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Un
Etat-prison palestinien ?
The
Boston Globe,
11 avril 2005
Qu'il
s'agisse de paix, de droit, de commerce ou d'autres domaines de la vie,
le diable se dissimule dans les détails. Le cœur du conflit entre Israéliens
et Palestiniens ne porte pas sur un Etat palestinien.
Les membres du ''quartette" de la feuille de route au Moyen-Orient
(Europe, Russie, Nations Unies et Etats-Unis)
sont d'accord sur la nécessaire émergence d'un Etat
palestinien. Ariel Sharon lui-même, père des colonies et fervent
partisan de l'idéologie du Grand Israël, a fini par comprendre qu'un
Etat palestinien était nécessaire pour soulager Israël des 4 millions
de Palestiniens vivant dans les territoires occupés.
Le problème, ce n'est donc pas un Etat palestinien mais
un Etat palestinien viable.
La
viabilité, qui apparaît dans la feuille de route, n'est pas un point
secondaire. Après près de quatre décennies de dé-développement israélien
de la Cisjordanie, de Gaza et de l'est de Jérusalem, les Palestiniens se
retrouvent aujourd'hui avec une terre brûlée. Une économie exsangue
(les Palestiniens, dont 70 % vivent avec moins de 2 $ US
par jour, sont maintenus en vie par les agences internationales
d'aide) ; pas d'agriculture (depuis 1967, Israël a déraciné ou abattu
un million d'oliviers et de fruitiers) ; pas de logement pour les jeunes générations
(Israël a démoli 12.000 maisons palestiniennes depuis le début de
l'occupation et refuse d'accorder des permis pour en construire de
nouvelles). Deux
générations de Palestiniens n'ont jamais connu la liberté, ont toujours
vécu sous occupation militaire. Elles ont été brutalisées, traumatisées,
sous-formées et se sont retrouvées avec une bien maigre instruction et
bien peu d'espoir de trouver un travail. 60 % de la population
palestinienne a moins de 18
ans. Si
l'on ajoute à cette équation le fait que l'on attend du petit Etat
palestinien tronqué qui émerge qu'il assure également une
infrastructure, des services, des emplois ainsi que l'avenir des milliers
de réfugiés qui reviendront (Israël refuse, avec le soutien de
Washington, de recevoir le
moindre réfugié en dépit du fait qu'il les a expulsés en
1948), l'appel récent du Président Bush à Bruxelles en faveur
d'un Etat palestinien "réellement viable" sonne creux.
Tandis qu'il déclare avec cérémonie qu'"un Etat composé de
territoires éparpillés ne peut fonctionner", l'accord qu'il marque
avec l'annexion par Israël de ses principaux blocs de colonies conduit à
se demander où pourra bien se trouver cet Etat palestinien viable.
On
a l'impression que le Président palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen) va
se trouver confronté à une nouvelle ''offre généreuse." A la fin
du processus d'Oslo le Premier Ministre de l'époque, Ehoud Barak, était
supposé avoir offert 95 % des territoires occupés aux Palestiniens. Ce
n'est pas vrai (le chiffre de 95 % venait d'une proposition de Clinton
acceptée à la fois par les Israéliens et les Palestiniens mais qui ne
s'est jamais matérialisée). Et même si cela avait été le cas, Israël
n'a besoin que de 5 à 15 % des territoires occupés pour les avoir complètement
sous sa coupe et confiner les Palestiniens dans un Etat-prison. Israël
pourrait contrôler les frontières, les déplacements des Palestiniens,
toute l'eau et l'essentiel des terres agricoles, la région de Jérusalem
(laquelle, en raison du tourisme, représente près de la moitié de l'économie
palestinienne), l'espace aérien du pays et même sa sphère de
communication. Les Palestiniens pourraient recevoir 85 à 95 % du
territoire actuel et cependant se retrouver enfermés, tels des
prisonniers, dans une série de cellules appelées "Etat". Voici
semble-t-il ce qui attend Abbas dans les prochains mois. L'euphorie créée
autour d'un Abou Mazen ''modéré et pragmatique" au cours de cette
''ère post-Arafat" est destinée à l'acculer, à susciter l'attente
de concessions qu'il ne peut absolument pas faire. Sharon fera son offre généreuse,
comme toujours en coordination avec les Américains : Gaza plus 60-75 % de
la Cisjordanie et une présence symbolique à Jérusalem-Est. Cela semble
acceptable et, dessiné sur la carte, un tel Etat paraîtra acceptable, à
l'étranger, à la plupart des gens qui n'ont aucune façon d'en évaluer
la viabilité. Mais cela cantonnera les Palestiniens dans une entité fermée,
à laquelle Sharon travaille sans relâche, ouvertement, depuis un quart
de siècle. Ce sera un nouvel apartheid. Si
Abbas dit ''oui", il sera le dirigeant collaborateur qu'Israël
attendait. Il se passera alors deux choses : Abbas recevra le Prix Nobel
de la Paix (partageant fièrement la scène avec Sharon et Bush) et il
sera assassiné. S'il dit "non", Sharon bondira : ''Vous voyez
bien?!", dira-t-il, ''les Palestiniens ont une nouvelle fois refusé
une offre de paix généreuse! Il est évident qu'ils ne veulent pas la
paix!" Et Israël, soulagé, aura toute liberté pour étendre son
emprise sur les territoires occupés pour les années à venir.
Un proverbe chinois dit : "Si quelqu'un te trompe une fois c'est de sa faute, s'il te trompe deux fois, c'est de ta faute". L'offre généreuse, bien que fictive, a déjà fonctionné une fois. Il est de la responsabilité de tous ceux et celles qui recherchent une paix juste et durable de s'assurer que cela ne se reproduira pas. La viabilité est le diable qui se cache dans les détails. Jeff Halper est le coordinateur du Comité israélien contre les démolitions de maisons.
Texte
original en anglais : A
Palestinian prison-state? http://www.boston.com/news/globe/editorial_opinion/oped/articles/2005/04/11/a_palestinian_prison_state/
Traduction :
Véronique Viala
Retrouvez ce
texte en français sur le site de Rezo Citoyen à
l'adresse : http://www.rezocitoyen.org/article.php3?id_article=1271
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