Haaretz,
éditorial du 12 août 05
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Version
anglaise : www.haaretz.com/hasen/spages/611590
La
majorité des soldats qui recevront l’ordre d’évacuer les
colons de chez eux, la semaine prochaine, ne se souviennent pas de
Sebastia, mais l’attitude des forces de sécurité face aux évacués
[sic] et à ceux qui s’infiltrent dans le Goush Katif
commence à rappeler ces journées sombres, ces premiers jours de
la manipulation affective des gens du Goush Emounim sur le
gouvernement et sur l’armée. A six reprises, la colonie illégale
de Sebastia a été évacuée au milieu de rudes confrontations
avec l’armée jusqu’à ce qu’à l’hiver 1975 s’amorcent
les compromis, la tromperie, la flagornerie, l’entente, jusqu’à
la défaite totale de l’Etat et de la Loi devant l’afflux de
milliers de personnes venues de tout le pays pour empêcher l’évacuation.
Aujourd’hui
comme alors, des milliers de personnes continuent à pénétrer
dans le Goush Katif alors que celui-ci a été déclaré zone
militaire fermée. Ces milliers de gens n’entrent pas par
effraction en coupant des clôtures ; ils passent, la tête
haute, aux barrages installés par l’armée, tenant à la main
le permis qui leur a été légalement octroyé. Ils dupent les
soldats du barrage en feignant de venir faire leurs adieux au
Goush Katif et en promettant de ressortir dans les deux minutes,
puis restent afin d’être sur place le jour de l’évacuation,
pour le saboter. Ils se moquent des dispensateurs des permis qui
s’humilient de bon cœur devant eux.
Des
écoles talmudiques entières sont passées, ces derniers temps,
dans le Goush Katif, ouvertement, avec autorisation, du fait de la
faiblesse de l’armée israélienne et de la police. Les séminaires
visant à aiguiser la sensibilité des soldats chargés de l’évacuation
ont réussi au-delà de toutes les attentes. Les colons ne sont
pas un ennemi et, face à eux, l’armée ne se prépare pas à la
guerre, a dit le chef d’état-major sans comprendre que cette équation
n’est vraie que dans un sens. L’armée ne se prépare pas à
la guerre face aux colons, mais les colons s’y préparent, et
comment donc ! Telle est l’attitude qui a permis au Goush
Emounim de multiplier les succès au fil des années. Des larmes
et des appels à la miséricorde, d’un côté, tout en restant,
d’un autre côté, fixé à l’objectif et prêt à franchir
toute limite, tout en étant pénétré de l’idée d’avoir
raison et que ceux qui sont chargés de l’évacuation ne font
que le sale boulot.
Cette
approche, empathique jusqu’à faire peur, a conduit à des échecs
répétés face aux colons durant des dizaines d’années, depuis
Sebastia, et elle pourrait bien en refaire la démonstration cette
fois encore. Les rencontres trop nombreuses de chefs militaires
avec des évacués, les coordinations et les effusions ont amolli
l’armée et renforcé les colons. Ainsi, tandis que des
centaines de résidents permanents du Goush Katif se préparent à
un départ dans le calme, des milliers d’opposants à l’évacuation
viennent les remplacer, pour qui l’armée israélienne est
l’ennemi déclaré. La rencontre pleine d’émotion et
superflue, organisée avant-hier entre le commandant des forces
d’évacuation et des victimes du terrorisme à Kfar Darom
pendant qu’au dehors on crevait les pneus de sa voiture, n’est
qu’une illustration de la manière trop émotionnelle dont toute
l’opération est menée.
L’armée
continue de soutenir que le nombre de personnes infiltrées dans
le Goush Katif n’est pas critique et que, le jour de l’évacuation,
les forces sauront s’en occuper avec la rigueur nécessaire. En
face, il y a la promesse des organisateurs du grand rassemblement
sur la place Rabin de pénétrer à tout prix dans le Goush Katif
pour arrêter l’évacuation. Ils n’ont pas encore perdu
l’espoir de changer cette décision et de saboter sa réalisation,
aidés en cela par un Benjamin Netanyahou qui leur sert de guide,
lui qui a dit aux parlementaires que tout pouvait encore changer.
La demande de pardon adressée aux évacués par le Président
Moshe Katzav qui a dit, en même temps, combien il était
impressionné par leur lutte, nous montre elle aussi qu’en
attendant, les colons ont le dessus.
[Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys]