http://www.dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=10&categ_id=5&article_id=13802
article publié par le quotidien libanais Daily Star le 29 mars 2005, en
partenariat avec Common Ground News Service
(http://www.commongroundnews.org)
Une
percée est proche, mais ...
par Daoud Kuttab (1)
Les
chances d'un percée dans le conflit israélo-palestinien sont si grandes
que l'on craint de les évoquer, de peur de saboter une paix possible.
Mais, si l'on met de côté la superstition, et si l'on souhaite s'assurer
que cette occasion n'est pas gâchée, il faut que le succès éventuel du
processus de paix tienne largement compte des leçons tirées des erreurs
du passé.
Avant d'aborder les questions macro-politiques difficiles, il serait plus
prudent d'adopter une approche micro, plus pragmatique. Car aucun succès
ne se produira tant qu'on ne donne pas la priorité à la vie quotidienne
des Israéliens et des Palestiniens. Tous les jours, Israéliens comme
Palestiniens doivent pouvoir vivre dans la normalité, à Tel-Aviv et à Jénine,
sans crainte pour leur vie ni pour leur avenir. Quand la population israélienne
ressentait de la terreur, les Palestiniens ont fait l'objet de punitions
collectives, sous la forme de restrictions de leurs déplacements, de démolitions
de maisons et de destruction de leur économie.
En même temps que les améliorations de la vie quotidienne, il faut
entamer
des négociations sérieuses. Il faut tout faire pour s'assurer qu'on n'en
revienne pas aux périodes précédentes, où pendant longtemps a prévalu
l'absence d'espoir. Tant qu'il y a pourparlers de paix, les gens ont de
l'espoir. Ce qui ne signifie pas, naturellement, qu'il faille négocier
pour
négocier. Cela signifie qu'il doit y avoir un effort régulier et continu
pour donner aux Palestiniens le sentiment qu'un avenir positif les attend.
Ce ne sera que lorsqu'ils sentiront qu'ils ont davantage à perdre qu'à
gagner par la violence que l'on coupera l'oxygène qui nourrit la
violence.
Les présentes discussions israélo-palestiniennes ne semblent pas
contenir
les ingrédients nécessaires à une solution rapide. Tirer les leçons
des
erreurs passées demanderait aux dirigeants de définir en premier lieu
les
objectifs des discussions, et alors seulement de partir de ces objectifs
pour trouver des solutions pragmatiques pour chaque domaine de désaccord.
Les différences sont si grandes et le niveau de colère si important que
tenter de résoudre toutes les questions où il y a désaccord prendrait
probablement beaucoup trop de temps.
Tout accord sur les objectifs au sens large des négociations signifiera
naturellement qu'aucune des parties ne doit entreprendre d'action qui
entraverait une solution sur le long terme. Si les deux parties
s'accordent
sur une solution à deux Etats, ce qu'elles semblent avoir accepté, alors
elles doivent s'accorder à faire leur possible pour s'assurer que ce
statut
définitif ne soit violé par aucune des parties.
Une des leçons importantes des erreurs passées consiste à ne pas
permettre à
l'une ou l'autre des parties de saper la solution à long terme sur
laquelle
il y a accord. Les faits accomplis sur le terrain, les tentatives
d'influencer la solution définitive, tout cela menace de briser tout le
processus. Cela s'applique à de nombreux domaines, mais en particulier
aux
colonies juives, à Jérusalem et aux réfugiés.
Les Palestiniens ont le sentiment que l'une des raisons principales qui
expliquent l'échec d'Oslo tient à ce que ce processus n'a pas prévu de
clause spécifique garantissant que la colonisation juive dans les
territoires palestiniens soit suspendue. Les colonies ont continué à
croître, et le processus de paix tout entier a chancelé du fait du
manque de
confiance de l'opinion palestinienne dans les négociations.
Parallèlement, l'Autorité palestinienne ne s'est pas rendu compte de
l'impact destructeur des attentats contre les civiles israéliens sur le
processus de paix. Pour les Palestiniens, si la colonisation peut être
stoppée, Mahmoud Abbas et son équipe de négociateurs auront alors toute
latitude pour travailler aux négociations, lentement et prudemment. Pour
les
Palestiniens, cette question est perçue comme une constante hémorragie
qui
sape la viabilité d'un Etat palestinien.
Les médias palestiniens et israéliens doivent réévaluer ce qu'a été
leur
rôle dans l'influence des opinions publiques, quand ils ont soufflé sur
les
braises de l'hostilité réciproque. Dans les médias israéliens, les
quotidiens ont recouru à des titres à sensation, et la télévision a
constamment fait appel à l'émotion. De leur côté, les chaînes de télévision
palestiniennes et arabes emplissaient leurs écrans de scènes
sanguinolentes.
Aucun côté n'a pris le temps de briser les stéréotypes et la déshumanisation
de l'autre.
Les Israéliens comme les Palestiniens doivent se mettre d'accord pour ne
pas
permettre à leurs minorités radicales de dicter les règles du jeu aux
majorités modérées. Concernant les Israéliens, s'ils sont convaincus
que les
réfugiés palestiniens retourneront en Palestine et non en Israël, ils
auront
alors confiance dans le sérieux des Palestiniens aux côtés desquels ils
sont
censés vivre en paix, et seront davantage prêts à libérer des
prisonniers
palestiniens.
Outre les questions des colonies et des réfugiés, il faudra agir sur le
plan
économique. Les bénéfices de la paix, sous la forme d'une amélioration
de la
santé économique du futur Etat de Palestine, devra faire l'objet de
beaucoup
d'attention. Cela signifie que les négociateurs devront porter leur
attention sur les front juridique et administratif, comme sur celui de la
circulation des biens et des personnes.
Il a été très difficile de trouver un mécanisme susceptible de briser
le
cycle des violences. Mais ce succès se révélera inutile si les deux
parties
se montrent incapables d'effectuer, à partir de lui, des efforts
tangibles
et crédibles. Ces efforts doivent se traduire en actes que l'opinion
puisse
voir et sentir, pour que la flamme de l'espoir reste vivante. Car tant de
choses peuvent mal tourner si l'on ne prend pas garde à construire sur
ces
pas hésitants.
Le monde sait aujourd'hui que ce conflit ne prendra pas fin tant que les
Palestiniens ne seront pas assurés d'un Etat libre et indépendant, et
tant
que les Israéliens ne pourront jouir de sécurité à l'intérieur des
frontières de leur Etat. Les deux Etats, devenus aujourd'hui le slogan
des
dirigeants à l'étranger, doit aussi devenir une réalité pour les
Palestiniens et les Israéliens.
(1) Daoud Kuttab : journaliste palestinien, directeur de l'Institute for
Modern Media à l'université Al-Qods de Ramallah.
Source
: La Paix Maintenant
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