La loi Internationale et l´occupation
israélienne
Par Laila Freivald
Discours de Laila Freivald, ministre des Affaires Etrangères Suédois, à
la conférence de Stockholm le 12 avril 05.
D´abord, laissez-moi exprimer ma gratitude et remercier les organisateurs
de m´avoir invitée à cet événement important. Les problèmes que vous
avez examinés aujourd´hui sont pertinents et difficiles.
J´observe le conflit arabo-israélien depuis que j´ai commencé mes études
de droit, à la fin des années 60. La plupart du temps, les développements
politiques ont été décevants. En tant qu´avocate, je me suis spécialement
intéressée aux aspects juridiques.
La Résolution 181 des Nations-Unies, 1947, sur la partition de la
Palestine a marqué le début d´un débat juridique qui n´est toujours
pas terminé. Aussi, comme ils le sont de nos jours, la validité de l´application
de la loi d´occupation, la question de Jérusalem, la quatrième
Convention de Genève et les droits de l´homme étaient déjà des problèmes
cruciaux.
Pour la Suède, comme pour la totalité de la communauté internationale,
le conflit israélo-palestinien reste depuis des dizaines d´années le
problème international majeur
En tant que partisan des principes qui fondent la loi internationale, du règlement
pacifique des conflits, des droits de l`homme et de l´autorité de la
loi, il est naturel que la Suède s´engage et travaille à faire avancer
la paix entre les Israéliens et les Palestiniens.
De plus, quand il y a violations des principes fondamentaux de la loi
internationale, agir est une obligation.
En même temps, le conflit israélo-palestinien contient des espoirs, des
rêves et des aspirations qui ne pourront jamais être analysés du seul
point de vue juridique. C´est un conflit sur lequel chacun à son opinion
sur ce qui ne va pas et sur ce qui est juste, sur qui a tort et qui a
raison.
A la base, c´est un conflit pour le territoire et l´autodétermination.
Comme tel, c´est un conflit dans lequel il devrait être possible d´avoir
recours à la loi internationale et d´obtenir l´accord des parties pour
s´y plier en toute bonne foi tout comme elles sont d´accord pour entamer
des négociations.
Aujourd´hui, la loi internationale recouvre un vaste espace mais exclut,
tout particulièrement, le problème complexe de la définition du
terrorisme. Dans ce débat nous devons reconnaître que le gouvernement
israélien a le droit et évidemment le devoir de protéger ses citoyens
contre les actes terroristes, mais qu´il doit le faire dans le cadre de
la loi internationale. On ne doit jamais accepter le terrorisme qui frappe
des civils.
Laissez-moi faire connaître vers le point de vue du gouvernement suédois
sur les aspects juridiques du conflit israélo-palestinien.
Toute solution à ce conflit doit se fonder sur la loi internationale, qui
comprend la Résolutions des Nations Unies 242, 338, et 1397. Seul un
accord mutuel entre les parties peut justifier qu´on s´écarte de ces
principes.
Des mesures prises sans le consentement de l´autre partie ne conduira à
aucune solution durable et viable du conflit ni à la reprise du processus
de paix.
Aussi, la Suède ne peut pas accepter que les colonies israéliennes
soient des "faits accomplis sur le terrain", quelque chose d´inévitable
qu´on devra prendre en compte quand se mettront en place les bases de la
négociation.
Le retrait israélien de Gaza ne peut pas être autre chose qu´une étape
vers la fin de l`occupation israélienne, et vers un accord sur un statut
final.
La Suède reconnaît que le premier ministre Sharon a pris un risque avec
l´initiative de Gaza. Mais "Gaza seulement" ne rapprochera pas
d´une solution pacifique et durable.
Comme Persson, le premier ministre (suédois), l´a souligné au cours d´une
récente visite en Israël et dans les territoires palestiniens, le
retrait de Gaza ne peut pas être un événement unique.
Une fois que tout le monde sera d´accord sur le fait que nous voulons
parvenir à une solution viable, la loi internationale sera l´outil le
plus important à notre disposition. Mais en l´absence de la nécessaire
volonté politique de la communauté internationale et d´une autorité
centrale internationale efficace, une question reste posée : comment
peut-on faire appliquer les principes de la loi internationale ?
Pour être honnête, la réponse c´est que c´est impossible.
Nous pouvons exhorter et encourager les parties à accepter et respecter
la loi internationale, mais nous ne pouvons pas l´imposer.
Nous pouvons encourager les parties jusqu´à un certain point, et leur
offrir, mais non leur imposer, nos bons offices.
Nous pouvons et nous devons réagir, mais nous avons tous vu que même de
lourdes condamnations de la part de la communauté internationale ont peu
d´impact sur les parties et sur la situation sur le terrain.
Certains ont suggéré d´utiliser nos relations commerciales avec les
parties pour les encourager énergiquement à changer.
Inutile de dire que toutes nos relations, y compris commerciales, bénéficieraient
grandement d´une solution pacifique à ce conflit. Pourtant, comme nous l´avons
vu dans bien d´autres conflits, le recours aux sanctions conduit rarement
au résultat voulu. C´est dès lors une voie que nous ne pourrions
envisager qu´après l´échec de toutes les autres mesures.
La loi internationale peut servir à guider ceux qui font la politique
mondiale. Je crois pourtant que ça devrait être beaucoup plus.
Les principes de la loi internationale , y compris ceux de la loi
humanitaire internationale et des droits de l´homme ne peuvent être négligés
à sa guise. Ils doivent rester au coeur des efforts internationaux pour
créer un monde plus sûr pour chacun. Notre rôle particulier est de le
rappeler à nos partenaires. Et de les encourager à modeler leurs
politique conformément à ces principes, dans le droit fil de notre détermination
à construire une société internationale fondée sur les règles du
droit.
Jamais peut-être cela n´a été plus important au cours de ces six dernières
années du conflit arabo-israélien qu´aujourd´hui
Alors que le conflit est passé par des périodes de calme et d´espoir,
et des périodes de violence extrême et de profonde défiance, il y a
toujours eu consensus international autour de l´idée que seule la loi
internationale peut permettre d´aboutir à une solution pacifique du
conflit.
Aujourd´hui, je perçois un dangereux changement, qui se détourne de ce
consensus.
Le retrait de Gaza ne doit pas autoriser une présence plus forte d´Israël
en Cisjordanie. Malheureusement, le retrait de Gaza semble avoir rendu la
communauté internationale moins disposée à s´intéresser à la
situation en Cisjordanie et à la question fondamentale de l´occupation
israélienne.
L´activité de colonisation israélienne en Cisjordanie n´a pas cessé.
Certains avant-postes, mais c´est loin d´être la totalité, ont été démantelés
après de considérables pressions internationales. Le gouvernement israélien
a récemment annoncé l´extension de la colonie Ma´ale Adumim, avec pour
objectif expresse de la relier à Jérusalem même. En même temps d´autres
colonies s´agrandissent sans bruit mais rapidement.
La construction de barrières de séparation continue, empiétant toujours
largement sur les territoires occupés, en dépit d´ajustements mineurs.
Israël affirme que la barrière est une mesure temporaire de sécurité
et n´est pas une frontière politique. La construction d´une
infrastructure très compliquée autour de la barrière et des colonies
suggère autre chose.
Tout cela est très alarmant, autant du point de vue politique que
juridique. D´autant que les aménagements sur le terrain sont maintenant
aggravés du fait qu´Israël n´envisage pas que les principes de base
pour de futures négociations soient ses frontières de 1967.
Au contraire Israël se réfère aux accords du premier ministre Sharon et
du président Bush d´avril l´an dernier.
Il est difficile d´échapper à l´impression qu´Israël n´acceptera de
négocier sur le statut final qu´avec le nouvel état de fait sur le
terrain comme point de départ. Certains avaient coutume de dire qu´il n´y
avait pas de partenaire palestinien pour les négociations. Je n´étais
alors pas d´accord.
Aujourd´hui nous sommes dans une situation où des élections libres et
honnêtes ont eu lieu et la légitimité de Mahmoud Abbas est
indiscutable.
Le cessez-le-feu de facto annoncé par les factions palestiniennes est un
autre pas positif et crucial.
Bien que ça n´ait pas été un préalable aux négociations, la réforme
interne entreprise par les palestiniens est la preuve des nouveaux efforts
du leadership pour bâtir une société basée sur la bonne gouvernance et
sur la démocratie.
Cette réforme va en progressant, lentement mais sûrement. Le président
Abbas doit maintenant s´attaquer à la corruption dans l´administration
palestinienne, et sans équivoque. D´autres étapes pour garantir le
contrôle civil sur les forces de sécurité devront être franchies.
Les lents progrès de la réforme, couplés à l´extension continue des
colonies et à la construction de la barrière, finissent par renforcer le
soutien aux groupes radicaux. Ce fait est visible dans les élections
parlementaires de juillet, comme nous l´avons déjà vu dans les élections
locales. Ainsi un nouveau paysage politique peut émerger avec des
ramifications potentielles pour faire repartir le processus de paix.
Mais c´est aussi une occasion rêvée pour le Hamas et autres
organisations de ce type.
Etant donné le passé du Hamas, ils doivent réaliser que nous avons de sérieux
doutes sur le fait qu´ils soient prêts à abandonner leurs activités
terroristes.
Mais il est temps pour eux de choisir ; s´ils s´engagent honnêtement
dans un processus politique, avec toutes ses implications, et jouent le
jeu, nous devons nous préparer à les regarder comme de futurs
partenaires sur le chemin de la paix. Mais ainsi que je l´ai dit il est
temps pour eux de se décider ! Et de rejoindre ceux d´entre nous qui
veulent voir deux états indépendants et démocratiques vivre côte à côte
dans la paix et la sécurité. Et à ceux qui en Cisjordanie, à Gaza et
dans les pays de la région soutiennent les activités terroristes, ils
doivent, eux aussi, se décider.
Le terrorisme ne pourra jamais être acceptable. Le terrorisme est une
violation absolue des droits de l´homme fondamentaux et de la loi
internationale.
Maintenant, laissez-moi me tourner vers les obligations de la communauté
internationale.
A travers le Quartet en particulier, la communauté internationale a un rôle
crucial à jouer en soutenant et en encouragent les partis à avoir du
courage et de la volonté politique.
Le sommet de février dernier à Sharm el Sheik a été suivi en moins d´un
an d´une première rencontre au sommet du Quartet. Ce qui a été
positif. Mais ce n´était pas suffisant.
Nous, la communauté internationale devons faire plus si nous voulons
continuer à être des instigateurs dignes de confiance de la Feuille de
route ce qu´ont accepté les parties.
Nous devons aussi encourager et soutenir fortement toute initiative qui a
pour but d´atteindre à une solution pacifique.
La seule initiative de cette importance a été la déclaration de
Beyrouth de 2002. Déclaration dans laquelle les membres de la Ligue Arabe
pour la première fois unanimes, ont accordé à Israël leur complète
reconnaissance en échange de son retrait total dans ses frontières de
1967.
Mon point de vue c´est que la communauté internationale ne peut pas
jouer de rôle dans ce conflit si elle, ou certains de ses membres,
abandonne sa foi dans la suprématie de la loi internationale.
Quelles que soient les assurances qu´Israël a reçues à cet égard, la
communauté internationale doit continuer à réclamer qu´une solution au
conflit soit basée sur les résolutions pertinentes des Nations Unies.
Pratiquement, cela signifie que la communauté internationale, à
commencer par les membres du Quartet, doit faire respecter les principes
suivants :
- Toute solution au problème des réfugiés palestiniens qui n´aurait
pas été approuvée par les parties concernées dans des négociations
directes ne sera pas acceptable
- Tout changement dans le statut de Jérusalem qui n´aurait pas été
accepté par les parties concernées dans des négociations directes ne
sera pas acceptable
Et finalement
- Tout changement des frontières d´avant 1967 qui n´aurait pas été
accepté par les parties concernées dans des négociations directes ne
seront pas acceptables.
Abandonner ces principes fondamentaux aurait de sérieuses conséquences
pour la loi internationale.
Cela constituerait un renoncement à la suprématie de la loi
internationale comme base de résolution des conflits et serait une tacite
reconnaissance du droit d´acquérir des territoires par la force.
Le dommage juridique serait comparable au dommage politique. Il est
hautement probable que dans ce conflit tout accord qui ne serait pas basé
sur la loi internationale ne sera pas non plus juste, ni durable, mais
seulement temporaire et illusoire.
Il y aurait beaucoup moins de chances de rencontrer l´approbation des
Israéliens et des Palestiniens, des peuples du Proche Orient et de l´opinion
publique internationale.
C´est pourquoi le futur de ce conflit, ainsi que celui du Proche Orient
comme un tout, dépend de la manière dont nous et les parties concernées
décideront d´utiliser les instruments qu´offre la loi internationale
Source : www.sweden.gov.se
Traduction : CS pour ISM : www.ism-france.org
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