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Ha'aretz, 5 août 2005
La
surprise Mahmoud Abbas
par Akiva Eldar
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Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Les Israéliens ne s'attendaient pas à ce que vous affrontiez
militairement
le Hamas dit Condoleezza Rice lors d'une brève rencontre
avec Mahmoud
Abbas, il y a quinze jours. Vous non plus répondit
Abbas, et Rice sourit
: vous avez raison. Nous aussi avons été surpris Les
conseillers de
Mahmoud Abbas se lancèrent des regards satisfaits. L'attaque contre
les
membres d'une unité de roquettes Qassam du Hamas, qui s'en
retournaient d'un
tir de roquettes sur Israël depuis le nord de la bande de Gaza,
avait
atteint son but.
Huit jours auparavant, Nasser Youssouf, ministre de l'Intérieur
palestinien,
recevait l'ordre de mobiliser ses services contre quiconque
violerait le
cessez-le-feu. Le bilan de l'opération (échanges de tirs avec les
brigades
du Hamas, tirs de roquettes contre des véhicules blindés de
l'Autorité
palestinienne, 3 jeunes gens tués, 45 blessés dont 15 des services
de
sécurité palestiniens) n'est pas particulièrement glorieux. Mais
du point de
vue de Mahmoud Abbas, l'objectif de l'opération était de montrer
aux
Américains qu'ils ont affaire à un dirigeant sérieux, courageux
et
déterminé.
L'attitude de Washington à l'égard de Ramallah ces dernières
semaines
indique que les Américains ont compris le message. Peu de temps après
que
Nasser Youssouf eut quitté le bureau du ministre de la Défense à
Tel-Aviv,
les envoyés américains recevaient un briefing par téléphone de
la part des
collaborateurs de Youssouf : le ministre israélien Mofaz s'opposait
à une
demande d'autoriser l'entrée de munitions dans la bande de Gaza. C'était
la
première fois depuis la brève lune de miel entre Yasser Arafat et
Bill
Clinton que des hommes de l'Autorité palestinienne pouvaient
joindre
directement des représentants américains de haut niveau sur leurs
téléphones
portables.
Mahmoud Abbas sait fort bien que la valeur du désengagement aux
yeux des
Etats-Unis croît proportionnellement avec la profondeur de
l'engagement
américain en Irak. La fin de l'occupation israélienne à Gaza est
devenue
quasiment le seul espoir de George Bush (avec le désarmement du
Hezbollah)
d'enregistrer un succès au Moyen-Orient. Le dirigeant palestinien a
repéré
là une occasion unique de faire du président américain un obligé
et de
décrire Sharon comme quelqu'un qui ne tient pas compte des intérêts
américains dans la région. A la Maison-Blanche, on se rend
parfaitement
compte que le succès ne se mesurera pas à l'aune d'un triomphe de
l'armée et
de la police israélienne sur le Conseil "Yesha", leader
autoproclamé des
colons des territoires, mais bien au calme qui prévaudra dans la
bande de
Gaza une fois apaisée la tempête déclenchée par l'extrême
droite
israélienne.
Ce calme dépend d'une victoire du camp palestinien pragmatique sur
les
fanatiques musulmans. Cette victoire n'aura pas lieu si le Hamas,
qui
s'accorde déjà le crédit pour avoir poussé Israël hors de Gaza,
pousse
également dehors l'Autorité palestinienne. Lors de sa dernière
rencontre
avec Ariel Sharon, Abbas s'est convaincu qu'au mieux, pour Sharon,
la prise
du contrôle de la bande de Gaza par le Hamas n'aurait aucune
importance.
Mais, pour Sharon, que Bush soit satisfait, c'est important, et pour
Bush,
il est important que le New York Times ne raconte pas que son ami
Ariel a
contribué à la victoire du Hamas, organisation qui figure sur la
liste
américaine des organisations terroristes.
A Washington aussi, on commence à émettre des doutes sur la volonté
de
Sharon d'aider Mahmoud Abbas à combattre l'ennemi commun. Pourtant,
Abbas
répète qu'il n'hésitera pas à utiliser la force contre tout élément
qui
tenterait de saboter le plan de désengagement, c'est-à-dire les
intérêts
américains. Mais, pour vaincre le Hamas, il ne suffit pas que les
Américains
forcent Sharon à laisser entrer dans la bande de Gaza quelques
camions de
munitions ou la Force Bader, une unité de l'armée
jordanienne. Avant d'en
faire usage, si tant est qu'il le fasse, contre les "frères"
qui ont délogé
les Israéliens du territoire palestinien, l'Autorité palestinienne
doit
d'abord récolter les fruits du désengagement. Ces fruits sont : le
rétablissement de l'ordre, des services efficaces et, par-dessus
tout, des
emplois. Et même alors, Abbas aura besoin de pressions américaines
sur
Sharon pour que celui-ci s'engage à assurer à la bande de Gaza une
liaison
ouverte avec la Cisjordanie et une ouverture au monde. Cette mission
a été
confiée à l'émissaire américain James Wolfensohn.
/S
Vendredi, quelques heures après l'attaque contre le Hamas, les
masses
sorties des mosquées n'ont pas manifesté devant les bureaux de
l'Autorité
palestinienne, ce qui a conforté Mahmoud Abbas. A Ramallah, on
attribue cela
à la prise de conscience par l'opinion palestinienne que les tirs
de Qassams
ne servent à rien, maintenant qu'il est clair qu'Israël quitte
vraiment
Gaza. D'ailleurs la démonstration de force de Mahmoud Abbas, qui a
prouvé
qu'il pouvait mettre ses menaces à exécution, n'a fait que
renforcer sa
réputation.
Abbas a repoussé la date des élections législatives, ainsi que
celle des
élections internes au Fatah, dans l'espoir que le fait de gouverner
à Gaza
combiné à l'aide américaine l'aiderait à asseoir son statut.
Mais ce report
a un prix. Il a injecté une bonne dose de confusion dans le système
politique. Abbas en sort avec une image de dirigeant faible qui ne
respecte
pas ses engagements (envers le Hamas).
/S
La faiblesse de Mahmoud Abbas est faite d'une combinaison de
plusieurs
facteurs : son faible charisme, des guerres intestines et tribales,
et des
échecs en termes de management. Sa force, elle, provient du fait
qu'il est
perçu comme un homme politique sérieux, qui n'est pas seulement mû
par goût
du pouvoir et de la gloire. Peu de gens ont prêté attention à
l'une de ses
déclarations lors de son élection, quand il avait dit que ce
serait son seul
mandat. Son premier test viendra au cas où le Hamas violerait les
accords
non écrits avec lui au sujet du cessez-le-feu dans la bande de Gaza
(pas en
Cisjordanie). Du point de vue de Mahmoud Abbas, cela constituerait
une
tentative de faire échec, non seulement à son projet de faire de
la bande de
Gaza un modèle de gouvernance palestinienne, mais aussi à son
intention de
ne plus jouer au jeu du "il n'y a pas de partenaire.
Concernant le désengagement de Gaza et les futurs développements
diplomatiques autour de la Cisjordanie et de Jérusalem, Mahmoud
Abbas ne
considère plus Sharon comme un partenaire. Son hypothèse de
travail est que,
pour parvenir à un accord définitif, il faudra un changement
politique en
Israël. Et le trouble causé par les accords d'Oslo et l'initiative
de Genève
lui ont enseigné que, bien que cela ne soit pas suffisant, il était
essentiel qu'une initiative de paix soit associée au nom d'un président
américain en activité.
(S) Si tout se produit selon les plans d'Abbas, le jeune Bush fera
à Sharon
ce que la dispute avec Clinton a fait à l'ancien Premier ministre
(aujourd'hui ministre des Finances) Benjamin Netanyahou. Le président
palestinien, qui a un doctorat en histoire, se souvient certainement
que
cette dispute avait fait perdre les élections de 1999 à Netanyahou,
et
qu'Ehoud Barak, son vainqueur, fut le premier Premier ministre israélien
prêt à négocier un règlement définitif avec les Palestiniens.
Il serait
d'une suprême ironie que le plan Sharon de désengagement, qui était
destiné
à placer le processus de paix dans du formol, devienne le plan
Abbas pour
parvenir à un accord définitif.
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Source
: La Paix Maintenant
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