AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
|
|
||
Palestine : l'Etat antinomique L'existence de la Palestine et l'existence d'Israël sont antinomiques par Ameer Makhoul
Directeur général de l'Union des associations civiles arabes, Ittijah
- Haïfa
Dans son ensemble et son fondement, le projet sioniste est
historiquement un projet colonial. Il ne fut jamais adopté pour résoudre
un conflit mais a été plutôt conçu pour créer un conflit et
s'imposer, adoptant la résolution de la question juive comme il l'a
voulu, et non la résolution de la question palestinienne ou le conflit
israélo-palestinien en Palestine.
Le projet sioniste a de fait vu, avant et après 1948, dans l'Etat
Palestinien, dans le mouvement de libération nationale et dans le droit
à l'autodétermination du peuple palestinien, une antinomie à
Israël.
Unanimité israélienne : la Palestine est l'Etat antinomique
Il existe une conception arabe et internationale erronée considérant
que les courants qui voient dans l'Etat Palestinien une antinomie à
Israël sont ceux de la droite extrémiste et que le problème résiderait
dans les propositions qu'ils avancent.
Mais en réalité, aucune initiative israélienne, du parti travailliste
ou du Likoud, n'a jamais admis la création d'un Etat palestinien
souverain, selon le droit international et la légalité internationale,
ce qui signifie que le centre politique ou les courants du centre
politique qui gouverne sont également opposés à l'idée, considérant
qu'ils veulent protéger le projet sioniste.
Si nous parlons d'un Etat Palestinien aux côtés de l'Etat d'Israël,
sur l'ensemble de la Cisjordanie, de la bande de Gaza ou d'al-Quds, nous
trouvons une unanimité, ou à la rigueur, une quasi-unanimité sioniste
qui verrait cet Etat antinomique.
Si nous ajoutons la question du droit au retour des réfugiés,
l'unanimité sera absolue, à droite, au centre et à la
gauche des courants sionistes.
Un bref aperçu des documents israéliens se rapportant à ce sujet
indique qu'ils refusent l'Etat palestinien comme le montre l'annexion à
Israël par la Knesset de la partie orientale d'al-Quds, suite à son
occupation, la considérant comme étant une partie indissociable de la
capitale "éternelle" d'Israël, il en est de même du
"plan Alon" (Ygal Alon) dans les années 70 qui a essayé de
dessiner les nouvelles frontières incluant les blocs de colonies après
l'occupation de 1967, ainsi que la version israélienne de la résolution
242 des Nations-Unies, les accords de Camp David, le plan d'autonomie en
Cisjordanie et la bande de Gaza, et pour finir, la conférence de Madrid
et les accords d'Oslo, et ce qui s'ensuivit comme déclarations sur les
constituants du conflit, mais non sur la façon de le résoudre ni sur
les limites de sa résolution.
Fondamentalement, le point de vue israélien qui essaie de concevoir l'Etat
Palestinien, quelles que soient ses frontières ou sa souveraineté, le
conçoit comme antinomique à l'Etat hébreu, il s'agit d'un point de
vue profondément ancré dans l'opinion israélienne et encore plus ancré
dans la pensée de l'institution israélienne.
Il est l'expression du projet sioniste historique, qui est venu
effectivement antinomique au projet palestinien, il a fondé
son Etat sur les ruines du peuple palestinien après l'occupation de sa
patrie, l'expulsion de la majorité de sa population, la destruction de
ses villages et villes, et de ses institutions, et la mainmise sur ses
propriétés collectives et individuelles.
La victoire du projet sioniste en 1948 et la défaite du peuple
palestinien et de la nation arabe ont créé un sentiment de peur ancré
dans la mentalité israélienne, qui a peur que le peuple
palestinien ne conserve sa mémoire collective et ne se reconstitue en
tant que peuple et n'accomplisse sont projet de libération.
A partir de ces remarques, nous dégageons des constantes
fondamentales représentant les points d'appui de l'unanimité nationale
sioniste :
- Unanimité nationale sioniste qui conçoit Israël en tant qu'Etat
Juif et pour les Juifs - les Juifs d'Israël et les Juifs du monde - la
droite et la gauche sionistes sont d'accord sur ce point, la divergence
concerne seulement la définition relative au caractère juif juif ou
juif démocratique de l'Etat.
- Unanimité pour refuser le retour aux frontières de 1967.
- Unanimité pour annexer al-Quds et la considérer comme capitale éternelle
de l'Etat d'Israël.
- Unanimité pour refuser le droit au retour.
Il y a aussi une unanimité stratégique et fondamentale sur la
coordination et la coopération stratégiques avec l'administration américaine,
pour agir dans le cadre des intérêts planétaires américains, dans le
cadre du soutien absolu des Etats-Unis, ou du moins, pour assurer
l'intérêt constant de toute administration américaine par le soutien
à Israël en tant que constituant structurel stratégique dans ses
stratégies.
La plus grande réalisation en 1948 fut assurée par le mouvement
travailliste et la gauche sioniste, et non par la droite, c'est ce
courant de gauche qui a construit l'Etat, qui a développé sa force
militaire et économique, c'est le courant responsable du bras
colonisateur avant 1948 et après, avant 1967 et après.
En signe de comparaison, ce qu'exécute actuellement le premier ministre
israélien, président du Likoud, Ariel Sharon, c'est la politique du
parti travailliste, le démantèlement des colonies de Gaza, le désengagement,
le développement du Naqab et de la Galilée, l'obtention de la
reconnaissance palestinienne et internationale d'Israël, non en tant
qu'Etat seulement, mais en tant qu'Etat juif.
Si nous observons les buts officiels du désengagement du gouvernement,
nous constatons qu'il vise à renforcer les blocs de colonies en
Cisjordanie, à judaïser al-Quds de façon rapide et intense, à développer
le Naqab et la Galilée, ce qui signifie leur judaïsation, ou plutôt
à renforcer leur caractère juif, en empêchant toute continuité démographique
palestinienne.
Comment administrer l'unanimité israélienne
Malgré les constantes et l'unanimité sioniste sur le fond, il existe
des différentes dans les formes du comportement avec l'unanimité ou
sur la façon d'assurer la permanence et de renforcer le fondement
d'Israël.
la vision du courant central
Ce courant israélien accorde la priorité au fondement d'Israël
(courant du règlement), pour le protéger et le renforcer en tant qu'Etat
juif démocratique, selon leurs critères. Ce qui signifie la préservation
des acquis essentiels du projet sioniste colonial, et en contrepartie, supprimer
la question des droits et du droit à l'autodétermination de l'équation
du conflit, en le transformant en conflit frontalier et sécuritaire.
Ce courant souhaite un Etat palestinien ou une autorité palestinienne
qui exécute ses buts et qui réprime "la
violence" palestinienne, en occupant le monde par la forme et se réservant
le fondement pour son action.
De cette manière, il préserve Israël et sa légalité, empêche un
situation inéluctable qui impliquerait par exemple que les
habitants de Gaza deviennent des citoyens d'Israël, ce qui
signifierait sa fin en tant qu'Etat juif ou empêche une situation où
Israël serait légalement gouverné selon un système d'apartheid, ce
qui supprimerait la légalité de l'Etat.
Il n'est un secret pour personne qu'après avoir consacré ses énergies
à assurer l'émigration collective juive, pour maintenir sa
nature, Israël a légiféré pour limiter la présence arabe
palestinienne. La loi récente relative à la citoyenneté et le
regroupement familial, qui empêche le mariage des deux côtés de la
ligne verte (pour les Palestiniens, bien entendu, et non pour les
colons) pour ne pas bénéficier de la nationalité israélienne, impose
le démembrement d'une famille ainsi constituée.
La vision du courant nationaliste et religieux
Le courant nationaliste extrémiste et le courant nationaliste
religieux, devenu plus violent, considèrent que les frontières de l'Etat
d'Israël vont du fleuve à la mer, et que la légalité des colonies
construites après 67 équivaut à celle des colonies construites après
1948. Après Oslo, ces courants sont devenus plus extrémistes, ne se
contentant plus d'influencer à l'intérieur du pouvoir sur les valeurs
religieuses et sionistes et sur l'enseignement et l'identité, ils ont
voulu aller plus loin et arrêter le processus du règlement. Ce n'est
pas un hasard si le meurtrier du premier ministre Rabin en 1985 est issu
des rangs de ces courants qui attirent des éléments quasi-criminels,
comme Liberman et d'autres.
L'attitude de ces courants aujourd'hui (Mafdal, bloc nationaliste)
consiste à assurer de larges frontières, en tant que question
religieuse, nationale, en tant que défense de l'Etat juif et non de l'Etat
juif démocratique.
Ils appellent clairement au nettoyage ethnique envers les Palestiniens
de 48 et les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, le
principal mot d'ordre de l'un d'eux, le parti de l'unité
nationale, étant : transfert = paix.
C'est ce parti qui a constitué une des assises de la coalition
gouvernementale de Sharon à ses débuts.
Vision de Sharon
Quant à Sharon, qui traite la question avec ruse, une riche expérience
et un soutien américain très large, il a la même conception mais
propose d'autres solutions, comme "ballons d'essai". C'est
ainsi qu'on peut comprendre sa demande à ses conseillers et à
l'institution sécuritaire de préparer une étude sur la
possibilité d'exécuter un échange de population entre d'une part les
villages palestiniens de Wadi Ara situés à l'intérieur d'Israël et
limitrophes de la ligne verte et d'autre part les blocs de colonisation
israéliens en Cisjordanie, de façon à ce que ces derniers soient
maintenus dans la zone d'influence israélienne alors que les premiers
rejoindraient la zone d'influence de l'autorité palestinienne. Ce genre
de proposition, issu de l'école du parti travailliste au début des années
80, est de plus en plus abordé, même au niveau international, et
notamment par l'administration américaine.
Par cette proposition, Sharon se débarrasserait de ce qu'il considère
comme deux dangers, le danger démographique palestinien dans le cadre
des citoyens d'Israël (la région de Wadi Ara est une région à haute
densité de population palestinienne) et en accordant la légalité aux
blocs de colonisation en Cisjordanie, il s'en assure la mainmise et empêche
la création d'un Etat palestinien ayant les composants d'un Etat.
Israël a peur de la démographie non pas du point de vue du nombre en
tant que tel, en Afrique du Sud, le régime de l'apartheid a dominé une
majorité noire, et en 1948, le nombre des Palestiniens dépassait de
loin les habitants des colonies juives. La peur vient fondamentalement
du fait que la démographie est considérée comme un défi qui lui est
imposé et dévoilerait sa véritable nature et son fondement, ce qui remet
en cause la légalité de son régime.
En réalité, la peur n'est pas vis-à-vis d'un Etat palestinien sur le
plan stratégique dans le sens des capacités militaires, économiques
ou représentant un danger militaire pour Israël, mais il s'agit
d'une peur de définir la frontière d'Israël et des possibilités de
transformations futures dans la région.
Sharon lui-même qui considérait, 20 ans auparavant, l'Etat palestinien
comme possible en Jordanie, a peur, tout comme Pérès, des
transformations possibles en Jordanie, et c'est pourquoi l'accord de
paix signé avec le royaume jordanien a constitué un but stratégique
pour Rabin à la fin des années 90.
Et Israël essaie, dans le cadre du plan américain, de recomposer la région
selon les alignements et les mécanismes régionaux, et non seulement de
façon bilatérale. Mais ce que cherche le plus Israël c'est la
normalisation et sa reconnaissance par les Etats arabes, de façon à créer
des intérêts chez les régimes corrompus par le soutien ou la
reconnaissance d'Israël, pour bénéficier de l'approbation
américaine. Bien que la position américaine déclarée soit la démocratisation
et la réforme, la réalité est tout autre, le critère de la réforme
et de la démocratisation reste lié à l'attitude des régimes arabes
envers Israël, et non envers leurs propres peuples.
Vision de l'institution militaire
Le chef de l'armée israélienne est l'une des personnalités les plus
influentes dans cet Etat. L'armée, contrairement à l'institution
politique, agit selon un plan stratégique à long terme, en prévoyant
les défis locaux, régionaux et mondiaux, et planifiant pour les long
et court termes.
Dans une interview avec le chef de l'armée israélienne, qui vient de
terminer son mandat, Yaalon, publiée par le quotidien Haaretz le 3 juin
dernier, Yaalon déclare ce qui suit :
- Dans le cadre d'une évaluation des services de renseignements
que j'ai présentée en 1998, j'ai affirmé que la menace existentielle
vient du conflit israélo-palestinien, et non de l'Iran ou de la Syrie
ou de l'Iraq, qui existait à l'époque, mais ce ne sont pas des menaces
existentielles, il y a une menace existentielle interne qui m'inquiète
beaucoup, que je ne traiterai pas tant que je porte l'uniforme, mais la
menace existentielle exterme est la menace palestinienne.
- concernant la question palestinienne, je considère qu'il y a une
interaction entre le terrorisme et la démographie, avec des points
d'interrogation chez nous, sur le chemin que nous suivons, ce qui me
laisse dire qu'en fin de compte il n'y aura pas d'Etat juif.
- le gouvernement d'Israël et la société israélienne ont décidé
dans les dix dernières années de diviser le pays. En la période présente,
je vois la difficulté de confirmer une situation stable pour la fin du
conflit...
Il s'agit d'une vision importante car elle est appliquée sur le terrain
et elle exerce une influence politique sur l'ensemble de l'institution
politique. Ce n'est pas de l'idéologie, mais une vision sécuritaire,
elle bénéficie de l'intérêt militaire et professionnel et est
crédible pour l'opinion publique israélienne.
Conception et conséquences de l'Etat antinomique
Il n'y a pas une conception israélienne claire ni une unanimité
sur une image définitive clairement déclarée.
Mais la conception de l'Etat palestinien antinomique a été, dans une
grande mesure, définie sur le terrain de la réalité par :
- les barrages
- le mur sioniste
- les colonies et les routes de contournement
- la mainmise sur les frontières, sur le sous-sol et les airs
- le morcellement du peuple palestinien en cantons et grandes prisons
nommées villes palestiniennes
ainsi que la judaïsation d'al-Quds et son isolement de la Cisjordanie.
Telle est l'image israélienne de l'Etat antinomique.
Cette image de l'Etat antinomique se complète si nous prêtons
attention à ce qui se déroule à l'intérieur de la ligne verte, avec
la judaïsation du Naqab et de la Galilée (le concept israélien étant
le développement du Naqab et de la Galilée), la destruction des
maisons, l'épuration ethnique envers les villages non reconnus et les
nouvelles lois racistes, ainsi que la confiscations des terres, la
criminalisation du soutien humanitaire et moral des Palestiniens de 48
aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Elle se complète encore plus si nous faisons intervenir la question des
réfugiés et du droit au retour qu'Israël combat, par tous ses
courants et institutions sionistes, et essaie de le faire résoudre dans
les lieux de la présence des réfugiés, partout ailleurs, sauf dans
leur patrie.
Ce qui signifie que l'image israélienne de l'Etat antinomique n'est pas
très différence de l'image actuelle, dont les parties se complètent.
La réalité, c'est qu'il n'y a pas d'Etat palestinien, mais une Autorité
Palestinienne responsable des agglomérations de population, séparées,
alors qu'Israël est le seul à posséder la conitnuité géographique
pour exercer son pouvoir.
Derrière cette image de l'Etat antinomique se profile la stratégie de
résolution par étapes et "la solution provisoire à long
terme", au cours de laquelle le déséquilibre des forces sera accentué
au profit d'Israël et sera créé un état de fait qui ne peut être
remis en cause.
Cet "Etat" est un intérêt israélien bien qu'ils soit
intitulé Etat, au moment où son fondement est sous la mainmise
israélienne et selon les règles du jeu israélien.
Les conséquences
Les conséquences de cette vision sur l'avenir des négociations et
l'avenir des deux Etats sont, dans la pratique et dans une grande
mesure, tributaires du fait qu'Israël a créé une situation où il a détruit
les composants de l'Etat palestinien dans le cadre d'une solution à
deux Etats.
Selon l'équlibre actuel des forces locales, régionales et mondiales,
la légalité internationale est annulée ou tout au plus dépendante du
plan américain, et non le contraire.
A mon avis, Israël, représenté par Ariel Sharon, veut profiter de l'étape
actuelle pour imposer ses solutions, il déclare respecter la création
d'un Etat Palestinien, et en cela, il répond au "rêve de George
Bush", mais il est engagé également pour empêcher la création
d'un Etat palestinien souverain selon la légalité internationale et
les résolutions des Nations-Unies.
A partir de cette réalité de l'occupation qu'il a réalisée, Israël
a besoin d'un "Etat" palestinien dans les limites de ce qui
reste, en tant que zone d'influence, géographie et population.
Cela s'intitule Etat, cela a une autorité et un appareil de sécurité,
mais dirigé vers l'intérieur palestinien, au moment où la question
palestinienne est soulevée en tant que question sécuritaire et le
conflit israélo-palestinien en tant que conflit frontalier et non
de droits historiques.
A l'opposé, l'absence d'un projet national palestinien de libération
et de son organe l'OLP en tant que projet de libération pour un peuple
dans toutes ses composantes, devient un appui incontestable au
projet israélien, et Israël mettra son poids à profit pour empêcher
l'alignement de nouveau du peuple palestinien dans son mouvement de libération
nationale.
La faiblesse de la direction officielle palestinienne n'est pas un
facteur positif, elle ne peut activer la légalité
internationale et absout Israël à payer le prix de sa politique.
Israël a pratiquement détruit la solution de deux Etats sur les bases
des frontières de 1967. Il est donc important que dans l'absence d'un
projet palestinien organisé et collectif, nous refusions, ni au niveau
palestinien, ni au niveau arabe, d'approuver la résolution du conflit
en cette période, mais il nous faut plutôt nous accorcher aux
constantes nationales palestiniennes, qui sont le retour, l'autodétermination
et l'Etat indépendant.
Nous devons renforcer la campagne palestinienne, arabe et internationale
contre la normalisation, pour le boycott d'Israël afin de dépouiller
cet Etat de toute légalité.
A mon avis, la solution d'un seul Etat commence à prendre une ampleur
plus grande dans le discours palestinien et international, c'est une
question digne d'intérêt, de réflexion et d'élaboration.
Traduit par :
Centre d'Information sur la Résistance en
Palestine
|
||
Avertissement |
Retour Ressources - Débat - Communiques - Accueil