Les déclarations officielles israéliennes,
proclamées par le premier ministre Ariel Sharon et son ministre
de la défense Shaoul Mofaz ne laissent aucun doute sur le fait
que le retrait de la bande de Gaza et le démantèlement des
colonies, nommés plan de désengagement unilatéral, sont
considérés comme "un pas extrêmement douloureux" pour
l'Etat hébreu et ses diverses stratégies. Les opposants israéliens
ont appelé cela défaite face aux Palestiniens et violation des
inviolables.
Les déclarations de Sharon et de Mofaz,
ainsi que de leurs adeptes, ont essayé de faire passer le plan,
grâce à deux arguments : le premier étant l'impossibilité de
conserver les colonies au centre d'une densité de population
aussi forte que celle de Gaza, ou selon leurs expressions
"le désengagement de Gaza est inéluctable car aucune
colonisation juive ne peut vivre dans le coeur de la bande de
Gaza, qui est fortement peuplé d'une population hostile,
inaccueillante, pauvre et indigente".
En réalité, si cela avait été la raison
véritable, Gaza ne serait pas resté 38 ans sous occupation et
les colonies n'auraient pas duré 30 ans. Est-il possible que l'équation
démographique soit comprise seulement aujourd'hui ?
S'il en était ainsi, pourquoi la même équation
n'est-elle pas appliquée à la Cisjordanie, ou bien à la présence
de l'Etat d'Israël, lui-même, la grande colonie au coeur du
monde arabe et islamique, auquel s'applique nécessairement cette
équation, si ce n'est aujourd'hui, au moins dans cinquante ans ou
plus ? car le fossé démographique ira en s'aggravant.
Quant au second argument, c'est la nécessité
de se retirer pour conserver 6 grands blocs de colonisation en
Cisjordanie.
La question actuelle est de savoir pourquoi la
stratégie a été modifiée si la question de l'occupation de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza n'est pas en recul, alors
qu'elle était en situation d'avancée et d'élargissement, il y a
quelque temps ?
Il faut également remarquer la déclaration
de Mofaz, expliquant le plan Sharon, concernant le maintien des
six blocs de colonisation, disant que ces colonies "tracent
les frontières orientales de l'Etat d'Israël, qui devraient être
aptes à être défendues et qui nous assurent une profondeur
stratégique".
Parler des frontières orientales est
vraiment remarquable, sachant que "la stratégie israélienne
a toujours été et est celle de ne jamais définir les frontières
de l'Etat hébreu".
Puis le ministre de la défense, ancien chef
de l'armée israélienne, s'est rappelé pour dire que "la sécurité
d'Israël sera toujours basée sur la puissance qualitative de
l'armée israélienne" ce qui dévoile que la prétention à
vouloir une profondeur stratégique signifie en réalité
l'annexion d'al-Quds et 60% des terres de la Cisjordanie, avec son
démantèlement total en vue de s'accaparer de toute la
terre contenant les richesses aquatiques de la Cisjordanie.
La preuve que la sécurité de l'Etat hébreu était
préservée avant même l'occupation de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza est qu'il s'appuyait d'abord sur le soutien américain,
héritier du communiqué tripartite émis par la Grande-Bretagne,
la France et les Etats-Unis, pour le maintien des frontières de
l'armistice de 1949 et ensuite, sur la puissance de l'armée israélienne,
et non à cause de la profondeur stratégique ou des lieux stratégiques.
A partir de là, il faut voir dans le démantèlement
des colonies et le retrait de la bande de Gaza, inconditionnel et
sans négociation avec l'Autorité Palestinienne, soit le plan de
Sharon, une défaite de la stratégie israélienne consistant à déployer
ses colonies et maintenir son occupation. Tout comme ils sont une
défaite de la stratégie militaire israélienne qui a réoccupé
les régions A en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en vue de détruire
la résistance et l'Intifada du peuple palestinien.
Pour cela, lorsque le démantèlement des
colonies et le retrait de la bande de Gaza sont célébrés,
lorsque les 6 blocs de colonies sont délimités, lorsque le mur est
conçu comme "les frontières orientales" de l'Etat hébreu,
cela doit être porté au crédit de la stratégie de la résistance
et de l'Intifada palestinienne, qui ont imposé à Sharon, à son
gouvernement et à son parlement de passer à une stratégie de désengagement
unilatéral.
C'est ce qui doit nous rappeler les martyrs
de l'Intifada et de la résistance, et en premier lieu les martyrs
cheikh Ahmad Yassine, dr. Abdel Aziz Rantissi, tous les dirigeants
et les cadres des brigades des martyrs Izzidine al-Qassam (Hamas)
des Brigades d'al-Quds (Jihad), des brigades des martyrs d'al-Aqsa
(Fateh), des Brigades d'Abu Ali Mustafa (FPLP), ainsi que les
martyrs de toutes les organisations palestiniennes qui ont
contribué à l'Intifada et à la résistance.
Il faudrait aussi rappeler que le précédent
président palestinien, Yasser Arafat, a été tué empoisonné à
cause de son rôle dans l'Intifada et la résistance populaire, il
est tombé martyr après avoir apporté sa contribution à cette
victoire que nous pouvons célébrer aujourd'hui.
A cette occasion, si le mouvement Fateh ne
veut pas reconnaître que la victoire est due à l'Intifada et la
résistance, il ne fait que nier le droit des martyrs d'al-Aqsa,
le droit de Yasser Arafat, et même son propre droit, ce que la
vaine politique des négociations ne saurait compenser.
Il est vrai que la contrainte de la
direction israélienne à mener ce pas, jugé comme un recul
ou une défaite, n'a pas été réalisé par l'Intifada, la résistance
et le sacrifice populaire sur le terrain, mais les conséquences négatives
de la stratégie de l'Intifada et de la résistance sur l'économie
israélienne, sur la société et les forces politiques, sont trop
importantes pour pouvoir être niées.
Cette stratégie a réussi à modifier
l'opinion occidentale envers l'Etat hébreu, qui est devenu une
force d'occupation raciste commettant des crimes de guerre, et en
le considérant comme le pays les plus menaçant
pour la sécurité et la paix dans le monde. C'est ce qu'a
indiqué d'ailleurs un sondage de l'opinion européenne où 59%
des Européens l'ont ainsi considéré, ce qui a secoué l'Etat de
l'occupation et les organisations sionistes mondiales. Il s'agit
d'un coup porté à vif à une des principales sources de la
puissance de l'entité sioniste.
Mais cette victoire réalisée par le peuple
palestinien reste partielle et peut se transformer en son
contraire si la future stratégie israélienne n'est pas abattue,
celle qui consiste à transformer sa défaite en acquis historique
permanent, si elle parvient à maintenir le fait accompli par le
mur, l'annexion d'al-Quds et le démantèlement de la Cisjordanie
qui en découle, ce qui obligera des centaines de milliers de
jeunes et de familles à émigrer, au cas où la situation
actuelle se stabilise, que la trêve se perpétue, en considérant
que la réalisation dans la bande de Gaza est une victoire qui
nous autorise à "dormir sur du velours", ce qui
signifie se préoccuper uniquement de son contrôle et de son développement.
Le risque d'enlisement sera plus grand si
certains chercheront à dépouiller les organisations de la résistance
de leurs armes, avant de se diriger vers la constitution
d'un mini-Etat provisoire sous le prétexte de poursuivre des négociations
afin d'appliquer la feuille de route qui deviendra le plan de
Sharon dans sa totalité. Ce qui va être mis en avant, c'est la
stratégie israélienne, après le retrait, si le minimum exigé
par l'Autorité est accompli : le contrôle du passage de
Rafah, le contrôle des espaces aérien, maritime et terrestre
vers la Cisjordanie.
Plusieurs questions sont actuellement posées
par les analystes politiques comme, par exemple : quelles seront
les relations entre les organisations palestiniennes et l'Autorité,
et notamment entre l'Autorité, le Fateh et le Hamas, concernant
les armes de la résistance ? Comment la bande de Gaza sera
administrée et quelle est la stratégie palestinienne à ce
propos et à propos de la Cisjordanie ?
Mais aussi quelles sont les équations
palestiniennes et arabes dans leur relation avec la stratégie
sharonienne qui insiste à conserver la grande région d'al-Quds,
les six blocs de colonie et le mur et ses conséquences, qui
veut mettre fin à la revendication du droit au retour considérant
que tout ceci n'est pas du domaine des négociations ? Quelle sera
la position si le plan sharonien de démantèlement des colonies
et le retrait de la bande de Gaza est considéré comme "une
réalisation historique" tel que le perçoit l'administration
américaine, pour laquelle l'Etat hébreu doit être récompensé
par une normalisation des relations et une reconnaissance arabes ?
Toutes ces questions peuvent avoir une réponse brève,
simple et décisive : l'occupation est toujours là malgré
la victoire partielle, et il n'y a aucun changement autorisant à
changer la stratégie consistant à mettre fin à
l'occupation, totalement, et en premier lieu à sauver la partie
orientale d'al-Quds, à démanteler les colonies et le retour aux
frontières de l'armistice de 1949.
L'acquis réalisé dans la bande de Gaza,
s'il se réalise entièrement, ne doit pas devenir une entrave
pour les Palestiniens craignant qu'elle ne soit réoccupée ou
bombardée. Une résistance populaire doit se poursuivre, avec les
célébrations à l'occasion de cette victoire, qui ne
prendra sa réelle signification que si la stratégie de
l'Intifada et de la résistance se poursuit, et le retour à
la stratégie de la résistance armée si l'armée israélienne
utilise la violence qu'elle n'a d'ailleurs jamais arrêté, pour
empêcher le processus de la libération totale.
La décision palestinienne, arabe et
islamique, à tous les niveaux de chaque Etat dans le monde et au
niveau de l'opinion internationale, est extrêmement important,
car il s'agit de ne pas autoriser Sharon à faire que le retrait
de Gaza soit le premier et le dernier pas, à empêcher qu'il
impose son agenda aux Palestiniens en passant par les Arabes et
les Musulmans, pays et peuples y compris, et par l'opinion
publique internationale.
Ce qui a imposé à Sharon ce recul de la
bande de Gaza peut lui imposer la même chose pour toute la
Cisjordanie, car il n'a plus d'argument après avoir démantelé
les colonies, pour refuser à le faire, pour refuser le retrait,
pour prendre la décision de la démolition du mur, sans condition
aucune.
C'est pour cela que tous ceux qui font la
différence entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, prenant en
compte les points de vue israéliens, qu'ils soient du Likoud ou
des travaillistes, sont dans l'erreur. Sinon que signifie donc la
stratégie de l'occupation et de la colonisation de la bande de
Gaza pendant 38 ans ?
Traduit par : Centre d'Information sur la Résistance
en Palestine
|