De
quoi s’occupe Chirac ?
Par Amira Hass
|
On demandait à une journaliste européenne d’écrire un papier
sur le mur en construction autour d’Anata, ce qui va la
transformer en ghetto fermé à l’intérieur même de Jérusalem.
Désolée, a-t-elle répondu, les rédacteurs en chef du journal ne
s’intéressent qu’au retrait.
Tout est dit : des nouvelles optimistes, beaucoup d’action, des
juifs courant après des Juifs, des Juifs tabassant des Juifs.
Nous en avons assez de ces informations à répétition sur les
dommages que causent par le mur.
L’autre face de la médaille, c’est la chaleur avec laquelle
Sharon a été accueilli en France la semaine dernière.
Et honnêtement, est-ce que Jacques Chirac se soucie le moins du
monde de la démolition, la semaine dernière, par les autorités
israéliennes de trois maisons du village d’Al-Khader ?
Et est-ce que c’est sa faute si non loin de là, la colonie illégale
d’Efrat continue à s’étendre au détriment du paysage biblique
d’Al-Khader ?
Qu’est-ce que ça lui peut lui faire que les passages qu’Israël
est en train de construire à l’Est de la ligne verte, volent des
kilomètres et des kilomètres carrés à la Cisjordanie et des
propriétés appartenant à des centaines de familles, dans
l’intention évidente de les officialiser en "terminus
international" ?
Et pourquoi lui et les autres leaders européens seraient-ils choqués
d’apprendre que les
principales routes de Cisjordanie n’ont presque pas de trafic
palestinien comme si on avait organisé une déportation ?
Les Israéliens ne sont pas choqués par une telle information.
Qui trouvera les mots pour expliquer aux journaux européens que
presque toutes les semaines, les
soldats des Forces Israéliennes de Défense empêchent tous les
habitants du nord de la Cisjordanie de prendre leur voiture pour
aller au sud ?
Au checkpoint de Za’atara, au sud de Naplouse, près de la colonie
illégale de Tapuah, on renvoie les gens quand l’IDF décrète une
"alerte de haute sécurité". Dans le jargon créatif de
l’IDF, cela s’appelle "séparation".
Ils séparent de la Judée et de la Samarie. Parfois cela
dure quatre jours, d’autres fois dix.
Comme d’habitude, quiconque veut vraiment atteindre sa
destination, fait un détour qui prend plusieurs heures, par monts
et par vaux, à travers la rocaille et les oliveraies. Mais la
plupart renoncent à leur droit de circuler.
Pourquoi Chirac et "Le Monde", ou "le Figaro",
s’intéresseraient-ils aux
bergers du sud des collines d’Hébron que les soldats des IDFont
virés, lundi, à coups de pied de leurs pâturages, à deux pas
d’une autre colonie illégale ?
Pourquoi Chirac et les autres leaders européens s’intéresseraient-ils
à ces millions de détails que sont les dépossessions calculées
qui font la loi dans la vie du peuple palestinien ?
Des broutilles qui s’ajoutent à un tableau clair : Sharon veut
absolument se battre pour réaliser son plan d’ensemble : intégrer
le plus possible de (territoire) cisjordanien dans l’état
souverain d’Israël.
La
vallée du Jourdain, les blocs de colonies qui n’arrêtent pas
de s’imbriquer les unes dans les autres, les monumentales routes
pour Juifs seulement, la zone démilitarisée annexée depuis
longtemps à Israël, la zone annexée à Jérusalem en 1967, les
annexions de facto (dues au) mur, tout cela couvre déjà
l’essentiel de la Cisjordanie.
On appellera "Etat", les poches palestiniennes surpeuplées
qui resteront, et le monde entier applaudira.
Les raisons de ne pas s’intéresser à ces détails ?
Il n’y a que trois millions et demi de gens en jeu, et aucun
soutien de la part d’un pouvoir international ; leurs amis de la
Diaspora et d’Israël ne constituent pas de lobby.
Il y a des endroits dans le monde où des dizaines de millions de
gens sont traités encore plus cruellement et personne n'y prête
attention.
Et après tout, le colonialisme israélien ne se compare pas à sa
version européenne si meurtrière.
Mais si l’Europe s’intéresse !
Les milliards de dollars qu’elle déverse ici prouvent qu’elle
n’ignore pas que cette "petite" usurpation est perpétrée
à un point de jonction hautement sensible.
Peut-être que les leaders européens espèrent que cet
argent qui va pleuvoir sur l’Autorité Palestinienne - en réalité
sur Israël, qui ainsi échappera à sa responsabilité de puissance
occupante - va compenser leur impuissance.
Ce sont eux, après tout, qui ont échoué à mettre en œuvre les décisions
internationales concernant le caractère illégal des colonies.
L’Europe et ses media – qui ont été trompés par la propagande
d’Oslo pendant que la colonisation israélienne s’accélérait,
ont le devoir de cesser d’ignorer la réalité que décrivent
leurs diplomates dans la région.
Israël est perçu comme faisant partie de l‘Occident, ce monde éclairé
qui prétend avoir tiré les leçons de son colonialisme, du passé
nazi et prétend combattre le racisme.
La
loi sur la Citoyenneté et la
loi contre les indemnisation de l’Intifada qu’a votées la
Knesset avec d’autres lois, est ouvertement en contradiction avec
les concepts européens de "Combat contre le racisme et les
discriminations."
Mais Israël participe aux compétitions sportives européennes et
maintient des liens économiques, scientifiques et culturels serrés
avec l’Europe, comme s’il respectait les exigences de la charte
des Droits de l’Homme.
Evidemment on ne peut pas séparer, historiquement, la création de
l’état d’Israël du génocide des Juifs européens.
Pourtant, c’est l’Europe qui porte la responsabilité historique
et morale des deux peuples qui vivent sur notre terre, le peuple
occupé de Palestine et le peuple Juif-Israélien, l’occupant.
Ce devrait être suffisant pour exiger que l’Europe n’aide pas
Israël à mettre son plan d’ensemble en oeuvre sans savoir
(d’abord) si ce plan met ou non en péril la sécurité de la région
et celle du monde.
|
Source
: ISM
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=3362&type=analyse&lesujet=Histoire
|
|
Avertissement
L'AFPS 59.62 a pour vocation la diffusion
d'informations relatives aux événements du Proche Orient.
Les auteurs du
site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions
de chacun, soucieux de corriger les erreurs
qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité
de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'AFPS 59.62 ne saurait être
tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et
messages postés par des
tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou
faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, l'AFPS 59.62 n'assume
aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces
sites.
|