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Ha'aretz, 24 août 2005
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Comme cela se passe en général quand il
s'agit des relations israélo-palestiniennes, les Arabes israéliens
ont été tenus à l'écart du plan de désengagement.
Ne faire aucun cas des Arabes israéliens, de la part d'Israël
comme des Palestiniens, c'est ce qui a caractérisé l'histoire du
dialogue entre les deux parties. Pour la cérémonie de signature
des accords d'Oslo à la Maison Blanche, Yitzhak Rabin a emmené
avec lui 15 personnes, censées représenter les différentes
facettes de la société israélienne. Interrogé sur la raison pour
laquelle il n'avait pas jugé bon d'y inclure ne serait-ce qu'un
Arabe israélien (alors qu'à l'époque, sa coalition parlementaire
comprenait le bloc arabe), il répondit sans hésitation :
"parce que nous allons signer un traité de paix entre Israël
Etat juif et l'OLP".
Ariel Sharon a eu besoin des votes des députés arabes à la
Knesset, mais il n'a jamais envisagé de leur demander leur
soutien, de peur, évidemment, qu'une pareille demande fuite à la
presse et aide ainsi la droite opposée au plan de désengagement.
Car on sait que rien n'énerve davantage l'opinion israélienne que
de savoir que les Arabes sont en faveur de quelque chose. Ce qui
explique que Sharon envoya aux Arabes des émissaires du Parti
travailliste, pour les presser de voter pour le plan, malgré leurs
réserves.
Car, à l'exception des députés de la Liste arabe unie Abdulmalik
Dehamshe et Talab al-Sana, qui ont soutenu le plan depuis le départ,
tous les autres parlementaires arabes s'y étaient opposés,
s'exprimant à foison dans les médias et le décrivant comme un piège
concocté par Sharon pour éviter d'avoir à appliquer la Feuille de
route et pour renforcer la colonisation en
Cisjordanie. Au dernier moment, les députés arabes se sont
abstenus lors du vote, pour ne pas faire échouer le plan.
Néanmoins, il s'avère que les Arabes en Israël, contrairement aux
positions adoptées par leurs représentants à la Knesset, ont
largement soutenu le plan. Cela est étayé, non seulement par les
sondages, mais aussi par leurs actes. Après l'acte terroriste à
Shfar'am, le public arabe a fait preuve de responsabilité, et a
refusé de suivre certaines suggestions incendiaires (venues du
dedans comme du dehors de la communauté arabe), de faire des démonstrations
de force et d'échauffer l'atmosphère. On a dit qu'il ne fallait
pas permettre à l'extrême droite de faire échouer le retrait. Et
ainsi, tout le monde, dirigeants politiques, imams et presse, a évité
l'escalade.
A Shfar'am, on a reçu à bras ouverts, et avec un réel sentiment
de chaleur, les nombreux Juifs venus présenter leurs condoléances.
La plupart des orateurs ont souligné qu'il fallait poursuivre les
bonnes relations entre les deux peuples. Et ce message n'était pas
réservé exclusivement à
l'opinion publique israélienne, mais aussi à l'opinion publique
pan-arabe, à travers les chaînes de télévision arabes qui
avaient envoyé dix équipes dans cette petite ville du Nord d'Israël.
Il ne fait aucun doute que le message a été reçu, et qu'il a eu
un effet sur les organisations palestiniennes extrémistes, qui ont
choisi, elles aussi, de ne pas réagir à l'acte terroriste. De manière
générale, l'opinion publique palestinienne a intériorisé le fait
qu'en dépit de son caractère
unilatéral, le plan de désengagement sert aussi ses intérêts ,
et elle n'aurait pas accepté de voir sa mise en oeuvre freinée.
Pour la même raison, les organisations palestiniennes n'ont pas réagi
non plus à l'attentat terroriste de Shilo. Tout le monde savait
qu'une réaction éventuelle n'aurait pas été bien vue du tout par
l'opinion palestinienne.
Ceci est un exemple du potentiel des Arabes israéliens à
fonctionner comme élément conciliateur entre les deux peuples qui
vivent dans ce pays. Et pourtant, ce phénomène est largement ignoré.
Bien plus, il y a ceux qui préfèrent voir que chaque avancée dans
les relations entre Israël et le
monde arabe s'est inscrite dans la conscience des Arabes israéliens
comme un événement traumatique : après le traité de paix avec l'Egypte,
des membres de la tribu [bédouine] de Al-Azazma ont été chassés
de leurs terres du Néguev pour faire de la place aux manoeuvres de
l'armée israélienne ; et les accords d'Oslo ont conduit à
l'assassinat de Rabin, et tous les gouvernements qui lui ont succédé
ont intensifié la discrimination envers les Arabes israéliens.
Aujourd'hui, après le plan de désengagement, on parle de plans de
développement de nouveaux villages dans le Néguev et en Galilée.
14 nouveaux villages. Et pas un seul village arabe.
(1) Nazir Majali est spécialiste des affaires israéliennes pour
plusieurs
chaînes de télévision arabes et pour le quotidien londonien en
langue arabe
Asharq Al Awsat.
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