"Vous ne pouvez pas venir ici et mettre le bazar" aboie
Neta Golan aux activistes étrangers qui se baladent dans sa cuisine
pendant leur pause déjeuner.
"C'est la maison de quelqu'un, vous savez : il y a une cuisine
dans l'autre appartement," leur dit-elle.
"Ils ne comprennent pas que c'est grossier de faire irruption
dans la maison de quelq'un ici - ils ont beaucoup à
apprendre," dit Golan au sujet des internationaux qui sont
venus aider à soutenir des Palestiniens dans la résistance
non-violente.
Juste une autre journée de formation culturelle pour Golan et le
Mouvement International de Solidarité (ISM), pendant laquelle
l'activiste israélienne de 34 ans explique aux volontaires étrangers
quand ils peuvent prendre des photos, la façon se comporter dans
les maisons des gens et comment respecter les Palestiniens locaux.
Neta Golan - activiste, mère de deux enfants et épouse dévouée
– fait voler en éclats tous les stéréotypes qu'un Arabe peut
avoir au sujet des juifs israéliens:
Elle lutte pour les droits des Palestiniens, elle vit à RamAllah,
et elle est mariée à un Palestinien de Naplouse avec qui elle a
deux enfants (Nawal, 2, et Shaden, 14 mois).
Il y a quatre ans, peu de temps après le début du deuxième
intifada, ou soulèvement, elle a co-a fondé l'ISM, un mouvement
non-violent qu'elle décrit comme un mouvement dirigé par des
Palestiniens et aidés par des étrangers, dans lequel les
volontaires aident à faire prendre conscience de la situation
difficile des Palestiniens et à mettrefin à l'occupation israélienne.
Volontaires juifs
Plus de 4000 volontaires du monde entier ont participé à l'ISM.
Environ 20% de ces volontaires sont juifs.
Les choses n'ont pas toujours été ainsi pour Golan, qui a grandi
à Tel Aviv, ignorant jusqu'à l'âge de 15 ans que les Palestiniens
vivaient sur la même terre ou, pire, qu'ils étaient victimes de
l'occupation.
"Nous avons fait un genre de voyage scolaire et il y avait une
femme qui parlait de gens qui n'étaient pas autorisés à
s'organiser politiquement, qui étaient arrêtés sans motif, leurs
maisons étaient démolies, et j'ai dit : Attendez une seconde,
vous parlez d'un pays sud-américain ou de quelque chose, n'est-ce
pas?" se souvient Golan, qui est née d'une mère juive
ultra-orthodoxe et d'un père sioniste.
"Pour moi, le monde s'écroulait. Je ne pouvais pas croire que
cela se passait en Israel. En grandissant, on m'a toujours dit que
nous étions les victimes, que nous n'avais jamais nui à qui que ce
soit," dit Golan.
Lors de la période d'Oslo, Golan a commence à dialoguer avec les
Palestiniens et elle a rencontré son future mari.
Faux espoirs
Pour Neta et beaucoup d'autres, Oslo a apporté la promesse de la
paix - une promesse qui se montrerait bientôt fausse, dit-elle.
"Moi et beaucoup d'autres ont pensé naivement que les choses
se dirigeaient vers un certain genre de solution. Pour les Israéliens,
le problème était résolu...
Donc, entendre les Palestiniens dire qu'il n'y avait même pas un
processus de paix, que les choses n'étaient pas bonnes, les
entendre dire : "Nous attendons que les choses s'améliorent,
puis après quelques années, "Cela nous est égal, il faut que
cela change, c'est insupportable" choquait" dit Golan.
"Le message que nous entendions était que cela allait
exploser."
Selon Golan, personne ne voulait entendre ce message, pas même les
touristes politiques à qui, elle et son fiancé d'alors, Nizar
Kammal, faisaient visiter la Cisjordanie.
"Ils disaient : "Donnez du temps'. Vous avez le temps
quand vos gosses ont un futur, quand vous avez l'espoir. Vous avez
le temps quand votre vie est supportable et de l'espoir pour vous-même
et vos enfants, mais en Palestine cela n'existait pas" raconte
Golan.
C'est quand le deuxième intifada a commencé, que nous avons eu
l'idée de l'ISM.
"Je pensais que la communauté internationale serait choquée
du massacre systémique des jeunes (palestiniens) non-armés. Je ne
pensais pas qu'elle, ou la communauté israélienne, l'accepterait.
Et nous avons pensé que si nous manifestions, cela pourrait être
arrêté" dit Golan.
"Je ne pensais pas, même dans mes pires cauchemars que,
cinq ans plus tard, il soit devenu normal que des civils non-armés
soient abattus."
Commencer par des gardes
Golan a commencé par organiser des gardes devant le bureau du
premier ministre, sous la menace d'attaques par des colons Juifs.
Alors l'armée israélienne a commencé à bombarder les villages de
Beit Sahour et de Beit Jalla à côté de Bethlehem, qui plus tard
est devenu une cible elle-même.
Golan a pris contact avec une amie, Luisa Morgantini, du
Parlement Européen, et a diffusé une invitation sur internet pour
que des personnes viennent rejoindre une série d'actions pour
soutenir les Palestiniens.
"et cela s'est matérialisé par une une marche, la population
de Beit Sahour avec des internationaux, jusqu'à la base militaire
israélienne qui bombardait le secteur.
Nous sommes allés armés d'une lettre destinée aux soldats leur
demandant de démanteler la base." dit Golan.
Golan a commencé à organiser d'autres protestations et
interventions, et un incident a approfondi son sens de la
responsabilité dans le mouvement.
Une confrontation a éclaté entre les soldats Israéliens et les
villageois palestiniens qui essayaient de passer un checkpoint israélien.
"Un autre israélien et moi nous sommes positionnés au milieu
- entre les Palestiniens et les soldats et les colons - et je crois
que c'est parce que nous étions là que les soldats n'ont pas tiré,
et les villageois ont pu ouvrir le barrage routier."
Un enfant tué
Le jour suivant, des heurts ont encore éclaté, mais cette fois-ci
Golan n'était pas là. Elle plus tard a appris qu'un enfant du
village, l'un de ceux qu'elle avait vu et protégé le jour précédent,
avait été tué par des troupes israéliennes.
En décembre 2000, Golan a joint ses forces à une Palestino-Américaine,
Huweida
Arraf, qui organisait ses propres protestations et à Ghassan
Andoni, professeur de physique à l'université de BirZeit
et fondateur de l'IMEMC (International Middle East Media Centre – http://www.imemc.org).
Plus de 4000 volontaires ont travaillé avec l'ISM
Esemble, ils ont choisi le nom d'International Solidarity Movement
pour leur groupe et ils ont débuté le site internet : http://www.palsolidarity.org
"Si n'était la le rêve partagé de nombreuses personnes,
(ISM) n'aurait pas existé." dit Golan
L'activisme de Golan a un prix.
En avril 2001, elle a été arrêtée pour s'être enchaînée à
des oliviers palestiniens visés par des bulldozers israéliens.
Elle a passé trois jours en prison.
Golan
a également subi des interrogatoires et un procès en raison de
sa présence illégale en Cisjordanie. On interdit aux Israéliens
d'entrer dans le secteur A selon les accords d'Oslo, théoriquement
contrôlé par les Palestiniens, sans autorisation de l'armée israélienne.
Le fait que son mari soit un résident de Naplouse ne l'exempte pas
de cette interdiction. De même, on interdit aux Palestiniens
d'entrer dans les zones contrôlées par les Israéliens sans
permis.
Nouveau rôle
"Je plaisante toujours que nous sommes une union illégale. Il
y a nulle part où nous pouvons habiter légalement. Ce ne peut pas
être en Israel et je ne peux pas être dans le secteur A. Je dois
sortir furtivement de Naplouse et de RamAllah" ajoute Golan.
Après avoir donné naissance à ses enfants, Golan est passé de la
participation aux protestations au contact avec les médias, au
soutien juridique et à la formation culturelle au bureau de l'ISM.
Lors de la formation, les nouveaux venus sont formés à la résistance
non-violente.
"Nous leur enseignons comment ne pas être touchés par des
tirs, par exemple," dit-elle.
Dans certains cas, la participation à l'ISM a coûté la vie des
activistes.
Deux volontaires, Rachel
Corrie et Tom Hurndall, qui étaient postés à Rafah à l'extrème
sud de la bande de Gaza, ont été tués par les forces israéliennes
en dépit des marques claires indiquant leur statut civil en avril
2003.
Corrie,
que Golan a formée, a été écrasée par un bulldozer blindé israélien
et Hurndall
a été abattu par un tireur isolé israélien d'une balle dans
l'arrière de a tête pendant qu'il protégeait fes enfants
palestiniens qui étaient pris sous les tirs à Rafah.
Le
soldat qui a tué Hurndall a été condamné d'homicide involontaire
dans une rare décision du tribunal militaire et pourrait être
condamné à 20 ans en prison lorsque la sentence sera prononcée en
août.
Activistes empêchés d'entrer dans le pays
Un autre volontaire, Brian
Avery, a été gravement blessé par le tir d'une arme
automatique israélienne la même année. Il porté son cas devant
la Haute Cour de Justice israélienne, pour exiger que les
militaires israéliens enquêtent sur le tir.
Peu de temps après les décès, Israel décidé d'empêcher les
activistes pro-Palestiniens d'entrer dans le pays et a essayé
d'expulser plusieurs de ceux qui étaient présents.
"Cela rend le voyage pour venir ici bien plus difficile et coûteux.
Ils prétendent que nous sommes des 'touristes terroristes', que
nous soyons financés par l'Autorité Palestinienne ou la
C.I.A" dit Neta Golan
Plus de 80 activistes de l'ISM ont été arrêtés, et des centaines
ont été refusés d'entrer.
La déportation était un problème qu'il pouvaient gérer, dit
Golan, mais le refus d'entrée était une autre histoire, impliquant
"un travail sérieux de renseignement".
Toute personne connue qui venait dans les Territoires Occupés pour
n'importe quel genre de travail de solidarité ou des droits de
l'homme était une cible.
Campagne de cueillette des olives
Mais Golan dit que cela ne les arrêtera pas. L'ISM organise l'Eté de
la Liberté 2005, une campagne de 57 jours (un jour pour
chaque année de déplacement et de dépossession depuis 1948)
contre l'occupation israélienne.
Après cela, on projette une campagne de cueillette des olives au
cours de laquelle les activistes étrangers aident les villageois
palestiniens à ramasser leurs récoltes sans risque.
Le groupe continue à soutenir les protestations non-violentes
contre le Mur dans les villages de Bilin,
de Beit
Surik et de Salfit
tout comme ils aident à protéger les communautés palestiniennes
souffrant de la violence des colons et de l'armée dans l'enclave de
Hebron à Qawawis.
"Beaucoup de gens dans le monde n'apprécient pas l'équation
que votre sang peut avoir plus de valeur que celle d'un autre."
ajoute Golan.
"Mais c'est la réalité. Et pour moi, le nouvel anti-sémitisme
est certainement le sentiment anti-arabe, anti-Musulman."
|
|