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Jerusalem Post, 13 avril 2005
Le jargon de la diplomatie israélo-américaine
sur les colonies : décryptage
par Herb Keinon
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Quand des officiels israéliens et américains parlent des colonies, ils
s'expriment souvent en langage codé, que le grand public ne sait pas
déchiffrer. George Bush et Ariel Sharon ont donné plusieurs exemples du
flou
qui caractérise la diplomatie israélo-américaine sur le sujet à
l'occasion
des déclarations publiques qui ont suivi leur rencontre de lundi à
Crawford,
Texas.
Considérons ce qui suit. Bush : "j'ai parlé au Premier ministre
[Sharon] de
mes inquiétudes quant au fait qu'Israël n'entreprenne aucune action qui
contrevienne aux obligations de la Feuille de route ou qui préjuge [du
résultat] de futures négociations concernant un accord définitif [entre
Palestiniens et Israéliens]. En conséquence, Israël doit démanteler
les
avant-postes non autorisés et assumer ses obligations vis-à-vis des
colonies
de Cisjordanie prises dans le cadre de la Feuille de route.
Or, quelles sont donc précisément ces obligations prises dans le cadre
de la
Feuille de route? La phase 1 de la Feuille de route demande à Israël de
"démanteler immédiatement les avant-postes érigés depuis mars
2001, et, en
accord avec le rapport Mitchell", de "geler toute activité de
colonisation
(y compris la "croissance naturelle" des colonies).
En apparence, cela est assez simple. Mais ne vous y trompez pas, les
choses
sont beaucoup plus compliquées qu'elles ne le paraissent.
En réponse à une question sur le problème des colonies, Bush a dit
qu'il
n'envoyait pas de messages contradictoires à Israël : j'ai été
très clair ;
Israël a une obligation dans le cadre de la Feuille de route. Pas
d'expansion de colonies. Je continuerai de travailler et de dialoguer avec
Israël sur cette question.
Attendez. Si, comme le dit Bush, les obligations prévues par la Feuille
de
route sont claires, alors quel besoin de "travailler et de
dialoguer avec
Israël? A moins, bien entendu, que ces fameuses obligations prévues par
la
Feuille de route soient moins claires qu'elles ne le paraissent à première
vue.
Car voilà le hic : la Feuille de route demande la fin de toute activité
de
colonisation, alors que Bush parle de "non-expansion de
colonies. Il y a
une différence. Expansion, dans l'acception israélienne,
signifie
expansion vers l'extérieur, alors que toute activité de
colonisation; veut
bien dire ce que cela veut dire : fin de toute activité de colonisation,
vers l'extérieur, à l'intérieur, partout.
En avril dernier, lors du dernier voyage d'Ariel Sharon aux Etats-Unis,
celui-ci n'a pas seulement reçu une lettre d'engagement de Bush. Son
principal conseiller, Dov Weisglass, a aussi envoyé une lettre, dont on
n'a
pas beaucoup parlé, à Condoleezza Rice, alors conseillère pour la sécurité
nationale.
Dans cette lettre, Weisglass écrivait : "dans le cadre des principes
qui ont
fait l'objet d'un accord [entre nous] sur les activités de colonisation,
un
effort sera consenti dans les prochains jours pour mieux définir ce que
sont
les lignes de construction dans les colonies de Judée-Samarie
(Cisjordanie).
Une équipe israélienne et l'ambassadeur [des Etats-Unis en Israël] Dan
Kurtzer examineront les photos aériennes de colonies et définiront
ensemble
les lignes de construction pour chacune des colonies.
La constitution de ce groupe de travail en dit long, parce qu'elle indique
que les Etats-Unis pensent qu'Israël a le droit de construire dans les
limites des lignes de construction des colonies, et que ce qui doit être
décidé, c'est l'endroit précis où passent ces lignes. Cela est très
éloigné
d'un gel de toute activité de colonisation, et, de fait, les discussions
entre Israël et les Etats-Unis autour de cette question se poursuivent.
Les officiels israéliens insistent sur le fait qu'il existe un accord
verbal
avec les Etats-Unis sur le droit [pour Israël] de construire à l'intérieur
des lignes de construction existantes, bien que les officiels américains
nient l'existence d'un pareil accord. Quoi qu'il en soit, aucun accord sur
la question, tacite ou discret, n'a jamais été rendu public.
Mais le langage codé ne s'arrête pas là. Sharon, dans ses commentaires
après
la rencontre avec Bush, a dit : concernant les colonies, Israël se
soumettra à toutes ses obligations prévues par la Feuille de
route. Or,
toute visite dans les territoires, même sommaire, montrera qu'il n'y a
aucun
gel de la colonisation du type de celui dont parle la Feuille de route.
Est-ce à dire que Sharon tente de tromper les Etats-Unis?
Non. Sharon est trop intelligent et il a trop d'expérience pour mentir à
ce
président, un président qui a déclaré lundi : "je fais confiance
au Premier
ministre, c'est un homme de parole.
Sharon va répétant, comme il l'a encore fait lundi, qu'Israël
respectera
bien ses engagements dans le cadre de la Feuille de route. Mais, dans
l'esprit de Sharon, la Feuille de route n'a pas commencé, et ne
commencera
pas tant que les Palestiniens ne prendront pas les mesures qu'ils se sont
engagés à prendre, à savoir en finir avec la violence et démanteler
l'infrastructure terroriste. En attendant que cela se produise, en
attendant
que le processus de la Feuille de route commence réellement, Sharon ne se
considère pas lié par les restrictions de l'activité de colonisation
que
prévoit la Feuille de route.
Autre élément de confusion : les soi-disant blocs de
colonies.
Ecoutons ce qu'a dit Bush lundi dernier : comme je l'ai dit en avril
de
l'année dernière, les réalités nouvelles sur le terrain font qu'il est
irréaliste de s'attendre à ce que l'issue de négociations sur un statut
définitif implique un retrait complet sur les lignes d'armistice de 1949
(ligne Verte). Il est [en revanche] réaliste de s'attendre à ce qu'un
accord
définitif soit obtenu sur la base de modifications mutuellement acceptées
qui reflètent ces [nouvelles] réalités. Voilà la position américaine.
Si les
Etats-Unis ne préjugent pas de l'issue de négociations sur un statut
définitif, ces modifications sur le terrain, y compris les principaux
centres israéliens de population existants, devront être pris en compte
dans
le cadre de toute négociation sur un statut définitif.
Notons que Bush se réfère aux " principaux centres israéliens de
population", et pas nécessairement aux "blocs de
colonies", terme dont les
médias sont friands. Maale Adoumim peut être l'un de ces centres
de
population, mais la position américaine n'inclut pas forcément son
bloc,
qui s'étend de Keidar au sud-ouest à Alon au nord-est, et qui comprend
Kfar
Adoumim et Nofei Prat.
Sharon, en anglais, s'est lui aussi référé aux principaux centres
israéliens de population". Dans ce qui semble avoir été une
expression
soigneusement ciselée, Sharon a dit après la rencontre avec Bush que
la position israélienne [était] que les principaux centres israéliens de
population demeurent entre les mains d'Israël dans le cadre de tout
accord
définitif, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Le problème est qu'il n'a pas précisé ni expliqué ce qu'il entendait
par "avec toutes les conséquences qui en découlent. Cela
signifie-t-il
qu'Israël compte garder les centres de population au-delà de la ligne
Verte
contre vents et marées, sans se soucier des conséquences sur ses
relations
avec les Palestiniens, ou, en l'espèce, avec les Américains?
A l'occasion d'un briefing avec des journalistes israéliens, Sharon n'a
pas
accédé aux requêtes lui demandant de clarifier cette formule ambiguë.
Cependant, un collaborateur de Sharon a dit qu'en utilisant les mots
toutes les conséquences qui en découlent", Sharon a voulu signaler la
position
d'Israël, qui veut conserver les blocs de colonies et faire le nécessaire
pour s'assurer qu'ils seront pleinement incorporés à Israël. Cela
signifie
s'assurer qu'il y aura bien continuité territoriale, et que la loi
israélienne s'y appliquera. Mais, pour éviter tout incident diplomatique
aujourd'hui à propos de l'intention israélienne d'annexer les blocs de
colonies, à une date indéterminée et dans un avenir lointain, la décision
a
été prise de ne s'exprimer qu'en langage codé.
Le problème est que, pour ceux qui n'appartiennent pas au petit cercle
d'initiés, ce langage codé autour de la question des colonies ne sert
qu'à
embrouiller les choses et non à les clarifier. Concernant les colonies,
ni
Israël ni les Etats-Unis n'ont un grand intérêt à la transparence.
Cela, du
moins, apparaît avec évidence à écouter les propos de Bush et de
Sharon sur
la question.
Source
: La Paix Maintenant
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