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Jerusalem Post, 3 avril 2005
Le
Hamas et le Fatah se battent pour l'âme d'une ville
par Matthew Guttman
En
apparence, le conflit entre le nouveau maire élu du Hamas et les
représentants du Fatah au sein du conseil municipal de Bidya tourne
autour
de problèmes moraux, comme la pornographie. Mais si l'on gratte un peu,
on y
trouvera une lutte pour l'âme du futur Etat de Palestine.
Aux dernières élections municipales palestiniennes, les représentants
du
Hamas ont conquis 21 municipalités sur 37 : quasiment un raz de marée,
qui
montre la fragilité du Fatah, principales force politique palestinienne.
Ici, à Bidya, 10.000 habitants, le Hamas et le Fatah se battent pour le
contrôle d'un petit centre culturel, sans nom officiel, encore à l'état
de
plan. Les armes sont le plus souvent les sourires onctueux et les
vigoureuses poignées de main.
Notre but, dit le maire Hamas, Ramadan Shtat, est que
tout soit conforme
à la morale islamique, et notre centre culturel doit faire partie de
cette
chaîne.
Pourtant, les élus du Fatah au conseil municipal, comme Mustafa Da'as,
craignent l'imposition de ce qu'ils appellent le contrôle des
esprits islamique, et soulignent que la religion doit être séparée de la
politique,
et en tout cas du centre culturel municipal.
Quatre des 11 conseillers municipaux de Bidiya ont rencontré mercredi
dernier un journaliste dans le bureau de Ramadan Shtat. La pièce meublée
à
la spartiate est ornée d'une grande coupe débordant de chocolats, sur la
table de conférence. De l'autre côté de la table, le conseiller
municipal
Souleiman Taha (Fatah) dit : si le Hamas contrôle le centre culturel, ils
en
feront un centre de recrutement". Après une pause, il ajoute avec un
petit
rire : si c'était nous qui le contrôlions, nous aurions
probablement fait
de même.
Les deux représentants du Hamas débattent avec les deux représentants
du
Fatah sur le contenu du site internet du centre culturel. Shtat : si
internet est utilisé d'une manière musulmane, alors tout va bien. Mais
il ne
faut pas qu'il contrevienne à la morale musulmane. Ses opposants du
Fatah
objectent qu'un "internet musulman manquerait son objectif, qui
est
d'élargir les horizons des jeunes de la ville.
Question suivante : quelle sorte de livres doit être acquise par la
bibliothèque. Toutes sortes, répond Da'as, du Fatah. Le
maire Shtat, du
Hamas, secoue la tête vigoureusement. : l'islam permet tous les
livres, à
partir du moment où ils ne sont pas perçus comme une atteinte morale à
l'islam.
Da'as : ils veulent mettre de l'islam partout, dans les livres, la
culture,
internet, le sport, ils veulent enseigner l'islam, et nous, nous voulons
qu'il reste en-dehors des débats.
Pilier du Fatah à Bidya, Da'as est convaincu que le Hamas a l'intention
de
détruire tout ce que Mahmoud Abbas est en train de construire. Le Fatah
cherche à mettre fin à l'occupation par la négociation, dit-il, alors
que le
Hamas veut le faire par la guerre. Instiller cette idée chez les jeunes
de
la région pourrait provoquer un désastre, pas seulement pour le centre
culturel, mais pour la société [palestinienne] tout entière.
Malgré l'agitation autour de lui, le centre culturel de Bidya sera un
édifice modeste de trois étages, qui comprendra une bibliothèque, des
salles
de jeux, une salle internet, des bureaux administratifs et des salles de
conférence pour les groupes de femmes locaux. Mais il faut dire qu'il
desservira les 350.000 habitants des villages environnants, ce qui
explique
que son contrôle fasse l'objet de tant de convoitise.
Les partenaires de l'Union européenne de Bidya exigent que la ville
investisse 20% de 200.000$, coût total du centre culturel
Elu le 23 décembre, Ramadan Shtat dit considérer que sa nouvelle
fonction
n'est pas politique, mais un service public.
Malgré les grincements de dents du Fatah, le maire Hamas est en train de
gagner la bataille pour le coeur et l'esprit de ses administrés. Le sol
déjà été cassé pour préparer le remplacement de l'antique système
de
canalisations, qui laissait fuire environ 45% de l'eau municipale. La
Ville
a acquis de nouveaux transformateurs, pour relancer une électricité
vacillante et éviter les déperditions. Mieux, triomphe Ramadan Shtat,
les gens payent enfin leurs factures, dans une ville dont le budget est
dans le rouge.
La confiance dans la nouvelle équipe municipale a fait monter en flèche
les
recettes venues des factures d'eau et d'électricité, de 63.555 shekels
en
novembre, un mois avant son élection, à 645.000 shekels en février.
Les gens se sentent bien avec nous, parce que, contrairement à l'ancien
conseil
municipal, nous sommes vraiment élus", dit Shtat, déclaration qui
suscite
l'approbation de ses collègues du Fatah.
Avant l'arrivée au pouvoir du Hamas, la réalisation de projets comme le
centre culturel de Bidya semblait impossible. Des conseils municipaux
auto-désignés ont dirigé la ville depuis les dernières élections, en
1976.
Peu de réalisations, et des équipements qui s'érodent.
A Bidya, l'une des clés de la confiance accumulée par le Hamas tient à
son
action sociale, explique Shtat. Imam très présent, Shtat a travaillé
ces
dernières années à la construction d'une école élémentaire, entre
autres
projets.
/...
Les gens voulaient voir des têtes nouvelles, dit Ramadan
Shtat. De fait,
la plupart des élus ont moins de 40 ans. Le maire et son ami Maher Taha,
le
muezzin de la mosquée, ont tous deux 33 ans. Le cousin de ce dernier,
également élu, a 29 ans.
Le Fatah est si inquiet de la montée du Hamas qu'il a commencé à
diffuser un
nouveau slogan : la religion est pour Dieu, le pays est pour
tous,
rapporte le quotidien Al-Ayyam. Slogan qui va résolument à l'encontre de
celui du Hamas : l'islam est la solution.
L'analyste politique Muhammad Abdel Hamid, de Ramallah, craint que
la montée du Hamas ne provoque un énorme changement dans la société
palestinienne, dans le sens islamique, et cela, que le Hamas prenne le
contrôle de l'Autorité palestinienne ou non. Et, ajoute-t-il,
cette atmosphère de conservatisme social et religieux pourrait aliéner
une
grande partie de la société palestinienne.
A Bidya, en tout cas, l'islam n'est peut-être pas la
solution, mais sa
dynamique semble irréversible. L'Autorité palestinienne ou l'Union
européenne pourraient forcer le Hamas à laïciser le centre culturel.
Mais
les représentants du Fatah à Bidya n'y croient pas.
Avec la solide majorité dont il dispose, soit 7 sièges sur 11, il
n'existe
aucun moyen légal pour le Fatah de bloquer le contrôle du centre
culturel
par les islamistes, explique Shtat.
Eh oui, plaisante Shtat en s'adressant à ses rivaux du Fatah,
c'est ça,
la démocratie!
Diffusé par Balanced Middle East News
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