ses rails alors que le pays se modernisait. Les Palestiniens prirent
conscience de la menace de ceux qui s’étaient faits leur ennemi et s’organisèrent
pour une « lutte nationale ». En 1936 leur résistance au
processus d’envahissement sioniste se généralisa et s’amplifia.
Les sionistes profitèrent du soutien anglais pour
s’imposer et prétendre à un soi-disant droit sur le territoire pour établir
un « état » nommé « Israel » qu’ils décidaient destiné
aux seuls Juifs du monde entier !
Leur slogan « une Terre sans peuple pour un
peuple sans terre » n’était pas une réalité mais leur plan
d’action : se débarrasser de la population autochtone légitime et
récupérer un maximum de terrain. Mensonges pour faire croire qu’avant « eux »
il n’y avait « rien »…
1948 : étape d’une légitimation
internationale du projet d’usurpation doublée d’une guerre généralisée
contre le pays et son peuple. A l’attaque ! Les
tueurs/violeurs/voleurs passent à l’œuvre.
Sous la violence des événements (terreur, fausses
nouvelles, menaces, intox, troubles, combats, dizaines de massacres…), le
peuple est mené à chercher à se protéger et les usurpateurs parviennent, dans
le territoire qu’ils envahissent, à chasser 85% des habitants non-juifs de leurs
domiciles. Nettoyage ethnique : l'occupation israélienne prend le
contrôle de 774 villages et villes palestiniens, dont 531 sont complètement
détruits, les villes sont pillées, les riches bibliothèques confisquées,
les vieilles demeures squattées…
Les tout nouveaux « Israéliens »
déclarent alors leur « état » et se font reconnaitre à l’ONU moyennant
la promesse d’appliquer la résolution 194 qui exige du nouvel état le
retour des réfugiés : car sur une population totale de 2 millions de Palestiniens,
957.000 sont déplacés de leurs villages et villes d'origine, privés de leur
maison, de leur terre, de leurs vergers, de leurs champs, de leur entourage,
de leur air… et transformés en « réfugiés ». Des réfugiés
apatrides, parqués dans des camps de l’UNRWA à la charge de la charité
internationale car Israel refuse catégoriquement la résolution 194,
pourtant la condition de sa reconnaissance et son admission parmi les
nations…
Mensonge des nations : aucune volonté internationale
de faire appliquer cette résolution 194 du « droit au retour » (ni
aucune autre en faveur des Palestiniens d’ailleurs), au contraire, les
sionistes profitent du soutien et de la protection des puissants juste
capables d’exprimer des « inquiétudes » ou leurs
« regrets ».
75 ans après, le déni israélien est le même et ce
sont 6,4 millions de réfugiés qui sont contraints à vivre loin de chez eux
et à ne pas être enterrés dans la terre à laquelle ils appartiennent. Ils
attendent toujours de rentrer en possession de leurs biens. Notons que les ¾
des 2 millions d’habitants de la bande de Gaza appartiennent à cette
catégorie de Palestiniens. Notons aussi que ce sont souvent les
Palestiniens des camps en Cisjordanie et à Gaza qui constituent le fer de
lance du Mouvement National.
En fait, la Nakba, fixée au 15 mai 1948, n’est pas
un fait isolé car la dynamique du projet sioniste ne s’est pas arrêtée.
Toute une série de mesures et d’actes ont contribué à poursuivre la récupération
de la terre et l’élimination de la population autochtone légitime. En 1967,
une nouvelle étape d’invasion et d’occupation cause une seconde vague de
transformations de 200.000 citoyens en réfugiés.
Le train de la Nakba a continué sur ses rails et
la dépossession de la Palestine se poursuit année après année. Pourquoi se
seraient-ils contentés de leur forfait initial ? Qui les dénonce, les accuse,
les sanctionne? Au contraire, ils sont protégés et la persécution du peuple
palestinien est toujours d’actualité en Israel et ailleurs.
Par qui ? L’armée, la police, les services
secrets, l’appareil législatif, l’appareil judiciaire, la hasbara, les
colons, la population israélienne, les lobbys… Où ? Partout où se
trouvent des Palestiniens: en Cisjordanie dans les campagnes, les villages,
les villes, les camps, à Jérusalem, à Gaza, en Israel contre les
Palestiniens de l’Intérieur, dans la diaspora…Comment ? Des
expropriations, des vols, des destructions, des incursions armées, des
meurtres, des emprisonnements (d’enfants, de femmes), la détention des
corps des martyrs, la torture, les harcèlements, les discriminations, le
comportement raciste, l’appropriation des sanctuaires, la séparation des
familles, l’exploitation des travailleurs, des blocus, des massacres, des
pogroms, des censures… un contrôle de l’eau, des routes, de l’enseignement…
l’usurpation des lieux, des sanctuaires, de l’histoire, des souvenirs, de la
culture et même la cuisine…
Des chiffres selon les dernières statistiques
officielles: Plus de 100.000 martyrs depuis la Nakba, plus d'un million
d'arrestations depuis 1967, 4.900 prisonniers actuellement, 483 sites
coloniaux et bases militaires en Cisjordanie, l'occupation exploite
directement 76% de la zone C de la Cisjordanie. Pour l’année 2022 seule en
Cisjordanie : approbation de 70 plans coloniaux pour 10.000 nouveaux bâtiments,
plus de 8.700 attaques des militaires et des colons contre la population, 378
démolitions qui ont touché 953 installations …
Mais le peuple palestinien sait d’où il vient et
ne lâche pas prise, confiant dans ce qu’il est et ce qui lui appartient,
ses valeurs et ses droits ! Coriace, patient, confiant, intransigeant
malgré la persécution et la torture qu’on lui inflige. Et le peuple
palestinien poursuit sa lutte pour recouvrir ses droits inaliénables malgré
les soubresauts du Mouvement National Palestinien et les vicissitudes de l’OLP.
Je tiens à dédier mon intervention de ce soir à
mes beaux-parents et mes anciens élèves. Mes beaux parents du village de
Alma en Galilée, réfugiés palestiniens de 1948, maintenant enterrés,
apatrides, à Rachidyeh, camp du Liban. Mes anciens élèves de l’école
francophone de l’UNRWA à Saida au Liban, réfugiés et enfants de réfugiés palestiniens.
Et je voudrais demander 1 minute de silence pour
tous ces gens dépossédés, humiliés, jetés sur les routes pour survivre en
territoire étranger avec l’aide internationale et finir dans des cimetières
éparpillés dans le vaste monde. Je ne pense pas seulement à ceux qui sont
honorés du titre de « martyrs » mais à tous les réfugiés
palestiniens et en particulier aux parents de ceux qui se trouvent dans
cette salle ce soir, ainsi qu’aux derniers martyrs des bombardements sur
Gaza la semaine dernière…
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