Les jours précédents le dimanche des Rameaux, Hasam Jubran a
beaucoup à faire.
En tant que co-directeur du Peace and Reconciliation Department for
the Holy Land Trust à Bethlehem, beaucoup de travail repose sur ses
épaules pour s'assurer que les choses vont bien se passer quand les
enfants palestiniens commenceront une Marche de la Paix jusqu’à Jérusalem.
D'abord, il y a les enfants eux-mêmes qui ont imaginée l'idée.
Puis, il y a les adultes de Palestine, d’Europe, et des Etats-Unis
qui emmèneront la marche jusqu’au checkpoint israélien où des décisions
stratégiques sensibles devront être prises.
Et en conclusion, qui peut oublier les ânes?
"L'idée est survenue il y a un longtemps," dit Jubran au
téléphone.
"En écoutant l'histoire de Jésus montant un âne jusqu’à Jérusalem,
des enfants ont pensé que ce serait bien s'ils pouvaient faire ce
que Jésus a fait.
Un des gosses a mentionné l'idée à l’une de nos volontaires.
Elle est venue chez nous et a proposé que nous fassions une action
le dimanche des Rameaux, le jour où Jésus est venu en Paix à Jérusalem.
En montant des ânes sur la route, nous pourrions encourager des
enfants à exprimer leur désir et à symboliser le besoin de tous
les Palestiniens, mais en particulier ceux des enfants, d’aller à
Jérusalem."
L'idée a été communiquée à John Stoner, le fondateur de
Every Church, une église pacifiste aux Etats-Unis.
"Après ça," dit Jubran, "ils ont commencé à nous
consulter."
Il y a une quarantaine de jours, Jubran a aidé à former un comité
qui travaillerait sur la forme de la protestation.
D'autres organisations dans la régions ont été invitées, et les
réunions se sont intensifiées au cours des deux dernières
semaines.
"Une des premières questions soulevées était si nous
invitions des Israéliens à participer à l'action," dit
Jubran.
"Mais dans cette action, nous avons décidé de prouver que les
Palestiniens sont impliqués dans la nonviolence et qu’ils mènent
leur propre mouvement non-violent, aussi cette fois, nous n'avons
pas invité d’Israéliens."
J’ai demandé à Jubran s'il avait un modèle de non-violence qui
guide son travail.
Pour lui, la considération la plus importante se situe dans la
distinction entre le côté spirituel et le côté pragmatique de la
non-violence.
"Nous nous concentrons sur le côté pragmatique quand nous
travaillons ici avec des personnes sur le terrain," explique
Jubran.
Pour la théorie, il les tire de Gandhi, de King, tout comme de l’Islam
et du Christianisme.
"Je ne m'en tiens pas à une seule chose. C’est varié."
De même, les participants internationaux seront chrétiens,
musulmans, et juifs. Les Palestiniens seront chrétiens et
musulmans.
"Nous ne voulons pas limiter cette action à une croyance
religieuse. C'est un mouvement national, pas religieux."
Le travail a été réparti. Des invitations ont été distribuées
dans l'ensemble de la Palestine.
La formation a commencé.
Un comité de fabrication de pancartes travaillera samedi.
Et oui, il y a quelqu'un responsable des ânes.
L'action du dimanche des Rameaux est unique par l’implication des
animaux. Naturellement, des chiens ont été rendus célèbres par
les images d’informations venant de Birmingham, en Alabama pendant
la lutte pour les droits civiques en 1963. Mais dans ce cas, les
animaux ont travaillé du côté de la violence.
"C'est peu commun," dit Jubran, dans un discret
gloussement.
"La partie la plus difficile fut de trouver les ânes et de
notre capacité à les protéger.
Mais les ânes sont importants pour l'image que nous voulons montrer
au monde et le commentaire que nous voulons faire. Quand les gens
verront l'image, nous voulons qu'ils l’associent à Jésus et à
son message de Paix en Terre Sainte."
Quand Pâques approche, les images d'ânes infiltrent les
informations.
Linda Wardle, l’épouse du Rev. John Wardle de la Priory
Church à Bridlington, Angleterre, dit :
"Nous avons eu un âne pendant un certain nombre d’années et
il faisait la différence le dimanche des Rameaux, en particulier
pour les enfants.
Dans un Jeu de la Passion à Nauvoo dans l'Illinois, Jésus monte un
âne réel jusqu’à l’estrade depuis 1983.
Et lors d’un sermon d'adieu récemment prêché au Tennessee, un
pasteur Baptiste a déclaré : "Je suis l'âne!" »
Ou qui n'a pas entendu parler de l'histoire de Pacho, l'âne,
emprisonné par les Autorités Colombiennes le 6 mars pour le crime
d’avoir été heurté par un motorcycliste ivre.
"Le suspect était peu un long de visage après avoir été arrêté
et braille pour une libération rapide" a écrit la journaliste
Kim Housego de l’AP.
Pendant trois jours, le maître fidèle de Pacho lui a apporté de
la nourriture, alors que des défenseurs des Droits de l'Homme
s’agitaient pour sa libération.
Quand Pacho a été libéré, la presse internationale a applaudi.
Qui dans le monde n'aime pas les ânes ?
Mais où trouver des ânes pour une Marche de la Paix ?
"Les gens qui vont amener leurs ânes ont peur que les animaux
se fassent tirer dessus. Aussi ils ont voulu des garanties" dit
Jubran.
"Pour ces fermiers, leurs ânes sont importants dans leur
travail. Aussi nous avons donné des garanties. Et oui, les fermiers
seront là avec les ânes" dit-il en riant doucement.
"Je ne sais pas les tenir!"
Les enfants ont besoin également de dispositions spéciales. "Nous
avons beaucoup, beaucoup d'enfants qui vont venir" dit
Jubran.
"Une centaine ou plus, et pour les enfants, la manifestation
sera organisée en deux parties. Les jeunes enfants, entre 5 et 10
ans quitteront la manifestation dès que nous arriverons près du
checkpoint.
Les adolescents vont continuer la marche, mais ils seront placés à
l’arrière, pas aux premiers rangs ni au milieu.
Ils ont été formés pour qu’ils sachent comment se protéger au
cas où ils seraient attaqués, mais s'il y a le moindre ennui à
l'avant de la marche, ils ont été formés pour s’enfuir en
courant.
Nous avons pris des dispositions pour les premiers soins et les
ambulances et nous avons alerté des hôpitaux locaux, mais nous ne
voulons pas du tout que les enfants soient blessés. C'est la chose
principale."
Au moins la moitié des marcheurs sera des femmes, dit Jubran, mais
une fois encore, en tant que précaution, les femmes ne seront pas
en première ligne pour s'approcher du checkpoint.
"Nous ne voulons pas du tout que les femmes soient frappées ou
blessées ou humiliées de quelque façon que ce soit, parce que
cela peut déclencher des émotions qui font perdre le contrôle aux
gens."
Les marcheurs solidaires des Palestiniens viennent des Etats-Unis,
de Grande-Bretagne, d'Allemagne, de Suisse, d'Italie, et d'Espagne.
Deux organisations feront la formation pour les marcheurs
internationaux. Le Christian Peacemaker Teams (CPT) travaille
dans la région d’Hébron depuis 1995 et possède une expérience
de formation des Américains pour l'activisme local.
Le Centre Palestinien pour le Rapprochement entre les Peuples (PCR)
a des relations de travail avec le Mouvement International de
Solidarité (ISM) et a donc été exposé à diverses nationalités
dans le travail de pacifistes et la résistance nonviolente.
Samedi, lorsque que la formation séparée sera terminée pour les
marcheurs Palestiniens et internationaux, tout le monde se réunira.
"Nous avons des choses que nous voulons faire samedi," dit
Jubran, "Mais nous voulons que la population participe, nous
n'avons donc pas un ordre du jour clair.
Nous nous assiérons tous ensemble, Palestiniens et internationaux,
et nous penserons à la meilleure façon de faire les choses.
Le processus est également important, pas simplement l'action en
elle-même.
La non-violence est quelque chose que nous pratiquons depuis des années,
et maintenant nous l'essayons encore. Nous essayerons de nous
renforcer."
* Greg Moses est rédacteur de la revue de
droits civiques au Texas et auteur de Révolution de la Conscience :
Martin Luther King, Jr. et la philosophie de la Non-Violence. Son
chapitre sur les droits civiques sous Clinton et Bush paraît Dime's
Worth of Difference, éditée par Alexander Cockburn et Jeffrey St.
Clair. Il peut être contacté à : gmosesx@prodigy.net
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